Passant dans un coin sombre et peu fréquenté de la station de métro Place-des-Arts, je tombe sur des clochards endormis à même le sol, face contre mur.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, alors que ma situation est bien loin de la leur, je pense pouvoir dire que je les comprends en partie. Du moins, je comprends ce qui s’apparente à un abandon, abandon de la vie, de l’humanité.
Durant les vacances, je discutais avec un ami et lors d’un échange où j’avance que finalement autant de personnes ont besoin d’aide au Québec (ou en France) qu’au Sénégal, il me répond qu’un Québec, n’importe qui a accès au minimum vital par le bien-être social.
C’est évidemment vrai. Pourtant, au-delà du fait que le BS n’est pas suffisant pour espérer une vie décente, je veux bien croire que le simple fait d’en faire la demande peut être au-dessus des forces de certains, faibles qu’ils sont devenus… comme je l’ai été, comme je le suis peut-être encore. Car vient un moment où le moindre effort devient horrible, l’interaction insupportable. Comment se comporter face à un représentant d’une société qui nous a abandonné ? Comment ne pas en vouloir à la Terre entière dans ces conditions alors que moi-même je rageais de voir des incompétents tenir des boulots-planques ?
Dans ces conditions vendre le journal L’itinéraire ou choisir de jouer d’un instrument dans le métro demande surement un effort énorme étant donné le manque d’intérêt que nous avons en tant que passant pressé.
La question que je me pose est pourquoi ignorer aussi consciencieusement ces personnes qui finalement essaient de s’en sortir ? Qu’est-ce qui me pousse à ne vouloir en aucun cas croiser ce regard qui demande seulement de l’aide ? Parfois j’ai l’impression de réapprendre à vivre et de me poser des questions connes.
Une chose de semble de plus en plus certaine ; une personne se construit en large partie par les épreuves vécues… et surmontées. Je le vis moi-même et bien que ne sachant pas encore quoi en faire, je sens monter en moi une force, une force qui veut agir. Je ne peux m’empêcher de me dire que ceux qui ressortent des coins lugubres du métro, ne serait-ce que pour vendre un journal, doivent également faire appel à une grande force, mais qui est là, dans la vraie vie, pour valoriser cette force ?