La société de la connaissance

par Dre Papillon

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Inspiré de l’ouvrage “L’éducation, victime de cinq pièges”, de Riccardo Petrella.

Les modes de vie sont de plus en plus centrés sur la consommation de masse, et les activités humaines et sociales sont en train de se marchandiser. Ainsi, le travail humain devient-il une “ressource”. Il faut tirer de la ressource humaine la meilleure contribution possible et ce, à moindre coût. Le travail est devenu un objet se devant d’être disponible partout. Il n’y a pas de “droit au travail” ; cela dépend surtout de votre performance et de votre rentabilité. Car il faut constamment démontrer son employabilité. Et l’éducation professionnelle/supérieure sert maintenant beaucoup à remplir cette fonction.

L’éducation devient donc petit à petit une valeur marchande. De plus en plus “d’universités d’entreprise” voient le jour. À terme, le marché mondial pourra globalement décider des finalités et des modalités de l’éducation.

Dans nos milieux de plus en plus compétitifs, l’éducation est aussi devenue un lieu pour apprendre à “mieux réussir que les autres, à leur place”, et non plus à vivre ensemble dans l’intérêt général. Dans le monde du travail sont apparus des phénomènes tels que le fait de remplacer des employés “âgés” par des jeunes nouvellement qualifiés. Ou le fait d’utiliser le personnel qualifié dans d’autres pays, à moindre coût. Les entreprises abandonnent de plus en plus les contrats à longue durée au profit de contrats à court terme de durée variable. Il faut toujours lutter pour avoir accès à l’emploi. Et ceci s’apprend dès l’école secondaire, voire avant. On classe même les établissements d’enseignement, qui deviennent un lieu de sélection des meilleurs, et non le lieu de valorisation des capacités de chacun qu’ils devraient être.

Par ailleurs, l’éducation se met de plus en plus au service de la technologie. On n’entend guère dire que c’est la technologie qui devrait s’adapter aux exigences de l’humanité, aux besoins des milliards de personnes qui demeurent exclus de l’accès aux denrées vitales et aux services de base tels que l’eau, la nourriture, le logement, la santé ou l’éducation. Cela pourrait entraîner une baisse des gains ou une diminution de la productivité. Ce qui serait, bien sûr, intolérable. L’offre technologique prime sur la demande sociale ; l’outil détermine le besoin, et définit le rôle et l’utilité de l’éducation.

Le savoir devient donc une source majeure de création de richesse et le système éducatif légitime de nouvelles formes de division sociale. Les inégalités se creusent dans le concept même de citoyenneté, l’accès à l’alphabétisation demeurant précaire à travers le monde. Il s’agit pourtant de la possibilité même de penser, d’appréhender et de comprendre le monde ; la capacité d’obtenir une certaine maîtrise sur son avenir personnel et collectif.

Mais la société de marché est-elle plus juste ou équitable, tel qu’elle le prétend ? Chacun peut en effet entrer en concurrence avec les autres librement. L’État doit simplement assurer un accès à des opportunités égales pour tous. Les inégalités qui demeurent seraient donc naturelles et légitimes, et il ne faudrait pas lutter contre elles : après tout, elles résultent du mérite et de l’effort individuel ! N’est-ce pas ?

Le niveau de développement technologique n’est pourtant pas synonyme de niveau d’instruction de la population. Aux États-Unis, pourtant le pays le plus développé en la matière, le taux de décrochage d’un diplôme secondaire est en chute libre depuis 20 ans. Et ce, malgré le fait que le budget dépensé par élève dans ce pays reste l’un des plus élevés au monde.

Le système scolaire devrait se donner comme fonction première de promouvoir et de garantir le “vivre ensemble” : “savoir dire bonjour à l’autre”, reconnaître son existence. L’école, c’est apprendre la démocratie. En effet, tous les membres d’une communauté devraient participer aux activités d’information, de débat, de concertation, de décision… L’école, c’est aussi apprendre la solidarité, reconnaître la valeur de toute contribution, aussi petite soit-elle. C’est apprendre à vivre, tout simplement.

Pour toutes ces raisons, l’éducation devrait demeurée centrée sur le partage de la connaissance et du savoir, et contribuer à un développement mondial solidaire et démocratique. En aucun cas, elle ne devrait être une arme au service de la conquête des marchés et de l’élimination des concurrents. Elle devrait servir à créer une richesse commune, à préserver le droit à la vie pour tous, via la coopération entre les communautés et peuples du monde.

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