Disclaimer : cet article contient une orgie de photos mettant en scène des oiseaux nus dans toutes sortes de postures et n’est donc pas à mettre entre toutes les mains. À vos propres risques ! Déconseillé aux moins de 35 ans
Finalement, nous abandonnons le parc Forillon pour prendre la direction du coin hot en ville, Percé et son légendaire monument naturel : The Rock !
La route s’avère plus longue que prévue car il faut contourner plein d’eau et qu’il n’est pas possible de faire de la ligne droite. Au fur et à mesure que nous approchons, les campings-stationnements à roulottes les unes sur les autes se multiplient. À noter que cette partie de la côte est visiblement plus habitée que la partie allant de Rimouski au parc Forillon.
À 9h et quelques, nous sommes sur place. Il nous faut trouver un gentil bateau pour aller sur l’île Bonaventure. Nous avons été prévenus que les prix peuvent grandement varier et que pour éviter l’arnaque, il faut faire jouer la concurrence, en grands négociateurs devant l’Éternel. Après avoir fait trois endroits, le prix est toujours le même : 15$. Nous choisissons donc celui à 15$. Comme les autres, il propose un tour du Rocher Percé, un tour de l’île Bonaventure, un débarquement sur l’île et un retour aux 1/2 heures, à 17h au plus tard. Il n’est pas possible de rester plus tard sur l’île, qui est un parc national.
Le Rocher Percé est… un rocher avec un trou au milieu, comme son nom le laisse deviner au plus perspicace. Comme le faisait remarquer un ami, c’est un peu comme le gruyère : ce qui est bon dedans, c’est les trous. Avant, il y avait un second trou, mais l’arche s’est effondrée en 1800 quelque chose. Il est bien possible, à marée basse, d’aller se promener au pied du rocher, mais ce dernier perd 300 tonnes de caillasse par an, alors très peu pour nous. De toute façon, l’élément, de par sa taille impressionnante, s’apprécie mieux d’une certaine distance que le nez collé dessus.
Tandis que nous contournons le rocher (qui est une île à marée haute), nous constatons que de gros nuages s’amoncèlent au dessus des terres. Visiblement, ils avancent en crabe, tendant à longer les côtes mais avançant légèrement vers la mer malgré tout. Un peu comme dans les films, quand le Mal arrive, quoi.
Ensuite nous entamons le tour de l’île en bateau. En avoir eu la possibilité, nous l’aurions évité et grand mal nous en aurait pris ! D’abord, cela nous a permis de voir les magnifiques falaises rouge ocre typiques de la région et qui enserrent l’île. Ensuite, ce fut une très bonne introduction à la colonie de fous de bassan que nous allions voir, 200 000 de ces volatiles nichant à flan de falaise et ça, ça fait beaucoup de monde. Même la ruche d’abeilles grouillantes semble une analogie faible pour qualifier la densité d’oiseaux ainsi que leurs mouvements incessants et erratiques. La colonie s’étend ainsi sur un bon kilomètre avec une densité constante.
Une fois cette zone quittée, les falaises, toujours ocres, se font moins vertigineuses et là ce sont aux phoques de faire acte de présence. Et rien à voir avec les quelques individus clairsemés aperçus au Bic ou même à Forillon. Ce sont là des orgies de phoques les uns sur les autres, bataillant pour un bout de roche sèche où se faire griller la couenne, au point de difficilement distinguer leurs corps entre-mêlés. Le tout au plus près que nous les ayons vus depuis le début du voyage ! L’eau ne serait pas si froide que tous les passagers, surtout les enfants dont certains frôlaient l’hystérie, se seraient jetés à l’eau pour aller jouer avec eux.
Nous débarquons finalement sur l’unique ponton de l’île qui prend soudainement des airs de Petite maison dans la prairie version bord de mer : quelques maisonettes en bois, de hautes herbes et de multiples sortes de fleurs sauvages de toutes les couleurs de la terre sauf le bleu. Heureusement, le ciel, lui demeure encore bleu au-dessus de l’île alors ça compense.
Pour rejoindre la colonie de volatiles stupides, il faut traverser toute l’île, ce que nous nous empressons de faire par le chemin le plus long (mais qui longe les falaises). Visiblement les arbres souffrent beaucoup sur cette île, nombreux sont ceux qui sont couchés, les autres sont de relativement petite taille.
Rapidement, nous apercevons quelques fous de bassan au-dessus de l’eau. Appareils-photos bien en mains, nous découvrons rapidement qu’il n’y a pas grand-chose de plus difficile que de photographier des oiseaux en vol. D’abord, c’est généralement trop loin donc il faut recourir au zoom. Mais avec le zoom, il devient difficile de les repérer en l’air. Ensuite, les auto-focus sont souvent récalcitrants à travailler correctement et quand ils le font c’est lentement. Le temps que ça se déclenche, les oiseaux sont souvent hors cadre ou se sont trop déplacés pour que le focus soit bon. Bref nous avons pris deux fois plus de photos à cette occasion que durant tout le reste du voyage.
