À l’école des communs – Le bien public

par Hoedic

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Camelia

Photo: Stained glass de Ken Douglas (CC-BY-NC-ND).

Par le fait d’incompatibilités d’agenda de certains de mes collègues du monde Open data, j’ai eu le plaisir d’être invité à échanger avec Lionel Maurel sur les données ouvertes dans le cadre d’une réflexion initiée par Communautique sur le thème “À l’école des communs“. J’ai sacrifié ma pratique d’aikido du samedi matin, mais autant dire ce qui est, ça en valait la peine.

Le concept de bien commun (“commons” en anglais) permet de regarder sous un nouvel angle bien des phénomènes émergents contemporains. Pour ceux qui ne sont pas familier avec la notion de bien commun, il s’agit de toutes sortes de ressources qui sont possédées ou partagées par des communautés plus ou moins étendues. De manière à gérer ces ressources, les communautés en question doivent généralement décider d’un mode d’attribution, de partage ou d’utilisation permettant d’éviter la tragédie des biens communs. D’un point de vue historique, les biens communs recouvraient les ressources naturels (forêt, terres arables, ressources halieutiques, etc) ou à certaines constructions sociales comme les parcs, certaines infrastructures, etc. Bref, du tangible.

Avec l’avènement d’Internet notamment, on s’est mis à retrouver le concept de commons dans l’intangible. La licence Creative Commons met clairement le doigt sur la chose: des productions issues du monde numérique, donc intangibles, peuvent également entrer dans la définition de bien commun. En brisant la logique de copyright qui s’applique habituellement au savoir, aux techniques et aux productions intangibles, bien des produits de l’esprit humain peuvent devenir des biens communs. La composante numérique n’est pas absolument nécessaire mais demeure très centrale: c’est par la capacité de reproduction à l’infini à coût nul qu’un produit de l’esprit peut devenir un bien commun.

Et c’est là toute la pertinence de cette rencontre: elle permet de mettre sous un même chapeau de nombreuses initiatives et tendances actuelles, connexes mais pas toujours en contact: open data, open access (pour les revues scientifique), open education, open source (autant logiciel que physique) et bien d’autres encore qui ont pour point commun d’avoir renversé la logique pure capitaliste au profit d’une mutualisation des efforts qui bien souvent est plus efficace.

Pour reprendre une analogie que j’ai formulé durant la discussion (qui se déroulait dans l’église Saint-Marc), tout ceci me fait penser à un magnifique vitrail qui est en train d’être construit collectivement: chaque tendance est comme ces morceaux de vitre découpés. Ils sont certes très beau individuellement, mais c’est leur assemblage qui fait jaillir le sens de l’œuvre. L’image qui va ressortir de cet intense travail n’est pas encore claire, tous les morceaux du vitrail n’ont pas encore pris leur place ni leur forme, mais on voit se dessiner un nouveau cadre qui peut redéfinir les échanges sociaux et économiques.

Plusieurs idées dignes d’intérêt ont été soulevé durant cette rencontre mais l’une d’elle a particulière frappé mon esprit: Une économie du bien commun est capable de se nourrir et de profiter de l’économie capitaliste, et c’est un point central. Comme le signalait Michel Bauwens, la plupart des transitions économiques qui ont perduré ont vu un chevauchement entre un ancien modèle à l’agonie et un nouveau modèle se nourrisant et se développant à l’intérieur de l’ancien. Un des participants a évoqué la métamorphose de la chenille en papillon. Bien que la logique de bien commun soit dangereuse pour l’économie capitaliste, cette dernière n’a pas d’autre choix que d’y participer comme les Microsoft et consort n’ont plus d’autre choix que de participer au développement de logiciels open source. Une économie centrée sur la logique de bien commun peut-elle voir le jour? C’est peut-être beaucoup demander, mais il est passionnant de voir un embryon d’alternative au modèle dominant actuel.

Bien des questions ont été soulevé autour d’un système qui reposerait sur l’économie du bien commun; pour l’heure il n’y a que des pistes ténues qu’il faudra suivre pour espérer trouver des réponses. En attendant, pour ceux qui comme moi travaillent au développement et à la valorisation de ces concepts émergents, il est crucial de pouvoir se rencontrer et discuter ce concept de bien commun qui est à l’intersection de bien des tendances actuelles. Chacun à notre façon nous essayons nos idées, nous trouvons des solutions plus ou moins utiles et le partage de ces expériences, à l’image du bien commun, devrait permettre de renforcer l’ensemble du mouvement. Bref, un véritable élixir d’intelligence pour continuer nos réflexions et notre travail.

Plus globalement, alors qu’un nombre croissant de personnes demandent un plan numérique pour le Québec, il apparait nécessaire de prendre du recul et de constater à quel point il est nécessaire d’avoir une vision d’ensemble englobant tous ces phénomènes en devenir (et pas juste les données ouvertes ou même l’open source) pour être capable de définir une vision d’avenir.

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