Déjà la mi-stage

par Dre Papillon

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Je suis de retour à Dakar depuis hier soir et là je reviens tout juste d’une magnifique journée à la plage, avec un ciel magnifique, une eau chaude, des vagues agréables… Ca fait du bien de se retrouver un peu.

Je suis donc déjà revenue de Sendou où tout s’est très bien passé. J’ai eu une famille d’accueil assez facile, plus riche et plus éduquée que d’autres puisque c’était celle du chef du village. Le bonhomme en tant que tel m’était assez antipathique, donnant des ordres aux femmes (qu’il a au nombre de 4…) et aussi à moi, et vivant très oisivement finalement. M’était aussi foncièrement antipathique l’adolescente avec qui je devais partager le lit, et à vrai dire, je n’ai pas pu beaucoup dormir depuis 2 semaines… Il faut dire que les Africains sont bien plus à l’aise avec leur corps que nous, et ne sont nullement gênés par le fait de te grimper dessus en plus nuit tous coudes dehors… Bref… En plus sous une moustiquaire, normalement ça fait du bien de se sentir isolée un peu du reste, c’est féérique et rassurant, mais là il y avait quelqu’un dans ma bulle et c’était vraiment gênant.

Je suis devenue très amie avec l’aînée des enfants, âgée de 30 ans, qui parlait bien français et était très gentille. Ses 2 enfants, 4 ans et 1 mois, étaient aussi à croquer. (Je veux un bébé noir d’ailleurs ! ;) Les autres enfants ne parlaient pas vraiment français et le comprenaient parfois seulement. Evidemment les Sénégalais sont très portés sur le rire et on a parfois l’impression qu’ils se moquent, mais j’étais prévenue. De même ils sont très insistants pour qu’on mange beaucoup. Mais comme ma formation à Montréal était excellente, je suis très zen face à tout ça et je réponds moi aussi souvent par le rire (et quelques phrases poussivement en wolof).

Deux des filles ont d’ailleurs tenu à me tresser toute la tête, ce qui a pris un bon 8h. Malheureusement je me suis vite sentie sale, ça démangeait et me donnait chaud, c’était trop fragile… Alors j’ai déjà tout défait. Surtout qu’à force de voir toutes sortes de dermatoses, des poux, de la gale, de la teigne, je voulais vraiment pouvoir bien me laver la tête !

Sinon le village était assez tranquille, mais pas toujours propre, le sol était souvent une vaste poubelle, et la mer aussi, avec des vieux filets, des hameçons, des poissons morts et plein de choses peu ragoûtantes. Les rues étaient non pavées, donc excessivement boueuses en cette saison des pluies. D’ailleurs après une forte pluie cette semaine, une bonne trentaine de centimètres d’eau s’était accumulée dans la cour intérieure, qu’il ont souké vaillamment. Avec l’eau commencent aussi à sortir de plus en plus d’insectes qui m’inspirent de moins en moins. On n’a aussi plus un d’eau ni d’électricité pendant plusieurs jours.

On fumait souvent le poisson au village dans de fortes odeurs, mais pour le reste l’air était pur et les champs de baobab très jolis. Et en fait voilà 2 semaines que je mange du poisson midi et soir… Vivement des pâtes, du fromage, du yaourt… Comment font-ils pour ne pas manquer de calcium ? On buvait le thé tout les jours, très bon mais drôlement sucré.

J’ai un seul regret, et il est surtout dommage pour vous. A mon arrivée, j’ai vu, devant la première maison du village, une femme et à côté d’elle un grand pélican. J’étais en voiture et je n’ai pas pu le prendre en photo. Je n’ai pas revu de pélican de tout mon séjour, sauf hier, en quittant, toujours en voiture. Pas eu le temps de prendre la photo, mais je l’ai dans ma tête. On dirait qu’il était là pour m’accueillir et me souhaiter au revoir.

Les gens là-bas avaient une attitude moins difficile qu’à Dakar, attendant parfois plus qu’une minute pour demander en mariage et ne cherchant pas constamment à vendre quelque chose, puisqu’il n’y avait rien à vendre. Par contre les enfants me servaient très lourdement le fameux “toubab” que je ne peux déjà presque plus souffrir… Je me suis aussi fait draguer en masse (parfois lourdement aussi), et souvent héler un peu partout. On dirait que les gens ne peuvent pas se retenir de venir te parler parce que tu es blanc. Le manque de solitude commence vraiment à me peser. Impossible de passer inaperçue, d’être seule un peu, même quand j’allais au bord de la mer tôt le matin discrètement. Tout le village surveillait toutes mes allées et venues, faits et gestes.

