De nos jours les débuts de la Grande Évolution sont souvent oubliés. Tout commença durant les années 2000. À cette époque l’humanité souffrait d’un mal alors sous-estimé : la dépression.
Les bien-portants fermaient les yeux, le tabou d’une civilisation et un cancer fulgurant. Un nombre croissant d’individus se trouvait sous traitement anti-dépresseur mais plus encore souffraient en silence, sans traitement. La société tournait au ralenti, les coûts de santé étaient incontrolables, les douleurs de l’esprit étant transférées au corps.
Bientôt, par l’entremise des lieux d’aisace, des concentrations non-négligeables de médicaments pour l’esprit apparurent dans les cours d’eau. Prozac, lithium, benzodiazépines en tous genres se mélangeaient joyeusement dans une formule qui s’avèra magique, pour reprendre le chemin de gueules humaines via les centrales de traitement des eaux qui ne filtraient pas ces composés.
Il apparut rapidement qu’à mesure que les concentrations augmentaient dans les cours d’eau, l’état psychologique de la population s’améliorait : moins de dépression à traiter et des relations humaines empruntes de bonne humeur.
Un consortium de firmes pharmaceutiques et de traitement des eaux fut alors créé sous l’égide d’une ONU moribonde pour traiter l’eau mondialement. Après quelques essais réussis dans les pays occidentaux, les plus touchés, il fut décidé que chaque millilitre d’eau potable à l’échelle mondiale devait recevoir le mélange magique. La Grande Évolution était lancée.
Et les résultats furent supérieurs à toute attente : les actes terroristes, grande menace de l’époque, déclinèrent ; les suicides, les actes de violence gratuite, les tueries aveugles disparurent en l’espace de 2 ans ; les pays et les dirigeants qui refusaient l’implantation du traitement ne purent résister longtemps et même les conflits de longue date entre pays finirent par se régler. L’homme put ainsi transcender son essence même, faite de tristesse, pour accéder à un stade supérieur. Nombre de barrière psychologiques ont disparu, le spleen non productif également. Les sociétés humaines sont vives, intelligentes et constructives, voguant vers le futur dans un hymne commun à la vie heureuse !
Certes, il y eu quelques dommages collatéraux : certaines espèces aquatiques, notamment parmi les crustacés les plus sensibles virent leur cycle débalancé et s’éteignirent. Mais qu’est-ce au regard d’une Humanité enfin pleine de joie ?