Attention : contient du Pr0n virtuel, not work, children and dog safe
Après de trop courtes séquences ces derniers mois, j’ai décidé plonger un peu plus dans Second Life grâce à mon nouvel ordi. Puisque cet univers defraie la chronique récemment, je vous invite à suivre quelques unes de mes excursions dans ce monde et les conclusions hautement philosophiques que j’en tire. Si vous ne connaissez pas Second Life, suivez mes traces, vous ne serez pas déçus.
Second Life (SL pour les intimes) est un metaverse, un univers dans l’univers ; imaginez un Web en 3D et vous n’êtes pas trop loin : On est un avatar, une incarnation virtuelle, pouvant voler (ou marcher, mais c’est moins drole) et se téléporter de place en place. Certains disposent, moyennant finances, de leur territoire (le pendant du site web) sur lequel ils peuvent construire des tonnes de choses.
Contrairement au Web dans ses premiers temps, SL fut immédiatement tourné vers la monétisation des échanges notamment avec la mise en place du Linden Dollar. C’est un caractère qui a rapidement l’attention, y compris des entreprises. Lorsque vous arrivez dans ce metaverse, vous êtes habillés bien simplement. Heureusement, vous pouvez acheter facilement des vêtements, des tatouages, des coiffures, des mouvements et même des membres supplémentaires ainsi que des actions, des véhicules et des maisons (à conditions d’avoir un terrain).
À défaut de les acheter, vous pouvez les construires vous mêmes… pour les vendre ensuite ! D’ailleurs, Linden Labs, l’éditeur, ne vend pas grand chose hormis les terrains (et les Linden Dollars). La majorité des transaction se font d’individu à individu. Les objets créés peuvent être librement réplicables ou disposer de droits de propriétés (impliquant des ventes, sous forme de réplication unique). La liberté est à peu près total, les constructions et les scripts en tous genre se sont donc développés rapidement.
Et qui dit argent et liberté dit également invasion par le cul et par le jeu. Ça n’a pas manqué, rapidement des utilisateurs ont développés des membres sexuels avec des propriétés qui déclenchent des actions. Ainsi chacun a désormais la possibilité d’avoir une grosse bite avec des piquants. Les mouvement et les positions nécessaires pour “utiliser” ces membres sont également facile à développer et se vendent comme des petits pains. Idem pour les machines à jeux et les boîtes de nuit où les déhanchements sont extrêment suggestifs. Résultat, sur les 20 lieux les plus fréquentés, la quasi-totalité sont des lieux de vices. D’ailleurs, pour pouvoir se payer plus d’objets, plusieurs personnes se sont lancées dans la prostitution transformant ainsi Second Life en gigantesque lupanar.
Récemment Michel Leblanc s’est fait écho d’une liste de 13 points qui pourraient présenter un retour de flamme pour Second Life (d’ailleurs, c’était assez ironique). L’aspect «porn & gambling» était lié à plusieurs de ces éléments. Historiquement le porn a largement participé au développement d’Internet, je ne vois pas pourquoi il en serait autrement ici. Par ailleurs, cet environnement a le potentiel de canaliser les fantasmes et d’offrir un très bon exutoire, qui s’en priverait ? Ainsi certains ont pour avatar des animaux (les furries) d’autres prennent la forme d’enfants avec des couches (ça devient plus embêtant quand les enfants -virtuel- se mettent à faire des fellations à des adultes, mais passons). Bref, on ne dira pas que c’est moralement très acceptable mais rien là qui puisse nuire au développement, au contraire (Rappelons par ailleurs qu’il faut avoir plus de 18 ans pour accéder à SL).
Première conclusion : SL, c’est beau, un peu futile certes, mais comme Internet au début. Mais est-ce aussi beau ? Et quel est le potentiel ?
D’abord tout n’est pas rose pour accéder à ce joli monde ; avant d’y acheter un monstre à se mettre entre le jambes pour faire frémir madame, il faut un monstre en guise d’ordinateur. Mon beau Mac tout neuf avec un Dual Core 2 peine réellement, l’affichage est lent, grossier et donne une vision morne et place. C’est pas compliqué, sur les 3 ordi que nous avons à la maison, aucun n’est suffisamment puissant pour permettre une expérience de jeu plaisante. C’est la raison pour laquelle, bien que m’intéressant au sujet depuis plus d’un an, je totalise moins d’une vingtaine d’heure “in-world”. Ça prend également une fort bonne connexion Internet (que nous avons, mais ce n’est pas le cas de tout le monde).
