Ces médecins étrangers qui n'ont pas de postes de résidence

par Dre Papillon

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Voilà je suis contrainte de réagir avec du retard vu la casse des derniers jours sur le blog (et surtout mon examen final de médecine qui est maintenant derrière moi !!)…

Je sais d’ores et déjà que je ne vais pas exprimer une opinion très à la mode et que ça risque d’en fâcher certains.

Donc comme vous le savez les étudiants en médecine du Québec ont choisi plus que jamais d’aller faire leur résidence ailleurs au Canada ou aux États-Unis. En échange, on ne reçoit pas assez de résidents de ces régions pour compenser, ce qui, entre vous et moi, est normal, car nos conditions ici sont bien inférieures et surtout, il faut parler français (même à McGill).

Bref, on se retrouve avec une soixantaine de postes vacants après le processus des deux tours du “match” (le système de jumelage des candidats avec des programmes, censé donner à tout le monde le mieux qu’il puisse obtenir selon l’attrait qu’il représente).

Je sais que les médecins étrangers qui demandent un poste en résidence, pour être rendus là, ont franchi plusieurs étapes de reconnaissance. Mais réussir des étapes n’est pas suffisant pour entrer en résidence, loin de là ! Ces postes sont difficiles d’accès (en fait, plus ou moins, selon la spécialité et leur popularité) même quand on a réussi à obtenir son diplôme de médecine ici, et même en médecine générale.

Pour entrer en résidence, il faut en plus d’avoir des diplômes et des examens réussis, des bonnes notes à ces examens et un bon dossier, avec des expériences intéressantes, idéalement de la recherche et de l’implication diverse et variée.

Des tas de gens ne réussissent pas à avoir ce qu’ils veulent comme résidence. Ce n’est pas parce que tu es étranger que tu devrais avoir un passe-droit et prendre les postes que d’autres n’ont pas obtenu, faute d’avoir fait assez de recherche ou d’avoir des notes assez hautes.

Surtout que maintenant, les étrangers participent au même système de jumelage que tout le monde. S’ils sont bons, ils passent devant nous, sinon, on passe devant eux (et je suppose que le nombre total de postes est réfléchi en conséquence). Et il y en a plusieurs qui réussissent ainsi à obtenir des postes, plus que jamais en fait, là aussi.

(Auparavant ils devaient entrer dans un contingent séparé qui contenait bien moins de places et était encore plus difficile d’accès pour un total d’étrangers admis moindre. Ça, je ne l’ai vu écrit nulle part.)

On ne peut rien forcer de plus. L’Amérique du Nord est un système ouvert et c’est très bien comme ça. C’est comme si le gouvernement français imposait des étrangers dans les internats de Bretagne parce que les étudiants français s’en iraient de cette région, lui préférant Paris ou le sud… Ce serait assez choquant.

Si un programme veut être attirant pour des candidats (les locaux et ceux d’ailleurs), dans un système ouvert, il n’a qu’à se rendre attrayant, c’est tout.

Et quand tu es directeur d’un programme de résidence, tu recherches les meilleurs candidats possibles avec des critères spécifiques à ton domaine. Si tu laisses un poste vacant, c’est que tu as refusé des gens qui auraient aimé étudier dans ton domaine faute de compétences suffisantes dans ce système très compétitif. Pas que personne n’a frappé à ta porte ! Vouloir étudier dans un domaine, c’est un privilège et ça s’obtient difficilement, ça n’équivaut pas directement à y être admis sur simple base de volonté. Le but est de maintenir le niveau, la qualité et la réputation du programme, pas de l’abaisser.

Ce qui n’a pas été assez écrit non plus, c’est que le système de jumelage nord-américain est ouvert aux Québécois depuis seulement deux ans. Avant, notre système était presque à vase clos de sorte qu’il était très difficile d’y entrer ou d’en sortir. C’était alors normal que les Québécois restent chez eux.

Deux ans, c’est assez peu quand on considère l’ouverture d’un système. L’an dernier les gens n’avaient peut-être pas encore réalisé complètement qu’ils étaient libres d’aller où ils veulent, et cette année ils commencent seulement à réfléchir dans l’optique ouverte nord-américaine. Ça paraît normal que le système s’ajuste et que la réalité apparaisse enfin au grand jour.

Eh oui, il est peut-être plus intéressant d’aller se former ailleurs, ne serait-ce que pour le trip de voir du pays, de changer d’influences médicales dans notre formation, avoir de meilleures conditions de travail et de salaire… Et éventuellement pouvoir rester là-bas encore plus facilement après. Tout cela fait partie du jeu.

Pour terminer, je dirais que ce qui est incompréhensible, c’est d’inclure les médecins étrangers dans le même processus que les étudiants en médecine des facultés locales.

D’abord, ont-ils vraiment besoin de refaire toute une résidence, ou du moins d’être admis par le même processus, alors que leur profil et leur parcours sont si différents ? C’est certain que ces candidats sont difficilement comparables aux autres puisqu’ils arrivent avec une expérience (professionnelle et de vie) très différente et que leurs priorités ne sont pas les mêmes. Ils sont forcément moins “compétitifs”. Enfin, il me semble qu’ils devraient avoir leurs postes réservés et séparés des autres, étant donnée la spécificité de leurs besoins (mise à niveau).

Néanmoins, c’est au directeur d’un programme à trancher et à avoir le dernier mot au sujet de n’importe quel candidat, peu importe le nombre de places qu’il lui est théoriquement permis de remplir et comment elles se répartissent. Il est impossible de forcer artificiellement ce processus, et encore plus en l’état actuel des choses. Les facultés de médecine et les hôpitaux débordent, les patrons et professeurs sont moins disponibles que jamais et le temps de chacun doit être utilisé de façon optimale. Enfin, la compétitivité des programmes doit être maintenue et tirée vers le haut en tout temps, pas vers le bas, ce qui passe entre autres par la qualité des candidats reçus et leur succès en bout de ligne.

Le libre-échange, il faut l’assumer avec ses conséquences.

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