La dictature des chiffres

par Hoedic

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J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur l’utilisation abusive des chiffres. Via monsieur Snyder, j’ai eu l’occasion de tomber sur le blogue antagoniste.net. Comme le dit son titre : l’actualité autrement. C’est un site intéressant car il aime bien prendre des énormités et des mythes et il essaie de les déconstruire.

Cependant il aime bien utiliser des données brutes, sans aucune interprétation. Je veux bien mais c’est un peu juste. Du moins ça peut cacher une réalité différente.

Deux exemples (je ne dis pas que mon interprétation est la bonne, je présente juste des éléments qui peuvent modifier l’interprétation)

  • Le taux de décrochage des élèves, où l’auteur du blogue montre une courbe sur le décrochage des élèves à l’école sans explication. On y voit clairement que ce taux a augmenté sous les péquiste et baissé rapidement en 2004 sous Charest. Mettons. Premièrement, quand on regarde le graphique à la source, on se rend compte que les variations ne sont pas aussi importantes mais plutôt une stagnation depuis le milieu des années 1990.

Surtout quand on regarde comment sont obtenus ces chiffres la vision change. Le taux de décrochage est obtenu en combinant le nombre d’élèves avec le nombre de diplômes secondaires délivrés. En d’autres termes, le fait de rendre le diplôme plus difficile d’obtention fait automatiquement augmenter ce taux de décochage, même si la non-obtention du diplôme n’est pas ce qu’on appelle communément du décrochage.

Par ailleurs ce genre de chiffre facile détourne facilement l’attention du sujet de préoccupation. Le problème dont on traite généralement est le décrochage des gars. Ainsi en 1979, les taux de décrochage pour les filles de 18 ans était de 33% contre 38% alors qu’en 2004 c’était 13% contre 22%. Et c’est un problème. Les données agrégées cachent souvent des tendances contradictoires plus locales.

La raison pour laquelle le PQ (que je ne supporte pas du tout) parle de reconstruire un Québec plus instruit tient aussi au niveau de l’éducation publique. La qualité de l’enseignement public est-elle en baisse ? Je ne sais pas mais je ne pense pas que les taux de décrochage soit un indice suffisant, c’est un élément parmi d’autres. Un indice utile sauf si cette baisse du décrochage est en fait le résultat d’une plus grand tolérance dans l’obtention du diplôme (ce qui est souvent déploré).

  • Le nombre de médecins : Où l’auteur du blogue démontre que le Québec a plus de médecin que le reste du Canada sous-entendant qu’on n’en a pas besoin de plus. Bref, ceux qui ne trouvent pas de médecin doivent être comme l’auteur qui en fait n’en veut pas. Ou alors ils cherchent surement très mal…

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Pourtant la répartition géographique montre une réalité qui fait réfléchir : les banlieues sont désertées par les médecins, à cause des quotas à la con, ce qui contraint les patients à aller à Montréal ou à rester dans médecin.

Ensuite au lieu de regarder les chiffres au Canada, on peut regarder ailleurs. Pour un taux de 2,05 médecins pour milles habitants au Québec, on en trouve 2,56 aux USA et 3,37 en France.

Un commentateur fini par pointer un élément intéressant permettant d’analyser les chiffres sous un autre angle : les médecins québécois sont nettement plus des femmes que dans le reste du Canada. Et les femmes travaillent quelques 8 heures de moins par semaine. C’est un point intéressant.

En réponse de quoi l’auteur du blogue écrit :

Bref, dans le ROC on fait plus avec moins. De quoi amener de l’eau au moulin de Lucien Bouchard.

C’est une vision des choses. Il n’en reste pas moins le fond du problème : il est très probable que le nombre d’heures travaillées au Québec ne soit pas nettement plus élevé que dans le reste du Canada. Pour connaitre nombre de Québécois (ou d’immigrants) qui cherchent un médecin, je doute que ce soit un choix culturel de ne pas avoir de médecin comme sous-entendu, mais effectivement une pénurie, une mauvaise répartition ou un choix culturel des médecins québécois de travailler moins (auquel cas, il faut effectivement compenser par plus de médecin). Who knows.

Bref des chiffres pour démonter les mythes oui, mais avec rigueur.

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