Le bâillon... et les réactions, en toute discrétion

par Dre Papillon

Lecture: ~3 minutes

Chacun sait que notre cher gouvernement n’a pu s’empêcher d’adopter dernièrement quelques projets de lois de la façon la plus démocratique et la plus limpide qui soit : en adoptant le bâillon, en toute hâte, à la fin de la session parlementaire.

(Oui oui, vous le savez : c’est comme ça qu’ils vous ont fait avalé la privatisation du Mont Orford !)

Mais il n’y avait pas que le Mont Orford dans le bâillon. Il y avait aussi la fixation unilatérale des augmentations de salaire (très minimes) des médecins spécialistes. On se souviendra qu’une entente avait été conclue et signée avec le précédent gouvernement, reconnaissant un écart salarial indû avec les autres provinces et la nécessité d’y remédier.

Malheureusement, notre bon gouvernement n’avait nullement l’intention d’honorer ses engagement ni même de tendre à le faire. Il a préféré imposer ses conditions, et rendre illégaux du même souffle tout moyens de pression éventuels que les médecins voudraient utiliser pour protester. Et ce, avant même qu’ils le fassent.

Un vrai bâillon, sauvage et grossier.

Les médecins spécialistes n’ont donc théoriquement pas le droit à des moyens de pression (comme de s’absenter du travail, de gueuler ou même d’arrêter de donner des cours aux étudiants, activité qu’ils font bénévolement pour la plupart). En tout cas, pas collectivement, pas de façon concertée ou officielle. La seule chose à laquelle ils aient droit (et croyez-moi, ils se passent le mot et s’y encouragent les uns les autres…), c’est de personnellement décider de ne pas donner certains cours, sur une base individuelle.

Malgré tout, ils s’arrangent toujours pour que ça ressemble à un malencontreux contre-temps les empêchant, au dernier moment, de donner leur cours. Depuis les dernières semaines, c’est une quinzaine de cours que j’ai eu d’annulés. Et pas toujours dans un contexte très amusant. Une fois, j’ai traversé toute la ville pour me rendre à un cours, et on a dû attendre plus d’une heure avant de savoir qu’on se moquait de nous.

Une autre fois, le préavis d’annulation a été de seulement 15 min pour un cours en après-midi. Comme je travaillais de soir (et un autre étudiant, de nuit), je faisais le déplacement spécialement pour ce cours. Très agréable de faire tant d’efforts pour rien.

L’externat est déjà, à la base, un moment pénible à passer. Si en plus on se fait manquer de respect aussi grossièrement, aussi régulièrement… Ça devient à la limite du tolérable. Le message clair que l’on reçoit, c’est que l’on n’est que de la merde et que nos vies, notre temps, ne valent rien.

Comprenons-nous bien. Moi aussi je trouve que le salaire des médecins mérite d’être revalorisé, surtout dans le contexte où une entente en ce sens existe déjà, et que le gouvernement a fait une grave erreur en adoptant le bâillon… Mais ce n’est pas en prenant en otage, discrètement et dans la pénombre, de pauvres étudiants qui ne cherchent qu’à apprendre (et qui seront par ailleurs leurs collègues dans un an) qu’ils vont aboutir à quoi que ce soit.

Voilà, je voulais juste que ça se sache, car c’est bien vicieux comme “moyen de pression qui n’en est pas un”.

Carnets de voyage: immigration et exceptionnalisme américain

Un séjour à Washington DC et les pensées qui en découle La suite

Gunnm vs Alita

Publié le 31 mars 2019

Quarante cycles solaires

Publié le 18 mai 2018