Vous devez trouver que je n’écris pas souvent, et vous n’avez pas tout à fait tort.
C’est que, depuis la dernière fois, je me suis transformée en médecin !
Tout a commencé par notre déménagement, qui fut littéralement épuisant mais qui en valait vraiment la peine. Trois jours après (bien comptés), nous faisions déjà notre pendaison de crémaillère. Qui fut suivie par une bien courte nuit, car nous devions nous lever avant l’aube pour prendre le premier vol du matin en direction de New York. C’est même Monsieur Pierre-Léon le taximan qui nous y a conduit, ce qui fut drôlement apprécié à une heure si matinale. Ça fait très jet set, dit comme ça, surtout que ce petit séjour fut décidé quasiment sur un coup de tête à la dernière minute.
Dire que je n’étais jamais allée à la Grosse Pomme ! C’est somme toute une ville fort sympathique (sauf pour son métro dégueulasse) et nous y avons passé du bon temps en compagnie d’amis (et de leur nouveau bébé). De quoi prolonger vraiment l’esprit des vacances ! Il faut dire, c’est très agréable ce concept de parc gigantesque qui occupe tout le centre de la ville et que l’on se trouve constamment à traverser pour aller d’un point A à un point B. Nous logions à Harlem et nous en avons profité pour faire nos vrais touristes : ferry pour Staten Island avec vue sur la statue de la Liberté, Rockefeller Center, Museum d’histoire naturelle, MoMA, Soho, East Village, Riverside Park, Ground Zero, Wallstreet, South Manhattan, Broadway, Fifth Avenue…
Le mardi matin, nous avons pris le vol de 8h50 qui nous faisait arriver juste, mais vraiment juste à temps pour ma collation des grades l’après-midi même. Un saut de puce à l’appart pour se refaire une beauté et c’était reparti de plus belle !
La looongue cérémonie fut suivie, non sans passer par de rocambolesques péripéties avec la voiture Communauto, par un repas réellement délicieux au resto tout en bleu, Européa, que nous avait conseillé l’ami Philippo. Tout fut divin, de l’apéro au dessert en passant par les nombreuses petites surprises du chef. Et que dire du service, tout simplement génial.
Le lendemain, j’étais invitée à une petite sortie en bateau de Laval jusqu’au Lac des Deux Montagnes avec plusieurs amis aussi fraîchement médecins que moi. Le temps était parfait et on se sentait vraiment sur une autre planète. Nous étions seuls sur une petite plage d’Oka et j’ai même réussi à me saucer plus que le gros orteil !
Entre toutes ces activités, vous constaterez que le temps d’aménager notre nouveau cocon manquait un peu, ce qui explique que nous soyons toujours pris par notre installation dans nos rares temps libres ! D’ailleurs nous sommes un peu perfectionnistes et nous faisons en parallèle un effort de rangement et de tri de toutes nos affaires littéralement sans précédent. Chose qui était due depuis au moins plusieurs années et qui s’avère assez laborieuse…
Il faut avouer que nous sommes encore pas mal à la ramasse dans la plupart des aspects de notre vie quotidienne et les rênes sont un peu difficiles à rattraper. Nous avons plusieurs repères à retrouver dans un quotidien bouleversé presque de fond en comble. En attendant, on agit en palliant les urgences une à la fois, et on essaie de ne pas oublier de nourrir les chattes et d’arroser les plantes !
Ceci dit nous voilà installés dans notre magnifique appart avec de grandes fenêtres lumineuses, de beaux planchers de bois franc, une cuisine fonctionnelle équipée d’un lave-vaisselle, et une chambre d’amis toute prête à servir pour la première fois et presque sans relâche dans les semaines à venir !
Mais ce qui m’est arrivé de plus marquant ces dernières semaines est sans conteste le début de ma résidence. Date de début officielle : 1er juillet. Bon, il se trouve que c’était un férié et un dimanche en plus. Donc la plupart des gens ont en fait commencé le mardi 3 juillet.
C’était trop facile et ce n’est donc pas ce qui m’est arrivé. Moi, j’étais parmi les heureux élus de garde le dimanche premier juillet, et aussi le jeudi 5 juillet. Des gardes de 24h en médecine interne dans la plus grande salle d’urgence au Canada. Assez intense merci, pour débuter sa résidence… Entre les gardes, pour meubler la semaine, c’est le stage de neurologie, avec des journées se terminant souvent passé 19h. La moyenne d’heures travaillées par les médecins résidents est de 80h par semaine et je vais facilement être dans la moyenne d’ici Noël. C’est ce que j’appelle ne pas avoir de vie, et c’est un deuil à faire pour moi…
Surtout, je savais que les gardes me faisaient peur et me stresseraient. Mais je n’avais jamais imaginé à quel point. À quel point ces responsabilités sont lourdes à porter. Cette peur au ventre, difficile à supporter. La peur de ne pas être à la hauteur, de faire des erreurs, d’être dangereux. L’impression pas totalement fausse d’être rouillée en ce retour de vacances. La tâche est lourde et vaste, pour de si frêles épaules. Avec un diplôme qui, du jour au lendemain, nous catapulte médecins alors que nous ne savons rien de plus que la veille. C’est tout simplement énorme, indescriptible.
Mettez n’importe qui de généralement responsable, motivé et perfectionniste en charge de tâches qui dépassent largement ses capacités et ses compétences. Garanti que cette personne ne se sentira pas bien dans ses baskets.
Je pense bien que je n’ai jamais rien vécu d’aussi stressant de toute ma vie.
P.S. Les photos sont celles de notre escale à Londres, au retour d’Asie, le temps d’un après-midi. Promis, dès que je sors la tête de l’eau, je vous raconte notre voyage en Thaïlande !