Petite anthologie folklorique de la recherche d'une garderie

par Hoedic

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Voilà bientôt trois mois que je me suis attelée à la recherche d’une garderie pour Monsieur. Et je ne vois toujours que le ciel qui bleuoit à l’horizon, le soleil qui rougeoit, la pluie qui pleuvoit, et le désert de garderies qui s’étale à l’infini.

Je passe sous silence le fait que je suis, bien entendu, inscrite sur toutes les listes d’attente des garderies privées et centres de la petite enfance du Plateau/Mile-End élargi et ce, depuis le test de grossesse positif ou presque. C’est d’une telle banalité.

D’une banalité similaire le faire que je suis inscrite sur la tout aussi inutile liste de la coopérative enfance-famille. À quoi bon ces listes interminables où l’on se retrouve immanquablement 1252e, bien placé pour obtenir une place aux alentours des 18 ans révolus de Monsieur ?

Surtout, arrêtez de me parler de magarderie.com : on y observe un champignon nucléaire centré sur notre humble demeure, avec un vaste terrain vierge de garderies sur 20 km à la ronde, dans toutes les directions.

Sur Kijiji, les annonces se font très rares, et quand il y en a, je ne réussis pas à me démarquer du lot et à me faire recontacter. Je ne dois pas être assez vendeuse dans mes réponses. La prochaine fois, je me promets d’offrir une valise de liasses de billets verts en échange d’une place, en plus du privilège de ne pas attendre à l’hôpital pour voir un médecin. À bon entendeur…

J’ai bien évidemment contacté le bureau coordonnateur du quartier qui m’intéresse. J’ai dû inventer toutes sortes d’histoires toutes plus farfelues les unes que les autres pour obtenir de force les numéros de téléphone des gardiennes qui refusent, en théorie, de le donner, leur liste d’attente étant supposément déjà trop longue (allons donc !). Et j’ai téléphoné, mille fois plutôt qu’une, à toutes celles qui, de près ou de loin, sont situées à des endroits accessibles pour nous.

Bilan de la pêche ? Six pauvres petites garderies visitées en trois mois. Toutes sont soit largement inadéquates, soit elles ont levé le nez sur notre petit Monsieur pourtant extraordinaire.

La première était sise en un sous-sol glauque et dépourvu de fenêtres. La gardienne a sauté sur mon bébé sans tenir compte du fait qu’à cet âge, les étrangers les angoissent et qu’ils ont besoin d’un peu de temps pour être apprivoisés. Que nenni, mon fils n’ira pas là.

La deuxième ne voulait pas nous voir le vendredi et fermait à 17h, en plus de prendre un mois de vacances l’été. Qu’à cela ne tienne, elle a prétendu que la place n’était plus libre, finalement.

La troisième était tenue par une anglophone, fumeuse, dont le logis semblait le siège d’un ouragan perpétuel tant on ne saurait y retrouver un fauteuil caché sous les traîneries. De vagues odeurs nauséabondes flottaient dans les airs et émanaient des enfants.

La quatrième m’aurait bien plu. Une dame gentille et chaleureuse qui m’a même posé des questions sur mon bébé (auxquelles j’ai répondu bien trop honnêtement, en rétrospective), je crois bien que c’est la seule à l’avoir fait. Elle fermait aussi à 17h et un mois et demi l’été, plus d’autres semaines de vacances ici et là dans l’année. Des horaires largement insuffisants pour nous… De toutes manières elle a choisi une autre famille.

La prochaine fois, c’est certain, je prétends d’un air assuré que mon bébé prend la suce, qu’il fait deux siestes de 3-4h par jour, qu’il mange et change sa couche tout seul et qu’il n’a pas de voix ni de larmes pour pleurer. Je prétends aussi que dans notre famille, on commence à travailler à 10h, on finit à 14h, et qu’on adore prendre deux mois de vacances ici et là dans l’année.

Pour la cinquième garderie, on entre dans la cours des grands et on change de catégorie. J’ai réussi à m’introduire dans un cercle très sélect de petites garderies privées qui coûtent une fortune chaque jour, avec une valse d’éducatrices qui se relaient dans la journée et dans la semaine plutôt qu’une figure stable. Mais qui, nonobstant leur prix mirobolant, ferment quand même à 17h. Celle-ci m’a vanté en long, en large et en travers son merveilleux programme éducatif en anglais basé sur A-B-C et 1-2-3, avec des intervenants extérieurs qui viennent faire des bricolages fabuleux avec les enfants et le fait qu’ils “poussent très fort sur les Baby Einstein à la télévision”. Me voilà séduite, il va sans dire !

La cerise sur le sundae, le clou du spectacle, la sixième et dernière garderie visitée à ce jour… Faisant fi elle aussi de ses coûts exorbitants, elle ouvre seulement à 8h30 le matin (“mais tous les enfants arrivent à 9h, 9h30, hein…”). On y regarde la télé religieusement, à tous les jours, et on ne sort pas dehors. On ne prend pas mon bébé le mercredi, non plus. Et puis, nonchalamment posés par terre dans l’entrée, on trouve… des clous, mesdames et messieurs. Oui oui, des clous. J’y ai même déposé Monsieur avant de m’en rendre compte.

Je me demande encore ce qui traîne dans l’entrée, les journées où il n’y a pas de visite de prévue. Et aussi, ce qu’ils font avec les clous, quand les parents ont le dos tourné.

soupir

La vérité vraie, c’est que je me meurs pas d’envie de faire garder mon bébé, et que j’ai du mal à l’imaginer se pendre contre une clôture intérieure comme un petit prisonnier…

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