Fantaisie schizoïde

par Dre Papillon

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Il y a toutes sortes de mécanismes de défense qui nous permettent de réagir aux divers situations, interactions et obstacles de la vie. Certains peuvent être considérés comme matures (anticipation, altruisme, humour, suppression, affiliation, ascétisme, et sublimation), d’autres sont plutôt névrotiques mais non moins courants (rationalisation, intellectualisation, contrôle, sexualisation, dissociation, déplacement, isolation, refoulement, annulation rétroactive, formation réactionnelle, externalisation, et inhibition), et d’autres enfin, carrément immatures (acting-out, fantaisie schizoïde, déni, idéalisation, introjection, projection, identification projective, somatisation, agressivité passive, clivage, régression, et blocage).

Les différents mécanismes ne sont, en soi, ni bons ni mauvais ; ils sont utiles, pour protéger le “moi”. On utilise ceux que l’on peut en fonction de ce que l’on est, de ce que l’on a vécu, et des circonstances. Utiliser des mécanismes névrotiques ou immatures n’a jamais fait de personne un malade mental. Ce qui est malsain, cependant, c’est l’utilisation excessive, comme mode de réaction habituel et répétitif, d’un seul mécanisme de défense, surtout s’il n’est pas mature, et l’absence de souplesse en la matière. (Normalement, on use d’un mécanisme différent en fonction de la situation…) Ce peut alors être particulièrement pénible pour l’entourage.

Le plus difficile à comprendre, parmi ces mécanismes, m’a toujours semblé être la fantasie schizoïde, ou autistique. J’ai mis longtemps à saisir de quoi il s’agissait. Il faut voir, ce n’est pas si courant !

J’ai dans ma famille un oncle au grand coeur, très gentil et que tout le monde aime démesurément. On se l’arrache littéralement. Pourtant, en le côtoyant, on sent aussi confusément qu’il n’est pas tout à fait normal.

À 44 ans, il héberge ses deux parents âgés de plus de 80 ans, dont l’un souffre de démence et est paralysé, en chaise roulante, suite à un ACV. Il héberge aussi son frère plus vieux, divorcé, depuis des années, et sa soeur sur le BS, qui est sûrement légèrement déficiente mentale (et souffre de TOCs). Pas d’enfant, pas d’amie de coeur, pas d’amis tout court qu’on lui connaisse. La tâche de s’occuper de son père (mon grand-père, donc) nécessite qu’il y ait constamment quelqu’un à la maison, en plus de s’en occuper activement environ 5 fois par jour (repas, exercices divers, changements de position, hygiène, etc.). C’est d’ailleurs lui qui a réalisé les divers investissements nécessaires, comme un lève-personne.

C’est le même oncle qui a déjà offert à ma mère (sa soeur) un petit 15 000 $ en cadeau. Le même oncle qui, quand la voiture de ma mère la lâche ou se fait vieille, lui cède la sienne pratiquement gratuitement et lui achète des pneus neufs au passage. Le même oncle qui…

Un grand coeur je vous dis. L’altruisme à l’état pur. Un tel niveau de sacrifice et d’abnégation est rarement atteint. Il aide absolument tout le monde.

Il est par ailleurs doté d’un sens de l’humour incroyable. Il est constamment rigolo, fait rire tout le monde, ne stresse personne, ne parle jamais de choses sérieuses, fait plaisir à tout le monde, ne dit jamais non, ne voit jamais de problème nulle part… Ça fait de lui un être incroyablement agréable à côtoyer et dont la compagnie est recherchée. Même son chien l’aime plus qu’un chien normal aime habituellement son maître (l’est vraiment zarbi le chien d’ailleurs).

Et pourtant, c’est là que le bât blesse. Même quand il serait temps de glisser deux mots sur des choses un peu plus sérieuses, c’est quasiment impossible, comme s’il nous glissait entre les mains, n’entendait pas. Il répond par le rire et élude le sujet. Eh bien la voilà, la fantaisie schizoïde, c’est cela même. C’est ce rire, ces détournements constants. Tout peut être excessif.

Il faut dire pour sa défense qu’il en a beaucoup sur les épaules, et qu’il est entouré d’êtres aux personnalités bien fortes. Sa mère ainsi que sa soeur, avec qui il vit, essaient constamment de le contrôler et de l’amener à agir selon leurs volontés. Et il faut dire ce qui est, elles y arrivent le plus souvent ; il est totalement sous leur joug. Mon oncle est ainsi doté d’une certaine mollesse, qui semble aller de pair avec ses autres caractéristiques pré-citées.

Malgré tout, comme tout le monde, je l’aime évidemment énormément et il ne me viendrait pas à l’idée de le critiquer. Ce qu’il fait pour sa famille est admirable. Seulement, j’ai une famille psychiatriquement difficile à vivre !


Personnellement, dans les “moins bons” mécanismes de défense que j’utilise, je dirais qu’il y a : la rationalisation, l’intellectualisation, le refoulement, la somatisation, l’agressivité passive et le clivage. C’est du joli ;)

Et vous, quels sont vos mécanismes de défense usuels ? (N’hésitez pas à demander, si vous voulez quelques définitions…)

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