Build Absolutly Nothing Anywhere Near Anybody, ou encore BANANA. Cet acrynome, un descendant du réputé NIMBY (Not in my backyard) qualifie les activistes qui s’opposent systématiquement à tout et plus particulièrement aux développements du milieu de vie.
Contrairement au NIMBY, qui ne demande finalement qu’à vivre sans un dépotoire, une ligne haute tension ou une centrale nucléaire dans son jardin, le BANANA, au nom du monde entier, veut s’assurer que rien n’arrivera, jamais, où que ce soit.
Un peu de sérieux maintenant.
L’opposition faite religion
Un parfait exemple de BANANA-group, c’est Vent de colère, une fédération d’associations opposées au développement de l’éolien industriel. À lire leur site, l’énergie éolienne est nocive, fatale au genre humain ainsi qu’aux volatiles, bref, à éviter en toute situation. Loin de moi l’idée de dire que l’éolien est parfait, j’y reviendrai, mais j’ai du mal à croire que des éoliennes puissent être plus problématiques qu’une centrale nucléaire.
En fait, nous faisons face à un groupe d’individus qui ne voulant pas voir des éoliennes près de chez eux, n’hésitent pas à discréditer par tous les moyens une solution d’avenir et en de nombreux points supérieures aux alternatives.
Des hachoirs rotatifs à oiseau bruyants et laids ?
Pour avoir récemment visité un champ d’éoliennes par grand vent, une chose est certaine : ce n’est pas bruyant. Deux bruits distincts se font entendre : un bruit grave et sourd lié aux rotors et un bruit plus strident lié au sifflement du vent dans les pales. Rendu à environ 200m, le bruit est indicernable du reste du bruit provoqué par le vent. Au Québec, de nombreux réglement contraignent un éloignement supérieur à 1km.
Quant à l’esthétique, personnellement j’aime. Mais ce que je retiens surtout, c’est que l’installation est peu encombrante au sol. Si les éoliennes doivent être retirées, le milieu retrouvera rapidement son image et son équilibre… contrairement à l’installation d’une centrale (thermique ou nucléaire) ou d’un barrage où l’impact est important et durable, même après retrait.
Pour ce qui est des oiseaux, les éoliennes font nettement moins de victimes que les voitures, les cables à haut-tension, les gratte-ciels… ou encore les chasseurs. S’il est impressionnant de montrer une photo d’un oiseau coupé par une éolienne ça n’a pas pour autant valeur statistiques. D’ailleurs, les pales tournent finalement assez lentement (20 tours minutes, un tour toutes les 3 secondes, à vitesse nominale).
Enfin, en terme de risque d’accidents, là encore c’est limité, tout au plus l’éolienne peut-elle tomber ; rien à avoir avec le déluge du Saguenay ou Tchernobyl.
Pour ce qui est des avantages de l’éolien, c’est là qu’il faut prendre quelques précautions. C’est effectivement une source d’énergie variable et ceci a des implications importantes. L’éolien nécessite de la co-génération, avec du thermique ou de l’hydraulique pour compenser le manque de vent. Ceci signifie qu’à mesure que l’on contruit de l’éolien, il peut s’avérer nécessaire de construire du thermique (selon les conditions).
Actuellement, dans des pays comme la France, si l’éolien ne donne pas sa pleine mesure, c’est que le système en place, le nucléaire n’est pas un bon co-générateur pour l’éolien car il est impossible d’arrêter/démarrer une centrale nucléaire en pour compenser les caprices du vent. En d’autres termes, on ne peut pas économiser d’uranium grâce au vent.
Développer 1GW d’éolien “tout seul”, c’est pisser dans un violon. Les effets d’annonces politiciennes concernant la mise en place de champs d’éoliennes doivent donc être prises avec esprit critique : quel est le backup quand le vent faiblit ?
Dans le futur les développements consisteront donc à créer ou modifier des technologies existantes pour que les centrales thermiques puissent prendre le relais rapidement avec des systèmes d’équilibrage. Idéalement, stocker l’énergie dans des piles à combustible serait l’idéal mais ce n’est pas pour demain !
L’objectif est également d’assurer une dispersion nationale suffisante pour que le réseau éolien soit toujours en mesure de fournir une puissance minimale (qui peut représenter environ un quart de la puissance nominale, certains disant même la moitié).
Le Québec et sa mine d’or naturelle
À bien y regarder, l’hydro-électrique est le co-générateur idéal de l’éolien : il suffit d’ouvrir les vannes quand le vent est faible. Quand les éoliennes tournent, on stocke de l’énergie dans les barrages. C’est là que Hydro-Québec se frotte les mains car le Québec a déjà des tonnes de barrage (à toutes fins utiles ça représente 90% de la production d’énergie) et présente un potentiel éolienne énorme (à faire baver l’Europe au complet, mais c’est dans des zones difficiles d’accès).
Par conséquent le Québec pourrait augmenter massivement sa capacité de production nette (de 30%, peut-être plus si les vents sont constants) uniquement en ajoutant des éoliennes. Pour conpemser l’absence de vent, il serait juste nécessaire d’ajouter des turbines sur les barrages.
Le Québec a le potentiel de devenir le pourvoyeurs d’électricité pour une partie de l’Ontario et de la Nouvelle-Angleterre.
Les vraies questions à poser
Et jusqu’à présent, je n’ai pas vu de Vent de colère au Québec. L’opposition existe et elle est justifiée : le gouvernement a récemment fait lancer un appel d’offre de 2000MW, ce qui a toutes les chances de déboucher sur des constructions anarchiques qui, comme toute ruée vers l’or, vont faire des déçus.
Ce n’est pas tout de construire des éoliennes dans tous les sens : il faut les coupler au reseau, faire des calculs de charge en fonction des régions et des backup existants, etc. Les 2000MW ne sont pas les mêmes dépendamment de leur localisation ; et ce n’est pas juste fonction du vent. En d’autres termes, c’est encore une technologie jeune, nécessitant de développer une expertise actuellement faible. Cette expertise devrait avant tout être dans les mains d’Hydro-Québec (ce qui n’est pas le cas actuellement), pour améliorer constamment l’efficacité des systèmes, quitte à soustraiter certains aspects de construction et de gestion.
En tout état de cause, l’éolien ne peut avoir pour autre vocation que d’économiser une source énergétique sans pour autant remplacer l’infrastructure (on peut “économiser” de l’eau mais pas se passer des barrages), ce qui limite l’apport de l’éolien à un certain pourcentage du grid mix. Même au Québec, pourtant choyer dans ses ressources, l’économie d’énergie doit être l’objectif de premier de chacun.
L’implication citoyenne est elle aussi utile dans les choix des projets à réaliser. Or les BANANA-groups, qui se veulent des groupes citoyens, jouent en fait contre les citoyens. En refusant bruyamment toute implantation d’éolienne, un groupe comme Vent de Colère et sa rhétorique enflammée discrédite complètement l’action citoyenne qui n’est alors vu par les politiques et les entreprises que comme un mal inutile, inaudible de toutes manière et obligé pour tout projet.