Réintégrer ses baskets

par Dre Papillon

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À peine avais-je eu le temps de rentrer chez moi que c’était déjà la rentrée, lundi dernier, jour de notre 6e anniversaire ensemble en plus. Heureusement qu’il y a eu un petit resto pour me remonter le moral, parce que je n’ai pas trouvé ça facile !

Voulant partir l’année de bon pied et offrir à mon corps suffisamment de sommeil, je me couche relativement tôt. Or il se trouve que mes journées de travail sont fort longues, commençant à 8h-8h30 et ne me permettant de rentrer souvent que passé 19h. Et je suis seulement en dermato, un petit stage à option facile et léger ! Faites le calcul, cuisiner, manger, la vaisselle, la douche… C’est tout de suite l’heure de se mettre au lit, à peu de choses près. Et de toute façon je suis tellement crevée que je peux difficilement me river à un livre, fût-il seulement de dermato, pendant une heure, comme je serais sensée le faire. Le tout, non payée bien sûr, avec des frais de scolarité par-dessus le marché. Et avec le sourire s’il-vous-plaît. C’est maintenant qu’il faut avoir un brin de vocation, parce que des fois, on se demande pourquoi on fait tout ça…

Dur dur la vie d’externe ! On se sent exploité par en haut, et on sent vraiment la pression de ceux qui veulent voler les places dans telle ou telle spécialité. Il faut toujours s’adapter à un nouveau milieu, aux exigences d’un nouveau patron (et à sa souvent drôle de personnalité), à la théorie d’une discipline inconnue (ses urgences, ses médicaments, ses subtilités)… Et dès qu’on est un peu à l’aise, c’est fini, il faut tout recommencer ailleurs !

Pour le moment j’ai évidemment un petit pincement au coeur pour notre ancien appart, qui était à distance de marche de cet hôpital. Tandis que là bon, c’est ça de perdu en sommeil, ou en vie privée-loisirs, au choix.

Chose certaine, il y a tout un débit dans ce service de consultations externes, c’est éreintant ! J’ai l’impression de jouer au docteur en réalisant les consultations. Mais d’être quand même inutile au fond, car il faut bien aller chercher le vrai médecin à la fin…

Je savais que je n’aimerais pas la dermato, et c’est un fait avéré. Je n’ai pas choisi ce stage par intérêt mais pour son utilité. C’est quand même tout nul un médecin qui n’entend rien aux pustules, nodules, macules, excoriations et autres lichénifications… Alors j’ai pensé remédier à cette faiblesse.

Intellectuellement, un service ultraspécialisé comme celui-ci offre évidemment une exposition à certaines maladies rares, à des présentations atypiques, et c’est au moins ça de gagné en intérêt et en défis. Disons que ça va au-delà de l’acné, du grain de beauté louche et de l’eczéma, même si c’est là le pain quotidien et même si je ne dénigre pas l’importance de ces problèmes. Au contraire, je me sens très empathique, ayant moi-même eu de gros problèmes d’acné dans le passé. Je sais que même si ces lésions ne menacent pas la vie (on peut facilement avoir envie de s’exclamer “Mais ce n’est rien ça !”), ce n’est jamais “rien” si le patient s’est déplacé jusque là.

Alors voilà, même si j’ai encore l’air d’une touriste dans mon nouveau quartier, même si je tâtonne encore sur les murs à la recherche des interrupteurs dans mon nouvel appart, je dois reprendre les brides d’un quotidien plus chargé que jamais. Vivement que je prenne l’habitude de tout ça, car pour le moment je suis très récalcitrante et je trouve ça difficile à vivre.

J’ai aussi vraiment une impression tenace (et fausse, oui oui) que ce retour s’est aussi fait dans le temps et qu’on devrait être à la fin du mois de mai. J’ai été choquée quelques secondes devant les si jolis arbres en fleurs qui se sont mués “du jour au lendemain” en pommiers et en cerisiers, comme si ce n’était pas le cours normal des choses. J’étais ailleurs, bien sûr.

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