Le modèle canadien de l'immigration

par Hoedic

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Suite à un billet d’Olivier, voici quelques réflexions sur le modèle immigratoire canadien. Ces réflexions dépassent le cadre des questions soulevées mais il me pardonnera surement ;)

Tout comme Olivier, je suis Français installé au Québec depuis plus de 3 ans (je pense que nous sommes d’ailleurs en concurrence pour celui qui décrochera sa citoyenneté le premier).

Le modèle immigratoire est basé sur la sélection des immigrants sur leurs compétences (formation + expérience), l’âge (pas trop vieux ni trop jeune) et certaines caractéristiques comme les langues maitrisées. Le résultat est une immigration avec un taux de scolarisation de niveau universitaire proche de 50%. On est loin des réfugiées politiques qui représentent une portion assez faible (13% des immigrants en 2004).

Le Canada, et chacune des provinces, met en place un programme d’intégration qui coute surement bien cher : formations sur le nouveau pays à l’arrivée, tissu associatif communautaire supporté, programme d’intégration au travail. La France souffre assez mal la comparaison. Ce n’est pour autant que ça va bien… au contraire, ça a même tendance à empirer comme l’expliquait un article récent de la Presse : les nouveaux arrivants sont de plus en plus pauvres et rattrapent de plus en plus difficilement le niveau de vie moyen. Bien que théoriquement bien rodé, le système Canadien souffre de nombreuses lacunes que j’ai eu l’occasion de tester moi-même.

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Fort Napoléon

­ La première est la sélection des profils. J’ai tendance à considérer que la force se trouve dans le diversité (et c’est aussi l’avis de la nature paraît-il), mais le gouvernement tend à sélectionner de profils “en demande”, par exemple les informaticiens en 2000. Sauf que le temps qu’un gouvernement décide de mettre un métier en demande et le temps de faire les démarches pour les candidats, l’économie a pu se retourner. En 2002, les informaticiens au chomage étaient légion. Plus généralement le Québec (au moins) a cherché pendant des années des universitaires alors que les besoins sont criants au niveau des techniciens.

Ensuite, malgré les efforts des gouvernements, bien que la population soit convaincue de l’intérêt de l’immigration, les entreprises demeurent tatillonnent envers les immigrants… tout en se plaignant de manquer de main d’oeuvre qualifiée ! La fameuse première expérience nord-américaine fait très mal et oblige bien des immigrants qualifiés à se taper des jobines, alors que des entreprises conservent des postes ouverts des mois de temps… en pleurnichant de ne trouver personne. Les entreprises font beaucoup trop les difficiles alors qu’elles sont le cul sur un tas d’or.

Comme le faisait remarquer Olivier, l’immigration représente annuellement près de 1% de la population canadienne. On peut difficilement “importer” des centaines de milliers de personne sans faire face à des problèmes. La politique canadienne se veut communautariste : l’état respecte les spécificités de chacune des communautés. Les haitiens se sont ainsi isolés et représente maintenant la communauté la plus pauvre, une communauté jugée comme “à problème, 2 ou 3 générations après les premiers arrivants. Il est à craindre que ceux qui arrivent maintenant posent problème dans 20/30 ans. Par ailleurs, l’affaire du Kirpan montre que la tolérance a des limites et à force de laisser chaque communauté suivre ses coutumes, certains chocs deviennent inévitables (indépendamment de la justification raisonnable de ces chocs en question.)

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Safran

Enfin, il faut regarder les effets de l’immigration sur les sociétés. La politique immigratoire du Canada vient d’un constat tout simple : le taux de natalité est ras les paquerettes. Si on ne veut pas avoir une pyramide des âges catastrophique et conserver un dynamisme économique, il faut de la chair fraiche… étrangère. Pendant ce temps, les jeunes galèrent, s’endettent pour étudier et soit repoussent l’idée d’avoir des enfants, soit en ont et se mettent dans le trouble. Alors pourquoi ne pas mettre en place des politiques familiales (et sociales) efficaces pour aider les canadiens au lieu de démarcher les étrangers ?

D’ailleurs ce démarchage n’est pas sans conséquence pour les pays sources. Ces derniers ont besoin, parfois de manière criante, de leur main d’oeuvre qualifiée. Dans les pays en voie de développement, la portion de personnes qualifiées s’expatriant est bien trop importante. Dépenser 2% du PIB en aide au développement international est une chose, mais si c’est pour ôter aux pays aidés toutes les personnes capables d’assurer la poursuite du développement, ça ne sert à rien.

Au résultat, le système immigratoire canadien est surement l’un des plus performant : il couvre ses objectifs tout en assurant aux immigrants une vie de manière générale acceptable. Cependant l’immigration n’est pas un phénomène anodins, autant pour chacune des personnes se lançant dans l’aventure, que pour les nations concernées quand les volumes deviennent si importants. Ce qui m’inquiète c’est que les problèmes reliés à l’immigration ne sont jamais instantanés, les expériences d’autres pays le montrent. Le Canada, trop occupé à s’auto-congratuler sur son plus meilleur système immigratoire et sa société d’une ouverture sans commune mesure, pourrait un jour tomber de haut.

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