Nous poursuivons notre cheminement avec les cris d’oiseaux se faisant de plus en plus présents jusqu’à finalement découvrir à nos pieds un véritable océan de fous de bassan. Les uns sur les autres, souvent avec des poussins presque aussi grands que leurs parents mais nettement moins jolis, décollant et atterissant de partout, criant à n’en plus finir et se battant à la première occasion.
Il faut savoir que le fou de bassan est un animal très territorial et particulièrement agressif. Les prises de becs, autant au sens figuré que littéral sont d’une violence inouïe, à croire qu’ils vont s’arracher le bec, justement.
Des passerelles en bois sont aménagées pour permettre aux humains de s’approcher à quelques centimètres des nids les plus proches. Visiblement les oiseaux ne sont pas dérangés par les présences humaines, occupés qu’ils sont à se taper dessus, à filer à bouffer aux petits et à faire des allers-retours en mer. Certains se posent même sur les passerelles en bois, menaçant du bec tout humain souhaitant passer.
Un peu à l’image des albatros, les fous de bassan ont une envergure à faire baver un moineau, ce qui n’est pas sans poser des problèmes : les décollages, même face à un vent fort, ne sont pas toujours des réussites. Les atterrisages au milieu de cette mer d’individus surexcités ne sont pas beaucoup plus glorieux : arrivant à se stabiliser à l’arrêt face au vent à un bon mètre au dessus du sol, les oiseaux se laissent finalement tomber sur un de leurs congénères qui ne manque pas de faire sentir sa désapprobation. Dans le pire des cas, si l’oiseau n’a pas suffisamment ralenti, c’est le crash pur et simple sous les pouffements de rire des spectateurs humains.
À noter que la disparition des morues et d’autres espèces plus grosses est un pain béni pour les fous de bassan, car ce sont des concurrents de moins pour la chasse aux petits poissons. Ceci explique pourquoi la colonie croît sans cesse et que d’anciennes installations d’observation se retrouvent désormais inaccessibles, perdues qu’elles sont entre les nids omniprésents. Bientôt, pour réguler la population, la chasse sera peut-être ouverte et il sera alors possible de ramener un ou deux fous de bassan à manger chez soi. Finalement, ce ne sont que de gros canards, ça ne doit pas être mauvais en ragoût.
Après des centaines et des centaines de photos, nous arrivons à sortir de notre hypnose et à quitter les lieux pour terminer le tour de l’île. Peu après, nous accédons à une petite plage (toujours de galets) où nous prenons notre repas du midi. Quelques phoques barbottent non loin, ce qui amène quelques braves gens à vouloir se jeter à l’eau, mais finalement elles ne s’aventureront guère plus loin qu’aux genoux.
Finalement, nous passons au milieu de maisons abandonnées. L’île abritait avant un pittoresque village de pêcheurs qui furent expropriés lors de la constitution du parc naturel, tant il est évident que l’intégralité totale et absolue de l’île devait être transformée en parc et qu’il est par conséquent inimaginable de laisser des pêcheurs vivre tranquillement sur cette île paisible. N’est-ce pas.
De retour sur la terre ferme, les nuages se décident à devenir cons et à nous dégoutter dessus (c’est une litote). Heureusement nous avons bénéficié d’un superbe temps pour notre séjour sur l’île.
Malgré l’aspect ultra-touristique des lieux, ce fut l’une des haltes les plus marquantes du séjour, autant par le cadre que par la faune qu’il fut possible d’y rencontrer. Malgré ce que nous avions entendu sur les traversiers et l’ambiance générale excessive, notre expérience fut très correcte. Le capitaine du bateau invitait même les enfants à bord à venir barrer et leur remettait un petit certificat, ça peut paraître con mais c’est une attention appréciable.
Repas du midi : Sandwichs préparés dans la voiture avec des noix et dégustés entre les oiseaux puis sur une petite plage fort agréable.
Repas du soir : Restaurant Au Fou de Bassan. Franchement pas exceptionnel, mais c’est clairement difficile de trouver quelque chose d’honorable dans ce temple du produit touristique. Sûrement la restauration est-elle l’aspect qui laisse le plus à désirer.
Dodo : Gîte À la belle étoile. Très bien situé, 5 minutes à pied du quai de Percé mais suffisamment reculé pour éviter les foules. Proche d’une église au style tout particulier, que nous avons omis de photographier. Notre hôtesse était très agréable, les chambres suffisamment grandes et le lit assez confortable. La décoration est un peu kitsch avec des fausses fleurs partout mais les goûts, vous savez ce qu’on en dit. Le (petit-)déjeuner était très bon, suffisamment conséquent. Nous avons rencontré un couple de sextagénaires du Maine avec qui il fut fort agréable de discuter. Pour les gens du nord du Maine, venir en Gaspésie est beaucoup plus rapide que pour ceux de Montréal, c’est dire !