Dernière semaine de stage

par Dre Papillon

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Je pense comprendre où est la différence dans nos systèmes de santé, pour faire de la France le fameux numéro 1 des classements dans la qualité des soins. C’est tout simple, c’est une question d’argent consenti, d’absence de virage ambulatoire et de rationnalisation (ou si peu !). On hospitalise pendant 24 heures des patients à chaque augmentation de dose de leur bêta-bloquant ; tout le monde peut arriver et partir en ambulance comme on commanderait un taxi au Québec… De manière générale, les hospitalisations sont longues, prudentes, et il y a beaucoup de personnel par lit… C’est impressionnant de voir cette armée en uniforme blanc, surtout avec la moitié de lits vides depuis mon arrivée !

D’un point de vue patients, beaucoup de tristesse cette semaine et ça me semble lourd à porter. Nos petits du moment vont très mal, et ça se voit. Celui qui est entré ce jour a des stigmates de souffrance partout, les grands yeux angoissés en sont pleins, les pleurs aussi sont différents et m’emplissent de pitié. Une image qu’on ne peut oublier. Pauvre petit à qui on a bidouillé des montages incroyables dans la poitrine à plusieurs reprises (je n’y comprends rien), mais qui est toujours si bleu. Et ça n’a que quelques mois.

L’autre petit est de toute évidence un échec chirurgical. Il faudrait le réopérer encore, mais les chirurgiens craignent qu’il ne survive pas à un nouveau passage sous le bistouri. Dans le service, on se demande aussi chaque jour s’il passera la nuit, tant le traitement médical ne suffit pas. Voilà une décision d’une délicatesse et d’une gravité insensée à prendre…

Sinon je suis allée faire une petite visite au service de neurologie pédiatrique dans l’hôpital d’à côté, où j’ai rencontré le très sympathique oncle d’un ami, chef du service. Il a l’air vraiment intéressé par les échanges internationaux et m’a accueillie avec chaleur et intérêt malgré son emploi du temps chargé. C’est intéressant d’aller dans ce service en particulier parce que beaucoup des enfants de mon service ont aussi des problèmes neurologiques (dans le cadre de plusieurs syndromes rares et compliqués ou parce qu’ils s’envoient des trucs du cœur au cerveau). J’avais eu l’occasion de lire plusieurs lettres échangées entre les services pour présenter des cas.

D’ailleurs, à ce sujet, vous devriez voir les belles lettres que s’envoient les médecins en France, c’est tout simplement incroyable et génial ! De longues lettres qui résument tout le dossier du patient, dictées sur magnétophone et tapées ensuite pas des secrétaires ultra rapides. Et ce, pour chaque patient qui sort ! Ça change des petites notes du Québec griffonnées sur un minuscule papier à prescription sur lesquelles c’est tout juste si on trouve une raison de référence… Et je ne suis pas sûre que les généralistes reçoivent d’aussi beaux avis des spécialistes consultés après coup ! Une copie de la lettre est même donnée ou envoyée au patient directement (bien qu’en termes plutôt médicaux et non vulgarisés). Voilà ce que ça donne d’avoir assez de médecins, qui ont le temps de bien faire complètement leur boulot…

Pour revenir sur la neurologie pédiatrique, voilà un domaine qui me déprimerait énormément. J’y suis aussi retournée le lendemain pour suivre la tournée (à plus de 10 dans la chambre des patients…!) et ce que j’ai vu m’a beaucoup frappée. En particulier, il y avait là un garçonnet de quelques années qui avait dû être opéré pour les amygdales. En post-op, il a fait un arrêt cardiaque et il aura fallu presque 2 heures pour le ranimer. Il est maintenant dans un état neurovégétatif, tout est fini pour lui… Et dire que les parents, prudents, avaient hésité, pour la chirurgie… Je comprends pourquoi les histoires avec des patients dans des comas comme ça font tant de bruit à chaque fois. L’être qui nous est cher est juste là, à côté, sur le lit, il respire, il a les yeux ouverts, il réagit parfois, et on l’aime toujours autant sinon plus, mais… Ce n’est qu’une illusion, il n’est plus là et ne reviendra pas. Je n’arrive pas à décrire à quel point c’est horrifiant d’être face à ça.

Mis à part ça, le tour fut très agréable, l’ambiance dans ce service est beaucoup plus accueillante et soudée. Le chef de service est très bon pédagogue et a un excellent contact avec tous les membres du personnel comme avec les patients, qu’il met littéralement dans sa poche à force d’explications qui les touchent. On vient de partout en France pour le consulter. Ça prouve bien que comme toujours, une expérience de stage dépend énormément de la micro-société dans laquelle on se retrouve. Je n’aurais certainement pas eu la même expérience de la médecine hospitalière française si j’étais restée là un mois (mais j’aurais appris bien moins, les cas étant trop pointus et spécifiques pour être d’une quelconque utilité de formation générale) ! Il est difficile de dire dans quelle mesure tout ceci est représentatif de quoi que ce soit ; que personne ne croie que je cherche à généraliser sauvagement dans mes remarques !

Chose certaine, mon stage est maintenant fini. Après avoir rencontré cette bande de joyeux lurons que sont les Remédiens, j’ai finalement quitté Lille en direction de Paris. Mes prochaines aventures me mènent maintenant au Sénégal et pour le coup, je ne vais vraiment plus vous donner de nouvelles ! Bon été !

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