Mon frère ne va pas mieux...

par Dre Papillon

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La suite de l’histoire de mon petit frère…

Voilà un an que tout a commencé, i.e. qu’il a lâché l’école et que toute sa vie ne tourne plus qu’autour des ses thérapies : en orthophonie (bégaiement), en psychologie (phobie sociale) et en psychiatrie (dépression). Au printemps, on avait la nette impression qu’il avait fait des progrès et qu’il s’exprimait raisonnablement bien.

Mais depuis juillet, c’est la catastrophe. La régression est fulgurante et désespérante. Il parle plus mal que jamais. On devient fou à attendre qu’il sorte ses phrases, à être mal à l’aise de ne pas savoir s’il faut attendre ou s’il faut compléter pour lui, à sentir son impatience et sa frustration. C’est incroyable le découragement que je ressens pour lui quand je le vois maintenant. Ça doit être affreux d’être comme ça et de ne pas arriver à s’exprimer à ce point. De voir son problème empirer alors qu’il y travaille avec tant d’acharnement, depuis toute une longue année. Il travaille tellement fort, et en même temps ses peurs persistent tellement, il refuse tellement de les surmonter ; les freins sont à fond et l’avancement est nul.

Pendant tout ce temps, sa vie se résume à si peu de choses. Il continue à éviter toutes les situations où il faut parler, la principale mais non l’unique étant bien sûr le retour au cégep. Retour hypothétique qui semble s’éloigner et s’assombrir de jour en jour. On y croit de moins en moins, bien qu’on ne puisse que continuer d’espérer. Il ne se dit toujours pas prêt ne serait-ce qu’à entamer l’embryon d’une démarche d’orientation. Il veut régler ses autres problèmes avant. Comme si tout allait s’arranger et devenir parfait, un jour. Personne ne lui a dit en face qu’il aurait à apprendre à vivre avec son handicap, plutôt que le nier de la sorte ? Il y a là un travail de deuil à faire, deuil de ses capacités personnelles, qui ne seront pas ce qu’il aurait pu espérer (et ce que les autres auraient pu espérer de lui…), deuil de ces possibles qu’il faut rayer parce qu’ils ne seront pas. Mais il a encore une vie à mener, là, devant lui, et non pas rien !

Sa vie est complètement restreinte, il ne vit pas d’expériences, n’a pas l’occasion de mûrir, de se développer, d’évoluer ni même d’interagir avec d’autres. Il est incroyablement fermé sur un univers incroyablement restreint, composé de lui-même, de notre mère (qui souffre elle-même de “dépression majeure chronique réfractaire au traitement conventionnel”, source de son invalidité…), et par extension, de notre oncle et d’une tante avec lesquels il joue aux cartes tous les samedis soirs. La tante en question est une espèce de ratée finie et indescriptible, insupportable, avec une personnalité très laide, égoïste, vulgaire, B.S. dans les faits, dans l’âme et jusqu’au bout des doigts. Je n’exagère même pas, Hoedic peut vous le confirmer.

Souvent, un obèse cherche à ce que les gens autour de lui mangent beaucoup(trop), histoire de les voir grossir à leur tour et de se sentir moins seul. Pareillement, ma tante a tout le comportement d’une personne qui cherche à entraîner mon frère dans sa déchéance. “Pourquoi étudier, ça ne sert à rien” ; “Personne à cette table ne va faire d’études, arrêtons d’en parler” ; j’en passe des vertes et des pas mûres. Une influence indue et dommageable. Une influence qui ne prend pas sur ceux qui ont assez de ressources intérieures pour la repousser, mais qui ne peut que faire son chemin dans la tête de mon frère, désorienté et seul.

J’ai parfois l’impression qu’il vit son problème avec un tel manque de maturité, un peu comme j’ai pu vivre mon acné à l’adolescence. “C’est la fin du monde”, “Pas d’avenir pour moi dans ces conditions”, “Les autres ne voient vraiment que ça en moi”, etc. On voit bien, maintenant et de plus en plus, que sa façon de voir et d’analyser les choses, quelles qu’elles soient, manque terriblement d’expérience de vie et de réalisme. Et évidemment, comment mûrir quand on se cloître de la sorte, à ne rien vivre, à ne se frotter à rien ni personne, à ne rien découvrir ? Il manque de stimuli et à la fois les refuse en bloc.

Un problème qui a l’air si bénin à la base - le bégaiement, qui en porte plusieurs à rire et presque tous à relativiser… Un problème dont personne n’est responsable, qui était là depuis longtemps, sans trop de conséquences.

Gâcher une vie à son orée de la sorte. Je suis révoltée et je ne peux m’empêcher de penser que, des fois, la vie est une saloperie.

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