La fin d'Internet pour bientôt ?

par Hoedic

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Internet tel que nous le connaissons est le résultat d’un équilibre fragile dont la pérennité est sournoisement remise en cause. Les racines d’Internet sont la liberté et l’égalité d’accès et un système ouvert non discriminant et uniforme à l’échelle internationale. Parfois j’en viens même à me demander comment un tel système ad hoc a pu se former et se développer pour obtenir une telle complexité et une telle richesse.

Depuis le début, des forces obscures cherchent à déstabiliser ce bel équilibre ou à s’approprier sa richesse. Si le Réseau est devenu plus commercial que souhaité initialement, il n’en reste pas moins conforme à sa forme originelle. Cependant, plusieurs mouvements jusqu’ici désordonnés se sont donnés le mot pour faire pencher la balance pour eux, remettant ainsi en cause tout l’édicifice. Trois grands “dangers” se dessinent :

  • L’informatique de confiance et les moyens de protection

Les industries des contenus (appelées communément de la culture), des logiciels et du hardware s’entendent tranquillement pour mettre en place des mesure de “protection” pour assurer que les systèmes informatiques ne puissent pas accéder à des contenus/logiciels protégés par un copyright ou jugés dangereux (protections contre les virus, spyware et autres). L’étape de jugement est peu à peu déportée de l’utilisateur au code informatique. Ce code empêche déjà certains utilisateurs d’écouter leur musique dûment payée. Ça s’appelle l’informatique de confiance. Pourrait-on se voir interdit certains sites parce qu’ils sont jugés dangereux par le système ? Parce qu’il ne sont pas certifié par tel ou tel entreprise ? Quand on me dit que ma carte vidéo, mon écran, voire mes câbles pourront juger de ce qu’ils véhiculent… C’est en tous cas la direction prise au pas cadencé sous l’influence de nombreuses entreprises ; il est cependant probable que cette tendance ne se rende pas à un tel point mais c’est à surveiller.

  • Ségrégation des contenus par les tuyaux

Actuellement, les opérateurs américains ont l’obligation de traiter ce qui passe par leur tuyau de manière égalitaire, que ce soit un courriel, un téléchargement de musique achetée, un échange pair à pair (P2P) ou un appel téléphonique skype gratuit. Mais les opérateurs de télécom’ trouvent que cette situation les désavantage au profit d’entreprise type Google et Yahoo qui prospèrent sur leurs infrastructures, sans en payer le coût. C’est faux et en réalité la raison de leur révolte est à chercher ailleurs : les opérateurs de tuyau sont également des opérateurs téléphoniques et des plus en plus des distributeurs voire des producteurs de contenus. Ils aimeraient bien rendre leurs contenus, leurs services payants bref, leurs produits, prioritaires sur leurs infrastructures et carrément bannir les transferts trop consommateurs d’infrastructure comme le P2P.

C’est pour cela que les entreprises de télécommunication visent la modification d’une loi (le Telecommunication Act), leur permettant officiellement de procéder à une ségrégation des contenus.

Les hostilités ont également commencé au Canada où l’opérateur Rogers a visiblement décidé de bannir certains échanges, notamment Bittorrent.

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Pré en bord de mer

Les enjeux derrière ces manoeuvres sont colossaux, l’avenir financier des industries du divertissement et des télécommunications est en jeu, certaines entreprises y jouent leur vie ou du moins leur suprématie. Ils ont compris que n’importe qui peut leur prendre leur marché avec la configuration actuelle et ils veulent retourner cette tendance.

Dans le même genre, AOL pousse de plus en plus sa taxe sur les courriels, officiellement pour limiter le spam, un grand pas en arrière dans la logique d’Internet.

  • Éclatement de l’uniformité mondiale

Cela fait plusieurs années que la Chine essaie de s’isoler d’Internet sans pour autant pouvoir complètement couper les ponts. La censure via des moyens techniques (firewall, etc) existe mais demeure contournable ; la meilleure solution est donc de mette en place leur Internet. Et l’annonce récente de mettre en place un système de nom de domaine qui leur est propre en prend la direction.

Michael Geist met ceci en perspective avec le refus du gouvernement américain de remettre cette gestion des noms de domaine à une instance internationale et serait donc un moyen de faire pression. Cependant, sous l’angle de la censure, ce serait le meilleur moyen pour assurer à terme un controle total sur un Internet borné à des frontières géographique.

Quelque soit la raison, si le système de la Chine venait à être imcompatible avec celui de l’ICAAN, ceci pourrait être le signal d’un désagrègement progressif de la structure d’Internet (Le système de chinois va proposer des domaines en .com et .net ce qui pourrait sembler incompatible avec ceux en place car créateur de doublon. Cependant, ces domaines utiliseront un jeu de caractères différents (des caractères chinois logiquement) ce qui devrait permettre une coexistence des deux systèmes. Cependant, les choix technologiques ne sont pas clairs. Par ailleurs ça n’aura pas d’impact sur nous puisque nos fournisseurs Internet continueront à aller chercher leurs noms de domaines auprès de l’ICANN ; c’est plus le risque de création de plusieurs Internet et l’effondrement de la structure actuelle qui est inquiétante à terme)

Parmi les signes alarmant, l’absence de réactions voire un résignement de plus en plus présent. Malgré les fortes résistances, je lis plusieurs acteurs accepter à contre coeur les moyens de “protection”, parce qu’imposés, tout comme j’en lis quelques uns (Padawan étant le premier qui me vient à l’esprit) qui parlent ouvertement de la “fin programmée d’internet” (même si je ne sais pas exactement ce qu’il entend par là).

Note : En relisant des articles parcourus dernièrement, je suis retombé sur celui qui a possiblement inspiré (inconsciemment) le titre de mon billet, The end of Internet. Il traite principalement le second argument que j’avance, en le creusant un peu plus.

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