Ensuite, c’est largement vide. Le territoire est gigantesque mais 95% des endroits sont des constructions inhabitées. Les 5% restants sont des boîtes de nuit où chacun peut essayer ses derniers mouvements à la mode, des casinos ou encore des magasins pour acheter vêtements, coiffures et bites (ou des nichons en silicone virtuel pour madame). Il y a bien des événements intéressants comme un gourou qui donne une conférence ou un prof d’Harvard qui donne des cours, mais c’est rare, il faut être au courant et se pointer au bon moment. Par ailleurs, la recherche d’information y est passablement difficile puisqu’hormis les noms des lieux, des groupes et des personnes, rien n’est indexé pour la recherche. Que voulez-vous, Google nous a habitué à trouver facilement.
Mais ce qui m’ennuie le plus dans ce monde, c’est le modèle économique. Pas le modèle économique de l’entreprise, mais le modèle “in-world”. Un exemple : il est possible d’acheter des Linden Dollars avec des dollars réels. Il existe même le “LindeX” qui donne le cours du Linden Dollar. Sauf que sa valeur est quasiment constante… Pourtant récemment, un mini-scandale a éclaté alors que des âmes malveillantes ont utilisées un programme nommé CopyBot qui arrive à copier (gratuitement) des objets normalement en vente. Les effets réels (les vols avérés) furent faibles, mais un effet de panique eu lieu, ce qui n’est pas étonnant puisque ça remettait complètement en cause la logique de propriété au centre du modèle économique dans le monde (comme dans la vraie vie). Cependant, le Linden Dollar n’a quasiment pas bougé ce qui est un non-sens puisqu’il y a eu virtuellement un effondrement économique.
Ceci pour dire que ce monde monétisé est un monde en carton… virtuel. Les investissements qui y sont fait sont sans valeur. Que les serveurs s’arrêtent, tous les investissements s’envolent. Qu’un outil de copie massive des objets soit disponible à tous et plus rien ne vaut quoi que ce soit. Surtout recours devant qui que ce soit, aucune justice, aucune institution. Je lis des personnes qui parlent réellement de Second Life comme une réelle économie, mais c’est un leurre et dans ces conditions tout investissement (ne serait-ce qu’en temps) est potentiellement à perte. Tout est décidé par le fameux “terms of service”. Si ces TOS changent (ce qui arrive) et que je refuse de les accepter, je perds tout.
Et la décision récente de Linden Labs de mettre la partie client en Open Source/GPL ne change rien au problème, au contraire ! Ceci donne plus d’ouverture pour des utilisations malveillantes (comme CopyBot voire le vol pur et simple d’identité et d’argent). Pour peu que le protocole ne soit pas bien contruit, il peut donner accès à toutes les structures de l’environnement, rendant ainsi tous les objets disponibles à tous. Et pour le coup, je sais de quoi je parle, c’est mon boulot de vérifier ce genre de chose. Par ailleurs, ça ne change rien au problème de fond puisque les serveurs eux, restent fermés et propriété de Linden Labs qui reste ainsi unique maître à bord.
Considérant le parallèle entre SL et le Web, les objets développés in-world peuvent être comparés à des pages web et à des éléments graphiques. Si le serveur web sur lequel je suis hébergé ne me plait pas, l’interopérabilité et la standardisation me permet de changer d’endroit. Dans le cas de Second Life, même la mise en Open Source de leur code client ne changera rien au fait que mon investissement est bloqué chez eux. Maintenant, s’ils mettent leur code serveur en Open Source et sans conditions d’utilisation alors chacun pourra lancer son serveur. Alors, on pourrait imaginer un réseau, à l’image du Web, où chaque ressource pourrait être localisée n’importe où et avec une possibilité de transfert du contenu. Là on pourrait parler de pérénité. Ça ne réglerait pas tous les problèmes mais ça engendrerait des possibilités infinies. En effet, partant de là, chacun, sur son serveur serait libres de mettre en vigueur de nouvelles lois de la physique par exemple, ou simplement des règles de vie. L’ouverture et la standardisation de l’environnement lui donnerait également une reconnaissance permettant d’en réglementer certains aspects et donc d’avoir des institutions nécessaires permettant un minimum d’assurance dans ce qui s’y passe. Tout le monde y gagnerait, en premier lieu les entreprises souhaitant y développer un vrai commerce.
Ça c’était pour les cotés négatifs. Mais la raison pour laquelle tant de gens s’excite c’est que le potentiel est là. Quel potentiel ? La continuation du Web, d’Internet en général. L’aspect pédagogique est évident avec la mise à disponibilité d’informations riches dans un contexte simplement compréhensible. On peut envisager qu’avec la temps, la création de contenu sera elle aussi faciliter. Ce que montre déjà Second Life, c’est la capacité d’avoir un haut niveau d’interactivité assez facilement.
