De la débilité d'un classement des urgences du Québec

par Dre Papillon

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La Presse a fait paraître cette semaine un classement des urgences du Québec.

Je trouve ça débile et je vais vous dire pourquoi. D’abord, les critères utilisés représentent mal la réalité. Ensuite, je n’en ai vu aucune analyse intelligente et ce, où que ce soit.

Je viens de passer plusieurs mois dans les trois hôpitaux du CHUM soit l’Hôtel-Dieu, Notre-Dame et Saint-Luc. Je n’y ai pas encore fait mon stage d’urgence même, mais j’ai beaucoup travaillé à la salle d’urgence comme consultante en diverses spécialités. J’ai vu ce qui s’y passait et comment ça marche. Je peux même vous comparer ça avec Sainte-Justine !

Donc que se passe-t-il ? Si vous allez à l’urgence du CHUM pour une pierre au rein, ou parce que votre diabète est débalancé, ou parce que vous faites une obstruction intestinale, ou pour une raison un peu sérieuse, et qu’on décide de vous donner un lit. Eh bien dans un monde idéal, ça signifierait le plus souvent de monter sur un étage pour se faire observer et soigner et passer quelques examens. Malheureusement, les hôpitaux de Montréal débordent de partout et il n’y a pas de lit libre sur les étages (il y a parfois des étages de fermés aussi à cause des diverses compressions).

Donc les hospitalisations courtes se déroulent souvent à l’urgence au complet puisqu’aucun lit ne se libère avant votre congé. Et celles un peu plus longues commencent aussi par quelques jours à l’urgence avant d’avoir un lit décent ailleurs. Quant aux gens que l’on retrouve dans les lits des étages, depuis le virage ambulatoire, ils sont de plus en plus gravement malades et leur hospitalisation est souvent longue. Il y a aussi ceux qui attendent un placement parce qu’il n’y a pas de place en convalescence ni dans les CHSLD. C’est beaucoup plus vrai à Montréal qu’ailleurs parce qu’on y draine beaucoup plus de gens beaucoup plus malades.

Tout ça pour dire que la congestion des urgences n’est qu’un épiphénomène démontrant qu’on manque de place partout dans le système. Forcément que c’est à la base que ça reflue et que ça paraît le plus. Mais ça ne veut pas dire que les urgences sont plus mauvaises qu’ailleurs ! C’est juste que les hospitalisations ne se déroulent pas où elles devraient.

Du coup, le critère “temps de séjour à l’urgence” représente principalement ce phénomène, et non le “temps d’attente avant d’être vu par un médecin”, comme les médias le laissent bêtement entendre…

Je ne dis pas que c’est normal ou agréable de passer deux jours sur une civière dans un couloir de l’urgence. J’explique juste pourquoi c’est comme ça. Ça ne sert à rien, en tout cas, de mettre une pression de folie sur les pauvres urgentologues qui ne font que ce qu’ils peuvent ! C’est un problème beaucoup plus profond. Ce qu’il faut faire, c’est améliorer l’offre de services et le nombre de places partout, si on veut décongestionner les urgences.

Par opposition, à Sainte-Justine, si un enfant vient à l’urgence avec une gastro et qu’il est déshydraté, on le monte tout de suite à l’étage où il reçoit une intraveineuse pendant une journée puis il rentre chez lui. De cette façon, il n’assombrit pas les sondages. Mais il faut dire ce qui est : les enfants sont généralement bien plus résistants et en bien meilleure santé que les personnes âgées, et leurs hospitalisations sont beaucoup plus courtes, d’où un fort taux de roulement. Absolument rien à voir avec la situation dans le CHUM.

En tout cas, ça me prouve qu’il faudrait arrêter de défavoriser Montréal par rapport aux régions éloignées dans les investissements et les plans régionaux, parce qu’ici aussi, la situation hospitalière est très difficile et les besoins sont énormes.

(Entre vous et moi, l’urgence de Notre-Dame est tout de même à éviter, mais pour des raisons d’ambiance déficiente…)

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