Gunnm vs Alita

par Hoedic

Lecture: ~5 minutes

Parait-il que c’était un des rêves de James Cameron d’adapter Gunnm au cinéma. Un peu comme Avatar, il aurait attendu que la technologie soit à la hauteur de sa vision pour passer à l’acte, ce qu’il a fait avec le réalisateur Robert Rodriguez. Qu’en penser?

Gunnm, de Yukito Kishiro, est une des références du manga cyberpunk avec Akira, Ghost in the shell ou Appleseed. Du fait de l’évolution des technologies, le style cyberpunk est plus que jamais d’actualité, bien que le gros de la production connue date des années 1990.

Personnellement, je suis un fan fini du manga, que j’ai lu 3 ou 4 fois, dont une lecture récente en vue d’aller voir le film. Après avoir vu le film, j’ai pris conscience que la trame narrative est celle de l’OVA (original video animation), une série de deux films d’animation divergent significativement du manga. J’ai vu l’OVA il y a très très longtemps; donc dans certains cas mes critiques iront à l’adaptation du scenario (qui vient principalement de l’OVA) dans d’autres de la version film sans que je puisse facilement distinguer les deux.

Disons-le, les critiques du film ne sont pas très bonnes, surtout en comparaison du coût de réalisation. Et la principale raison semble être le scenario qui, effectivement, n’est pas très bien ficelé. Volonté de mettre trop de choses, pas assez d’approfondissement… et c’est bien dommage. Ce qui peut passer dans un OVA à petit budget devient inacceptable dans un blockbuster à gros budget.

Un critique de du New Yorker descend en flamme le film. Premier point: il est difficile d’apprécier le film sans connaitre le style manga cyberpunk… ou le manga lui-même. Ledit critique se moque de la fin à la Titanic du film, sans se rendre compte que si son commentaire est vrai, on parle d’une scène inscrite dans le manga plusieurs années avant que le drame maritime ne soit mis à l’écran. Sans savoir cela, le critique met tout de même de l’avant une réalité: la relation amoureuse entre Alita et Yugo n’a pas sa place. Dans le manga, Yugo est obsédé par sa quête: rejoindre la cité volante de Zalem au point de ne comprendre qu’à la toute fin l’amour réel que lui porte Alita.

Gally et Yugo

Séparation à la Titanic, avant Titanic

Ce qui soulève la question plus générale du développement du personnage central: Alita est elle-même motivée par une quête personnelle; savoir qui est elle, qui elle fut, puisqu’elle a perdu la mémoire. Thème classique des mangas. La construction du personnage se fait donc sur cette quête fort peu approfondie dans le film. Dommage: Alita étant une cyborg (cerveau humain, corps bionique), elle s’avère être plus humaine que bien des “vrais” humains, notamment ceux qui vivent dans la cité de Zalem pourtant supposé symboliser les “plus vrais” humains. Bref, il me semble que le film ne met pas son temps au bon endroit, développant des thèmes convenus et peu intéressant et délaissant des sujets moins communs présents dans le manga.

Ceci est possiblement la conséquence d’un autre choix: plaire à un large public. Adapter Gunnm se serait surement traduit par un film 16 ans et plus et non PG-13. Dans le manga, Alita vit dans un monde violent, une décharge à ciel ouvert où les habitants peuvent se faire attaquer à tout instant pour se faire voler leur colonne vertébrale ou autre “pièce”. Un des personnages clés devient un monstre parce que petit il s’est fait jeter de l’acide au visage par des passants, pour le plaisir. Bref, du cyberpunk noir. C’est d’ailleurs ce qui motive plusieurs personnages à vouloir aller sur Zalem, la ville des humains civilisés, au-dessus de la décharge. Dans le film, la vie ne semble pas si terrible dans Iron city (on ne parle même plus de décharge, Kuzutetsu, textuellement La décharge de feraille). Alita y découvre les plaisirs de manger une orange ou du chocolat dans une lumière radieuse et des enfants qui jouent autour. Inutile de dire que ça dénature pas mal, à mes yeux, la relation des personnes à leur entourage et donc leurs motivations.

Ceci dit, on s’entend que mettre à un manga à l’écran, dans un film, est extrêmement difficile. Le style manga, notamment Gunnm, laisse des tonnes de place à interprétation que le film, surtout grand public, peut difficilement se permettre.

Comme film, c’est un divertissement assez extraordinaire, un univers monté de toute pièces riche et complexe. On aimerait que les scènes de Motorball et de combat durent plus longtemps (l’utilisation d’Alita de l’art martial cyborg Panzer Kunz est à peine mentionné). On comprend pourquoi Cameron a du attendre quelques années pour passer à l’acte. Malgré le fait que le film, dans sa construction et dans son inspiration du manga, appelerait une suite, on peine à croire que la réception du film au box office justifiera un acte 2. En attendant, il est toujours possible de lire le manga :)

Quarante cycles solaires

Réflexions sur la crise de la quarantaine La suite

Suis-je réac' ?

Publié le 16 avril 2017

(Faire) Aimer la lecture

Publié le 19 mars 2017