Mon niveau de sociabilité est assez variable selon mon humeur, bref, je suis fidèle à moi-même. J’ai tout de même eu quelques discussions intéressantes sur le sujet de la polygamie, sur les pays occidentaux, etc, avec quelques hommes. Les contacts avec les gens demeuraient parfois difficiles même en village, parce que les hommes veulent quand même toujours savoir mon statut marital et/ou me parler d’immigrer en Occident, et parce qu’il subsiste toujours un fond d’envie chez les femmes aussi, qui ne peuvent s’empêcher de te dire que le moindre de tes chiffons est joli, qui te scrutent sans cesse avec une attention gênante, te copient, etc. Parfois leur rire me semblait une façon de reprendre le dessus sur moi (je ne sais pas bien laver le linge car ça ne fait pas le bon bruit de mousse, etc.)

Sinon je suis allée quelques fois avec la famille dans une ville un peu plus grande, au marché, mille fois plus calme qu’à Dakar, où je pouvais marcher sans être talonnnée et touchée ; seulement demandée en mariage. J’ai eu l’occasion de me faire faire un joli boubou, d’en faire faire un pour Hoedic que j’ai drôlement hâte de voir porter, et aussi une nappe pour ma maman, et un porte-bébé pour plus tard, hihi. Les tissus ici sont magnifiques et les tailleurs font du beau travail.

Cette semaine je suis aussi allée en charrette tirée par un maigre cheval au village peulh le plus proche, pour soigner un tuberculeux. Là-bas les gens vivent dans des huttes de paille, sans eau ni électricité.

Du point de vue du stage, j’y ai vraiment été choyée. Il y avait 15-20 patients par matinée à la consultation (donc pas le temps de s’ennuyer) que je faisais principalement seule (avec de l’aide pour la traduction) : questionnaire, examen, ordonnances, avec l’aide de l’infirmier pour les réalités africaines. J’ai vu énormément de cas de palu, diarrhées, fatigue et douleurs chez les femmes, affreuses plaies infectées et abcès, dermatoses diverses chez les enfants, et beaucoup de cas de malnutrition, presque tous les enfants en fait. J’ai eu l’occasion de gérer un cas de MST dans une famille polygame, pas évident. Et de prescrire du Viagra aux notables du village venus spécialement me voir. C’était varié et enrichissant. Je ne saurais dire si j’ai été vraiment utile cependant, mais peut-être un peu. En drainant un abcès à l’oeil, on sauve peut-être l’oeil. En faisant descendre quelques fièvres vraiment inquiétantes, on évite peut-être le pire. Etc.

Mais souvent les histoires des gens étaient excessivement confuses et peu claires. On voyait qu’ils écoutaient les conseils d’alimentation des enfants d’une oreille et que ça sortait directement par l’autre. Qu’ils prenaient l’ordonnance pour ne pas la faire compléter, faute d’argent ou d’intérêt. Ou qu’ils la complétaient puis se soignaient n’importe comment… J’ai l’impression que la tâche est immense et vraiment décourageante en Afrique. Le fait de soigner les problèmes aigus, surtout ici, me semble plus que jamais un patch sur de graves problèmes de manque d’hygiène et de prévention primaire.

Heureusement, “l’infirmier” (un gars formé sur le tas) avec qui j’ai travaillé était vraiment super. Très dévoué, intelligent, travaillant bien, dans une asepsie toute relative (les instruments ont-ils vraiment chauffé assez longtemps et à la bonne température ?) mais qu’il respectait de son mieux, etc. Il m’a positivement impressionnée comparativement aux histoires d’horreur que j’ai entendu des étudiants d’un groupe de médecine, dans d’autres cases de santé ailleurs. Je pense qu’il fait plus de bien que de tort par ses soins attentionnés et délicats, il ne se mouille par à faire ce qu’il ne sait pas faire, etc. Mais j’ai vu les résultats de soins mal faits dans des villages adjacents et il y a de quoi avoir des frissons d’horreur.

Maintenant je pars à Guédiawaye demain pour faire un stage sur l’hypertension et le diabète (il y en a énormément dans ce village apparemment), dans un groupe de femmes travaillant dans un relais santé. Ca semble une meilleure façon de toucher la population, j’ai hâte de voir ça. Il paraît que je serai là dans une bonne famille qui a déjà reçu plusieurs autres stagiaires. Avec un peu de chance ça se passera bien aussi.

Le week-end prochain je vais dans le Siné Saloum, plus au sud du pays, pour le repos de mi-stage que nous offre l’ONG. Ce sera dans un monastère avec des soeurs, au bord de la mer.

A la prochaine !

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