La fin des haricots

par Dre Papillon

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On peut vraiment dire que mes vacances sont finies.

Je sais que tous les gens que je vais croiser et à qui je vais parler cette semaine vont s’attendre à ce que je sois joyeuse et détendue. Forcément, quand on revient du Sud, on est censé être content !

Or, j’ai beau revenir du plus merveilleux voyage au paradis avec mon amoureux (et maintenant mari ;), je déprime. Le contraste avec la vraie vie, la réalité, est tellement énorme et dépitant.

Je n’ai jamais eu les retours faciles. Ni les débuts, les rentrées. Mais cette fois, c’est pire que tout. Là d’où nous revenons, le bonheur était immense, indescriptible. Nous étions tellement heureux d’entamer nos journées, d’en profiter jusqu’à plus soif, avec tous nos sens. Nager comme des poissons dans l’eau. Il faisait beau et bon. Le thé était délicieux, le matin, sur la terrasse au soleil, avec les colibris et les sucriers. Nous étions bien, et nous avions du temps pour nous (dernières vacances ensemble : 2 ans et demi plus tôt).

Ici, je n’ai pas vu le soleil depuis ces 8 jours de notre retour. C’est tellement laid dehors, une désolation. J’ai froid et l’air sec me fait sentir toute déssechée. Il y a tous ces petits machins qui bloquent, qui ne fonctionnent pas, qu’on nous refuse ou qu’on casse. Il y a la fatigue, la non-envie de se lever à la sonnerie du réveil le matin, de travailler du matin au soir pour ne plus avoir qu’un petit bout de soirée pressé et fatigué.

Il y a ce stage de chirurgie que je commence pour les deux mois à venir. Début de la journée de travail : 6h30 ou 7h00, selon la semaine. Fin de la journée : 18h, 19h le mercredi. Plus une garde de soir par semaine (la journée se termine alors à 23h). Plus une garde de week-end par mois. Une quantité effarante, effrayante, de choses à lire, à étudier, à apprendre, à savoir… pour des soirées trop courtes où la fatigue me rattrappera bien avant de pouvoir travailler. Il faudra garder ça pour le week-end. Mais quel week-end, de toute manière ?

Aller au bloc… Où la température est maintenue à 15 degrés pour limiter la prolifération bactérienne. Où je n’aurai rien pour me défendre du froid qui me mordra à l’os, puisque je devrai porter la fameuse tenue verte manches courtes. S’astiquer les mains sans pouvoir porter mon alliance - c’est trop sale. Assister à des chirurgies peu ragoûtantes et devoir en apprendre les rudiments qui ne m’intéressent absolument pas. S’endormir debout d’ennui, à faire semblant de s’intéresser. Évoluer dans ce milieu souvent macho. Ne pas avoir le temps d’écouter les patients, de s’intéresser à leurs problèmes globalement ni d’essayer de les aider. Avoir peur des gestes invasifs que l’on va me demander de poser et maîtriser : intuber, placer une sonde, cathétériser, etc.

Et dans tout ça, quand vais-je pouvoir relaxer ? Et profiter un peu de la vie ? Et parler avec mon amoureux ? Et se coucher un peu tard, sottement ?

J’ai hâte de me réveiller dans deux mois. Je n’aurai pas vu le temps passé, à travailler si fort. Ce sera le mois d’avril, le début du printemps, la promesse de l’été. Ce ne sera plus qu’un mauvais cauchemar à oublier bien vite.

Je vous laisse, je m’en vais hiberner.

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