Hé oui, c’est comme ça. J’aurais vraiment voulu y aller, mais mon cours de ce soir était un TP, un long TP, et encore ça ne me gène pas de sécher un cours, mais un travail d’équipe, ça ne se fait pas.
Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir souhaité partir. D’ailleurs, les gens de mon groupe auraient pris une pause, je l’aurais fait. Pouf, partir, sans laisser de trace, disparaître sans donner de raison, comme je sais si bien le faire.
Ayant sécher les deux derniers cours et n’ayant plus grand intérêt pour ce domaine qui ne fait plus partie de mon futur, les premiers instant furent horribles. Flou total sur les propos du prof et l’objectif du travail, refus obstiné d’essayer de comprendre.
Je me voyais déjà prendre mon sac à dos et aller à La Cabane. Puis à la réflexion, je n’avais pas envie de voir de monde. Je n’avais pas non plus envie de retourner dans cet appartement que je ne connais que trop bien. Je me voyais donc errer, dehors, un peu comme je le faisais plus jeune.
J’ai pris ces habitudes d’errance lors de mes longues journées seul à Ploemel, petite bourgade du Morbihan, loin de tout. Ça s’est poursuivi lorsque, vers 12 ans, j’ai attéri à Carquefou, banlieue bourgeoise de Nantes avec ses pistes cyclables et ses terrains de sport à perte de vue. Je me retrouvai dans une situtation à peu près similaire à ce soir notamment dans les différents sports auquels je m’essayais.
Tous ces sports que je voulais faire mais, étant débutant je me trouvais ridiculisé par mes coéquipiers. Résultat, j’arrivais dans le vestiaire puis, ne me sentant pas à ma place, je finissais par ressortir et errer, à pieds ou à vélo, dans la campagne nantaise.
Le seul sport collectif où j’ai à peu près accorché, c’est le handball (sport inconnu s’il en est en Amérique du Nord). Il faut dire que j’étais bon à un poste qui est tout sauf collectif : gardien de but (pour ce qui ne savent pas, oui, il y a des buts au handball, et des gardiens, comme José Théodore au hockey, mais sans les protections de partout et avec un but plus grand). Le soucis était que devant retourner à Ploemel la plupart des fins de semaine, je fus rapidement écarté de l’équipe principale dont les matches se déroulaient les samedis. Dès lors, je n’étais plus reconnu comme Le gardien de l’équipe et ma période d’errance a recommencé.
Je ne pense pas que cette période de ma vie puisse être considérée comme très agréable même si autour de 13 ans, plus de 10 ans après, je ne suis pas certain de pouvoir très bien juger (et que vaut la vie et l’avis d’un adolescent en début de puberté ?). Cependant, je me retrouve aujourd’hui irrémédiablement confronté aux mêmes sensations qu’à cette époque.
Arrivé dans un nouvel endroit, j’éprouve les plus grandes difficultés à m’y adapter. Pas étonnant, j’ai une nature plutôt casanière, même si j’ai toujours refusé de l’admettre. Je me retrouve à vouloir errer plutôt que de rester en cours, le tout pour finalement abandonner lachement. Rien ne me tente, rien n’accroche. À l’époque, ce qui m’a sauvé, c’est la natation. J’étais “naturellement” bon, ce qui m’a permis d’arriver directement comme numero 2 de l’équipe locale. Respect immédiat et beaucoup de bons amis à la clé.
Ici, à quoi puis-je m’accrocher de similaire pour faire ma place ? La natation ? Je vais à des cours, mais ce n’est pas la même ambiance qu’une équipe qui compétitionne et les entrainements les plus ardus m’ont montré à quel point mon épaule n’est plus capable de fonctionner comme avant mon opération. Je n’arriverai jamais à passer sous le cap de la minutes au 100 mètres nage libre.
J’ai bien pensé aux bloggers, mais je n’en vois que trop peu, trop peu souvent, ce n’est pas un groupe soudé et soudable.
L’université, je n’en parle même pas. Toutefois, j’ai été surpris récemment de voir que tout le monde connaissait mon nom (alors que personnellement je ne connais pas un dixième des élèves par leur prénom). Mais comme souvent, c’est avant tout façade. J’ai bien essayé de faire bouger des choses, c’est sûrement pour cela que je suis connu, mais cette bande de veaux à tout juste daigné bouger une oreille pour faire semblant d’écouter.
Non, cette envie d’aller simplement marcher seul, tourner au gré des intersections, dans le silence de la ville, me renvoie à toutes mes périodes solitaires, toutes ces périodes qui me font dire que je suis effectivement un solitaire. Mais, un solitaire, ce n’est jamais bien vu, me semble-t-il et je pense que c’est de là que vient l’un de mes malaises les plus profonds.
Moi, ça ne me dérange pas d’être seul, ni même d’être morne et un tantinet triste mais c’est le regard qui est posé sur l’être isolé que je peux être qui m’angoisse souvent. Ça me fait culpabiliser, c’est chiant.