C'est fort, la neuro

par Dre Papillon

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Récemment, j’ai lu un recueil très impressionnant de “cas” neurologiques écrits sous forme de nouvelles, L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau, par Oliver Sacks. Évidemment, ce sont des cas souvent un peu rares ou exceptionnels. Si vous n’avez jamais lu ça, courez à la bibliothèque la plus proche, vous serez fascinés par la cerveau humain !

En côtoyant des patients atteints de troubles neurologiques, je suis aussi tous les jours très impressionnée par tout ce que ça peut faire.

Je suis actuellement une patiente atteinte d’Alzheimer, tout simplement (et de plein d’autres choses, sinon elle ne serait pas en médecine interne ;)). Mine de rien, sa démence est “bien frappée” maintenant. Mais ça ne paraît pas tant que ça, elle a l’air normale, tout au plus un peu lente ou simplette.

Mais c’est assez surprenant de la voir “réinventer la vie” à chaque jour. Une douleur est éternellement nouvelle pour elle. Un problème réglé n’a jamais existé. Elle a des mécanismes de défense pour avoir l’air presque appropriée (“vous me reconnaissez ?” “bien sûr !” “je suis qui ?” “euuuuh…”), mais on voit bien que dans le fond, elle est pas mal perdue.

Un peu comme dans le film, Les 50 premiers rendez-vous, avec Adam Sandler et Drew Berrymore, mais là on est dans la vraie vie :) (J’en ai des références moi !)

Je commence aussi à devenir familière avec le concept de transfert et contre-transfert, en psychiatrie. En gros, quand une personne m’inspire des sentiments ambigus voire négatifs pour des raisons inexpliquées, le plus souvent, il n’est pas nécessaire de chercher bien loin. C’est du contre-transfert sur un trouble de la personnalité ;)

Cette semaine, j’en ai eu plein les bras avec une patiente. J’ai dû mal à mettre le doigt sur le problème exact avec sa personnalité. Elle est circonstancielle à souhait (Il y a deux types de discours très difficiles à supporter avec les patients âgés : les discours tangentiels, lors desquels le patient se sert de la question comme d’un tremplin pour vous raconter toute sa vie sans jamais revenir à la question, et les discours circonstanciels, lors desquels le patient s’en sert comme d’un boomerang et peut finir par répondre à votre question, si vous avez le temps et la patience d’écouter tout ce qu’il y a entre les deux…) et assez “précieuse”. Elle a refusé d’aller passer un examen à 8h du matin sous prétexte qu’elle n’était pas encore maquillée et qu’elle refusait tout avant 11h. Elle a même fait une plainte en bonne et due forme à l’ombudsman à ce sujet. Moralité, on lui a fait une hospitalisation encore plus prudente pour être sûrs de ne RIEN se laisser passer, vu ses traits pour le moins… revendicateurs. J’ai aussi cru détecter un certain anti-féminisme chez elle, du genre assez basique : “j’aime pas les médecins femmes”. Intéressant… Enfin, ce matin, elle s’est plaint d’avoir mal dormi car un autre patient ailleurs toussait… Il a fallu lui exliquer qu’à l’hôpital, il y a aussi des gens très malades…

Transfert, contre-transfert. Je suis bien soulagée qu’on ait réussi à lui donner congé !

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