Urgence épileptique en salle de choc

par Dre Papillon

Lecture: ~3 minutes

Il est 23h et je viens de quitter la salle d’urgence à pas de loup en espérant ne m’être pas trop fait remarquer. Histoire que les infirmières arrêtent de m’accrocher pour des niaiseries.

Je m’assoie dans le fauteuil du salon des résidents et je commence à soupirer d’aise lorsque mon téléavertisseur me rappelle à l’ordre. Tout de suite, mon rythme cardiaque s’accélère. Que se passe-t-il encore cette fois ?

C’est la salle de choc. Un patient convulse et cesse de respirer pendant les convulsions. Mon niveau d’angoisse monte encore d’un cran alors que je me dirige d’un pas rapide vers l’urgence.

Comme cela m’arrive souvent en ce début de résidence avec un trop-plein de responsabilités, je perds un peu mes moyens et tout s’embrouille dans ma tête. Que fait-on déjà en cas de crise d’épilepsie ? Qu’est-ce qu’on doit vérifier, éliminer ? Qu’est-ce qu’on donne et à quelle dose ?

J’arrive au chevet du patient. Il présente effectivement des tremblements du bras et des pertes de conscience pendant lesquelles il ne répond plus aux stimuli, même douloureux, et cesse de respirer parfois jusqu’à 30 secondes. Il revient à lui entre deux épisodes, mais le tout recommence sans cesse depuis une demie heure.

Je n’ai jamais assisté à une crise d’épilepsie, mais je sais que cette maladie peut prendre diverses formes. Outre les crises “grand mal” qui sont assez connues (des convulsions tonico-cloniques), il y a aussi les absences, les crises partielles, les crises simples, les crises complexes, les crises secondairement généralisées, etc. Bref, je n’ai aucune espèce d’idée de ce qui se passe exactement sous mes yeux.

Après avoir rapidement révisé le dossier, j’appelle le patron (confortablement installé dans son salon) qui me dit quel médicament donner pour casser la crise. Je le commence en bolus intraveineux tout en surveillant le patient d’un oeil. Il semble revenir à lui sans présenter de récidive.

Entre temps, mon téléavertisseur a recommencé à crier et d’autres urgences m’appellent. Je vais régler les différents problèmes ailleurs.

Minuit arrive. La salle de choc me rappelle parce qu’après une certaine accalmie, le patient a recommencé à convulser. Je trouve ça étrange. Normalement, le médicament qu’il a reçu est très efficace et pour convulser malgré ça, il faut vraiment qu’une catastrophe soit en train de se dérouler dans son cerveau. Ce dont je doute.

En plus, je commence à trouver le tableau peu évocateur. Le patient se réveille instantanément de chaque épisode d’absence. Il retrouve alors tous ses esprits et n’est aucunement confus.

Malgré qu’il soit impossible d’avoir une certitude en médecine, surtout lorsque l’on débute, je décide de tenter un traitement un peu… inhabituel.

Je demande à l’infirmière d’injecter 1 mL d’eau (Aqua Pura) au patient. Je lui demande d’y mettre beaucoup de conviction, comme si c’était un traitement de cheval et de dernier recours en cas d’épilepsie grave et rebelle.

Elle fait ça comme une pro. Au bout de 5 minutes, les épisodes de convulsions et d’absences se tarissent. Le patient est guéri et ne m’a plus dérangée de la nuit. C’est que c’est puissant, l’effet placebo.

Toutes les crises ne sont pas épileptiques, certaines sont plutôt psychogènes.

Ce qu’il fallait démontrer.

Carnets de voyage: immigration et exceptionnalisme américain

Un séjour à Washington DC et les pensées qui en découle La suite

Gunnm vs Alita

Publié le 31 mars 2019

Quarante cycles solaires

Publié le 18 mai 2018