Bien entendu, l’aspect social et rassembleur est central et c’est surement ce qui pousse l’intérêt actuel. Les présentations qui ont eu lieu montrent l’intérêt, là encore en terme d’interactivité, de réalisme et de variété d’interaction. Personnellement, il ne me semble pas fou d’imaginer une grande conférence sur… les changements climatiques par exemple, se dérouler sur un Second Life : on évite les coûts de déplacements, la pollution qui va avec tout en pouvant rassembler du monde qui ne serait pas disponible pour d’importants déplacements. Les applications possibles sont quasiment sans borne. Et dites-vous que si cette hypothèse peu paraître farfelue, évoquer l’utilisation actuelle d’Internet il y a dix ans auraient fait le même effet.
Les autres applications et les évolutions possibles sont nombreuses. L’un des problèmes actuels de Second Life est la fugacité de l’action. Mettons qu’une conférence ai lieu. Il existe bien un moyen d’enregistrer ce qui se passe sous forme de vidéo, mais c’est malaisé et la relecture difficile dans ce monde. A contrario, il ne serait pas très compliqué d’enregistrer l’intégralité des actions dans un volume donné. A posteriori une personne pourrait rejouer l’action et se déplacer librement dans le volume enregistré. Le résultat serait une pérénité de l’information actuellement difficile. Ceci aurait l’avantage de rendre une conférence disponible de partout et en tout temps !
Le micro-paiement, ce serpent des mers d’Internet, paraît également plus proche que jamais. En effet, nombreux sont les objets en vente pour quelques dollars linden soit quelques centimes de dollar. Étant donné la richesse possible dans cet environnement, on pourrait très bien vendre certaines choses de faible valeur comme des données, des petits services et autres. Fondamentalement je ne suis pas forcément très partant pour cela car c’est le meilleur moyen pour se retrouver à payer pour tout et pour rien (c’est déjà un peu le cas dans SL) mais c’est tout de même à envisager comme développement.
Globalement l’univers des possibles pour Second Life est vaste, très vaste ! Il faut entrevoir une période agitée suite à la récente ouverture du code source du client. Les faiblesses techniques déjà connues seront surement exploitées ce qui risque d’affaiblir le modèle économique “in-world”, effrayant un peu les entreprises.
La grande question est de savoir où Linden Labs veut se rendre ainsi : ouvrir le client Second Life, c’est utiliser le potentiel des nombreux utilisateurs qui sont éminemment une population productrice : amélioration du client, créations de variantes ainsi que d’outils pour lié SL au Web et aux unités mobiles, tout devrait y passer. Mais si ça allait plus loin ?
En restant avec des serveurs contrôlés, Second Life risque de ne rester qu’un autre Wow ou un environnement social un peu plus riche qu’Orkut mais finissant par stagner. Au contraire, si l’ouverture se fait aussi au niveau du serveur, on peut envisager des développements similaires à Internet avec des expériences de toutes sortes. Dans ces conditions on peut prédire une généralisation d’environnements immersifs liés les uns aux autres. Du cul oui, des casinos comme sur le Web, des désagréments que l’on ignore déjà mais aussi des idées impensables aujourd’hui.
Cependant j’ai du mal à voir quel pourrait être l’intérêt pour Linden Labs de libérer complètement leur logiciel, quel modèle financier pourrait ressortir ? Le développement du web a montré avec quel facilité une technologie libre peut se développer. Il est aussi évident qu’il n’en serait pas allé de même si une entreprise avait détenu la propriété intellectuelle de l’hyperlien par exemple. Par ailleurs, Internet (le Web, les newsgroups, le courriel) s’est toujours développé sur des technologies simples et faciles à mettre en oeuvre, ce qui pourrait être un frein au développement de Second Life.
Enfin, il faut également considérer Second Life comme un frein au vrai développement d’environnement immersifs “à la web”. En effet en rassemblant les individus intéressés au développement de tels technologies mais en les maintenant dans un univers fermé, ceci pourrait nuire à une technologie plus ouverte mais requérant du monde pour se développer. Et en bout de ligne, je me demande si ce n’est pas cette vision qui me semble la plus réaliste. En effet, je vois mal Linden Labs aller jusqu’au bout de la logique d’ouverture avec pour conséquence de bloquer de développement d’une solution globale (Notez bien que ce n’est pas l’aspect “open source” qui est central mais une standardisation et la possibilité d’avoir une infinité de solutions et d’entrants dans le domaine).
Les images “Harry Potter hard” viennent de Something Awful.
Pour voir les nuisances et les bêtises faites sur SL, vous pouvez également regarder “pluie de bites” ainsi que les histoires d’extortion de fonds.
Pour une vision plus optimiste sur le potentiel de SL, je conseil l’article de Wired sur la propriété intellectuelle dans SL
Enfin, un peu plus éloigné, des recherches montrent que les environnements immersifs peuvent provoquer des réactions physiologiques équivalentes au monde réel.