Le Québec a-t-il une tendance défaitiste?

par Hoedic

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Différents événements récents ont fait ressurgir à mes yeux ce que certains considérent comme un complexe d’infériorité chronique du Québec.

Première fois où j’ai lu une telle qualification, c’était dans le pittoresque “Les Français aussi ont un accent” dans lequel l’auteur explique que complexe d’infériorité des Québécois n’a d’équivalent que celui de supériorité des Français. Le grief est également présent sous les touches de quelques participants de quitterlequebec.com et iC. Même vision chez cet auteur sur vigile.net, pourtant très fier de sa patrie, traitant de la signification réelle de la bataille des plaines d’Abraham.

Les Plaine d’Abraham, difficile de ne pas en entendre parler. Un événement vieux de 350 ans quand même. À cette époque, le général français Moncalm se faisait écraser en quelques minutes par l’armée anglaise. Ceci conduisait à la perte militaire de la ville de Québec puis du Québec au complet. 3 ans plus tard, le roi français renonçait politiquement à cette région du monde, délaissant ainsi à leur triste sort les francophones d’Amérique du nord (les acadiens avaient déjà été déportés quelques années auparavant et cette défaite n’augurait donc rien de bon).

Et ça a beau être vieux de 350 ans, on en entend parler régulièrement, ça fait partie du folklore. Ça fait aussi partie des choses qu’on peut se faire dire quand on est Français, le fameux “vous” nous avez abandonné (si je n’ai jamais été traité de maudit français depuis mon immigration, celle-ci je l’ai entendu à quelques reprises). Par ailleurs, d’après ce que dit l’auteur de l’article sur Vigile.net, les québécois se font souvent resservir cette défaite comme preuve de leur médiocrité. Parfois j’ai même l’impression que les québécois cultivent eux-même autour de cet événement un culte du défaitisme et du peuple abandonné. Ça semble réellement un élément constitutif du Québec, un peu comme les américains arborent fièrement leur guerre d’indépendance et leur droit au port des armes, le Québec se souvient des plaines d’Abraham.

D’ailleurs la devise du Québec n’est-elle pas là, présente partout qu’elle est, pour rappeler ce qui suivi de cet événement : Je me souviens. Le Québec se souvient que né sous le lys (couronne française), il croît sous la rose (couronne anglaise). Belle devise pleine d’amertume.

Quel impact sur le Québec d’aujourd’hui ? Récemment, un bloggueur semblait découvrir que le Québec était moins ouvert aux étrangers que certaines autres provinces. Ceci ressort par exemple quand j’entends nombre d’immigrés francophone dire qu’ils s’intègrent mieux dans les provinces anglophone qu’au Québec voire dans les milieux anglophone que francophone pour ceux qui sont au Québec. Le lien avec cette histoire de 350 ans semble tout tissé : développé sous le joug anglais, les québécois ont toujours été sous le danger de se faire assimiler, ce qui nécessite de se serrer les coudes contre toute forme d’invasion.

Sauf que voilà, les temps changent et ces perceptions du monde n’ont plus de raison d’avoir cours. Et sur ce point je rejoins l’avis du bloggueur en question, Marco : les plaines d’Abraham, les loyalistes rappelant sans cesse cette défaite, ce n’est plus au goût du jour.

Et quand je vois en ce moment le tralala autour de nommination de Michaëlle Jean en tant que gouverneure générale, représentante de la reine d’Angleterre, ça fait vraiment pitié ; certains souverainistes s’étant empressés de soulevé le passé indépendandiste de son mari pour littéralement foutre la merde. C’est ainsi que ressurgissent ces vieux démons qui guident trop de personnes. Fait intéressant les extrêmistes de tous bords, souverainistes et fédéralistes, reprennent alors les armes mais cette fois du même coté, contre ceux qui avancent.

L’exemple de Michaelle Jean est à ce titre frappant de “modernité” : originaire de l’artistocratie haitienne, installée au québec possédant les nationalités canadiennes et francaises navigant entre fédéralisme et souverainiste, elle fait ressortir par sa nommination les querelles d’un autre temps, opposants les mêmes acteurs, canadiens anglais et québécois, avec en arrière plan les instances anglaises (la “Couronne”) et françaises (par sa nationalité). Les fédéralistes purs et durs allant demander jusqu’à une déclaration de loyauté (pour faire écho aux loyalistes anglais ?) et souhaitant visiblement qu’elle renie sa nationalité francaise.

Bien que ces tensions semblent absentes de la vie quotidienne au Québec, ce n’est pas tant le cas, du moins pour certains. Et en plus des faits historiques, des devises, du fait que les anglais ont controlé le Québec jusqu’aux années 1970, etc. certains chiffres (rumeurs ?) voulant que les francophones gagnent moins que les anglophones et d’autres choses rappellent ce rapport de force visiblement à l’avantage des anglophones.

Or cette médiocrité est toute relative, un peu comme l’éternelle sinistrose française, comme en attestent la réussite de certaines entreprises. D’ailleurs, de part son marché difficile à pénétrer car îlot francophone dans un océan anglophone, le Québec jouit d’une position intéressante pour permettre à ses entreprises d’atteindre une taille critique pour ensuite se développer, et en profite dans une certaine mesure !

Pourtant les québécois semblent rétissants au grand. Chaque nouveau grand projet semble irréalisable et les erreurs de passés comme les J.O. de 1976 pèsent de tout leur poids dans la balance des choix et des esprits : le Québec ne peut pas.

Difficile de quantifier le défaitisme ou le complexe d’infériorité (surtout d’une population) mais on peut difficilement en contester la présence au Québec (par rapport au reste du Canada) et franchement, oter ce sentiment va nécessiter de se replonger dans l’histoire (et bien entendu, l’accession à la souveraineté du Québec est dans l’esprit de plusieurs le seul moyen de recouvrir cette page d’histoire.)

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