Il faut citer une dernière fois la bouleversante formule de Pavese, dans son journal intime : “Tu seras aimé le jour où tu pourras montrer ta faiblesse sans que l’autre s’en serve pour affirmer sa force.” Cet amour-là est le plus rare, le plus précieux, le plus miraculeux. Vous reculez d’un pas ? Il recule de deux. Simplement pour vous laisser plus de place, pour ne pas vour bousculer, pour ne pas vous envahir, pour ne pas vous écraser, pour vous laisser un peu plus d’espace de liberté, d’air, et d’autant plus qu’il vous sent plus faible, pour ne pas vous imposer sa puissance, pas même sa joie ou son amour, pour ne pas occuper tout l’espace disponible, tout l’être disponible, tout le pouvoir disponible… C’est le contraire de ce que Sartre appelait “le gros plein d’être”, en quoi il voyait une définition plausible du salaud.
André Comte-Sponville (Petit traité des grandes vertus)