Mal de terre

par Hoedic

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Laurent de Navire.net est de retour après quelques semaines de navigation sur le Belem. Bien belle expérience que voilà. De son récit de retour à terre, je retiendrais surtout cette petite phrase

*Revoir ces images surnaturelles des dauphins jouant à l'étrave en pleine nuit, leurs silhouettes phosphorescentes de plancton nous accompagnant comme des fantômes.*

Tous les récits de navigations sont les mêmes et ces silhouettes de dauphins, je les ai également vues et sont gravées en moi comme l’une des plus belles expériences de ma vie.

La nuit, sur un bateau, on devient complètement aveugle, les yeux ne servent plus à rien. Une lueur droit devant, est-elle proche, est-elle éloignée ? Impossible de savoir, tous les repères s’effacent. Seules restent les étoiles qui nous servent de guide avec le compas.

En plein quart, en pleine nuit, tout prend une nouvelle dimension, surtout les bruits. Le clapot contre la coque, les drisses contre le mât, les grincements du bateau, tous ces bruits qui passent inaperçus de jour, alors que toute notre attention est focalisée sur la vue, deviennent omniprésent la nuit. Ça en fait même peur ; ce bruit, est-il normal ? C’est bizarre, je pense ne jamais l’avoir entendu. Pourtant il est toujours présent, mais on ne l’entend pas.

Parmi tous ces bruits inhabituels, les premiers quarts de nuits en pleine mer ont été pour moi teintés d’anxiété : la toile est-elle correctement réglée ? Quel est ce bruit ? Comment être certain qu’il n’y a rien devant ? C’est dans cet état d’esprit que j’ai pour la première fois découvert cet étrange phénomène de photo-plancton. Pour la première fois depuis un certain temps, nous avancions au moteur faute de vent, et me retournant vers l’arrière j’ai aperçu une lumière, ou plutôt une lueur sombre, à peine perceptible au début, verdâtre, en forme de cône qui de toute évidence prenait sa source sous la poupe, au niveau de l’hélice, et s’élargissait derrière nous en faiblissant. Sans dire que c’est apeurant, ça renvoie tout de même à la crainte de ce qui se trouve en-dessous de nous. Ensuite cette couleur, la faiblesse de la lueur, n’en fini pas de fasciner.

Quelques jours plus tard, alors que j’étais sur le point de terminer mon quart, un je-ne-sais-quoi a attiré mon attention sur ma gauche, suffisamment pour que je quitte la barre et aille voir de plus près. C’est alors que j’ai distingué très clairement cette lueur verte dans l’eau, plus nettement que précédemment et non sous forme de cône mais comme deux trainées, deux courbes qui s’enlaçaient, un peu comme l’hélice d’un filament d’ADN et qui passaient le long du bateau, deux dauphins qui jouaient avec l’étrave.

Alors que l’instant d’avant je voyais arriver avec plaisir la fin de mon quart pour aller me blottir dans ma couchette, j’ai dépassé d’un bon vingts minutes mon heure, et avec grand plaisir.

Des dauphins, des requins, des espadons et même des globicéphales, j’ai eu l’occasion d’en voir en certain nombre, mais la forme que revêtent ces dauphins la nuit est purement magique et en tous points inoubliable.

Maintenant que je vis à Montréal, la Méditérranée, les côtes portugaises, le Golfe de Gascogne, la Bretagne sud, les veillées en mouillage forain ou dans un port inconnu, tout ceci est bien loin. Certes, la navigation est possible dans le Saint-Laurent, des voiliers cabotent à la hauteur de Québec ou de Charlevoix. Et même sans parler de bateau, j’ai des voiles dans la cave, il me suffirait de peu pour acheter une planche et de retrouver les plaisirs de l’eau, de la navigation à la voile.

Pourtant je ne me sens plus le courage de le faire, trop d’autres choses à faire avant et aussi la sensation que tout ceci est du passé.

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