Je ne me suis pas prononcé sur l’élection du gouvernement conservateur durant notre absence, mais vous vous doutez bien que ça ne me réjouissait guère. D’un autre coté, il était préférable d’attendre les nominations ministérielles et les premiers actes pour juger.
Suite à une perle relevée par Magellan, on peut dire que les hostilités ont commencé et que l’environnement fait partie des premières cibles. En effet, un des ministres du nouveau gouvernement, vient de lancer un pavé dans la marre en signifiant que pour rencontrer les objectifs du protocole de Kyoto il faudrait «interdire tous les avions, trains et voitures du pays et abandonner toute forme de production manufacturière et fermer toutes les mines»… et en encore, on n’y serait pas encore tout à faire selon sa source (le reste de l’article vaut d’être lu).
On va donc faire ça à la mode blogosphère : tous aux barricades, on va faire un lynchage en règle de ce pauvre con ! Sortez les GoogleBomb, ça va chier !
Récemment je regrettais que les politiques canadiens n’utilisaient pas assez Internet, voilà qui est fait, de bien belle manière.
Mais attention ! Au-delà de ce simple article, je vois le début d’une attaque en règle sur les politiques environnementales, notamment sur les changements climatiques. Quel hasard, en effet, de voir ce personnage sortir ce charmant article le lendemain même de sa nomination en tant que ministre (heureusement de l’immigration et non de l’environnement). Il aurait voulu se faire remarquer plus qu’il n’aurait pas fait mieux !
Par ailleurs, suite au tumulte des nominations ministérielles, on n’a pas forcément pris le temps de regarder les autres ministres que ceux qui étaient sous les projecteurs (on pourrait presque croire à une diversion). La ministre de l’environnement par exemple, Rona Ambrose une albertaine. C’est un message clair. Mettre en place un ministre de l’environnement venant de La province anti-kyoto a le mérite d’être claire. Une député qui vient d’un comté d’Edmonton, ville dont la santé économique repose massivement sur l’extraction pétrolière (l’équipe de hockey locale s’appelle les Oilers d’Edmonton, ça s’invente pas). Dans ces conditions, comment un ministre de l’environnement peut faire quoique ce soit qui pourrait avoir un impact négatif sur l’extraction ou la consommation du pétrole sans mettre sa tête sur le billot pour l’élection suivante ? Cette ministre ne peut pas prendre des décisions allant dans le sens de Kyoto sans courir au suicide, c’est aussi simple que ça.
Surtout que si on regarde la biographie de ce personnage, on note son grand attachement aux questions environnementales… en revanche elle a travaillé dans la com’. Ça risque de servir !
Ce billet de Monte Solberg est plus qu’un simple troll. Un politicien n’est pas assez con pour ça, surtout le lendemain de sa nomination au gouvernement. Le but est de décrédibiliser le protocole, mater les esprits (au sens de les déformer en appliquant des coups) pour leur faire comprendre que ce protocole est irréaliste et autant le laisser tomber tout de suite. Une stratégie mûrement coordonnées pourrait ressembler à ça.
Derrière ce billet digne d’un enfant gater se cachent discrètement quelques chiffres dignes de confiance pour que les gens puissent quand même se dire que c’est vrai, que c’est impossible. Le premier ministre ne peut pas se permettre de critiquer ouvertement le protocole de Kyoto alors que même l’actualité est plus que jamais centrée sur cette question, et que la semaine dernière Tony Blair, allié de G. W. Bush devant l’éternel, reconnaissait lui-même l’urgence de réduire drastiquement les émissions des gaz à effet de serre. Alors on envoie les ministres qui ont moins de visibilité internationale, qui risque moins de faire taper sur les doigts par les autres gouvernements, pour annoncer la couleur à coups de petites phrase : Kyoto va finir à la poubelle ou pas loin.
On remarquera au passage le sous-titre du blogue du ministre en question, “Keeping you informed”. Manque plus qu’un “Fair & balanced” après et il pourra faire office d’anchor sur Fox News !
Update : Dans le même temps, Charest hurle sur tous les toîts que Harper va respecter Kyoto (affirmation contre-dite par des proches de Harper) et des analystes pensent que le Canada pourrait difficile se retirer de Kyoto ou laisser faire. Mais avec ce que dit cet article et ce que je connais du protocole et des plans actuellement en place,je ne vois pas pourquoi le Canada devrait tant s’en faire que ça s’il ne rencontre pas les objectifs… et il ne les rencontrera pas d’ailleurs.
Une note pour la Bourse de Montréal, l’endroit où je passe mes journées de travail, même si ce n’est pas mon employeur mais plutôt mon client, qui se dit prêt à gérer les permis d’émission à la façon de ce qui se fait à Chicago. Intéressant.