Il y a l’amour qui prend, et c’est l’impur. Il y a l’amour qui donne ou qui contemple, et c’est la pureté.
Aimer, aimer vraiment, aimer purement, ce n’est pas prendre : aimer, c’est regarder, c’est accepter, c’est donner et perdre, c’est se réjouir de ce qu’on ne peut posséder, c’est se réjouir de ce qui nous manque (ou qui nous manquerait si on voulait le posséder), de ce qui nous fait infiniment pauvres, et c’est le seul bien, c’est la seule richesse. Pauvreté absolue de la mère, au lit de son enfant : elle ne possède rien, puisqu’il est tout et qu’elle ne le possède pas. “Mon trésor”, murmure-t-elle. Et elle se sent démunie comme jamais. Pauvreté de l’amant, pauvreté du saint : ils ont mis tout leur bien dans cela qu’on ne peut posséder, qu’on ne peut consommer, ils se sont fait royaume et désert pour un dieu absent.
André Comte-Sponville (Petit traité des grandes vertus)