Pourquoi le privé n'a pas sa place en santé

par Dre Papillon

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Il y a toutes sortes de façons de mettre du privé dans la santé, certaines dont on a raison de se méfier et d’autres moins.

Difficile, par exemple, de ne pas prendre l’exemple de la France, qui offre l’un des meilleurs systèmes de santé au monde (mais pleinement dans le trou, j’en conviens). Chose certaine, le privé y est bien implanté dans le système global, quoique difficile à distinguer du reste.

Une clinique privée là-bas (qui peut être un véritable hôpital) a beau appartenir à des intérêts privés, être gérée et entretenue par le privé, le patient ne s’y fait pas moins rembourser les soins de la même manière qu’ailleurs. S’agit-il d’un genre de partenariat public privé (PPP) ? C’est possible. Les lignes directrices et les exigences demeurent régies par le gouvernement ; l’application en est excellente et favorise la diversité de l’offre de soins de santé sans désavantager qui que ce soit. Ce n’est certainement pas la cause du surcoût de la santé.

Il y a certes un phénomène de mutuelles d’assurances complémentaires en France aussi. Mais elles demeurent TRÈS abordables comparativement à ce qu’on trouve ici et ne servent souvent qu’à payer un petit pourcentage de soins et de médicaments non couverts. (Alors qu’ici, des pans complets de la santé n’existent pas pour le régime public… À commencer par les yeux, les dents et les médicaments !)

À l’inverse, le privé tel que pratiqué aux États-Unis ou ailleurs au Canada, apparaît particulièrement injuste et propice à aggraver encore les inégalités. Car je ne vois pas comment, à partir d’une offre globale de soins limitée en quantité (particulièrement la main-d’oeuvre), on peut aider le système public en en rendant une partie inaccessible à une frange majeure de la population ! C’est mathématiquement impossible.

Si je devais approuver une implication privée en santé, ce serait celle invisible pour les patients et ne modifiant en rien leur capacité d’accès aux soins.

Dans les autres exemples dont on pourrait s’inspirer à partir de la France, il y a l’idée du ticket modérateur, mais bon, pas celui proposé par notre ami Castonguay hein. C’est complètement débile de faire payer aux gens plus que la valeur réelle de la chose ! (Je rappelle qu’il proposait 25 $ alors qu’une consultation de base avec un généraliste vaut même moins que ça…) Le ticket modérateur se doit de demeurer surtout symbolique : 1-2 $, 5 $ à la limite…

Une autre idée qui pourrait être bonne serait d’envoyer une facture des soins reçus. À force, la médecine est devenue un service qui semble aller de soit, être dû, et ne rien valoir, alors qu’il n’y a rien de plus faux. Les gens, à force de ne pas savoir, en sont devenus très déconnectés de la réalité.

Sérieusement, il n’y a qu’en médecine que, souvent, la moitié des patients prévus ne viennent pas à leur RDV. Pour n’importe quel autre RDV non honoré sans préavis de 24-48h minimum, le professionnel concerné vous en fera payer la consultation quand même ! Même une femme de ménage le fera ! C’est le respect le plus élémentaire et de base qui soit…

Je termine avec un joli petit exemple de l’application actuelle du privé sauvage en santé, ici-même en notre belle contrée.

Ma maman, pour ceux qui ne le savent pas, souffre de gros problèmes psychologiques. Elle a une “dépression majeure chronique réfractaire aux traitements” et en est invalide.

Un jour, elle a voulu contracter une assurance privée pour couvrir tout ce que le public ne couvre pas (dentiste, optométriste, médicaments, physiothérapie, etc. et… psychologie aussi). Elle a été honnête et a déclaré ses ennuis de santé, comme il se doit.

Eh bien elle s’est retrouvée avec une assurance qui accepte de tout couvrir comme pour tout le monde, SAUF les médicaments et soins reliés à son trouble psychiatrique. Que ce soit ses médicaments anti-dépresseurs, une éventuelle psychothérapie pour essayer de s’en sortir ou même une hospitalisation qui pourrait s’avérer nécessaire, l’assurance ne lui rembourse RIEN.

Quel incroyable non-sens qu’un système qui vous soigne tout sauf ce dont vous avez le plus besoin.

On pourrait imaginer, à terme, un système où le cardiaque ne se fait pas rembourser ses traitements spécifiques, le diabétique ses hypoglycémiants et insulines, le sidéen sa trithérapie, etc. On règlerait bien vite le problème, n’est-ce pas ?

Le monde roule vraiment à l’envers. Et vive le privé, qui sait mieux que quiconque ce dont vous avez vraiment besoin…!

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