Ma grossesse commence juste à paraître et je découvre l’effet que cela fait sur mes patients psychotiques qui me voient changer sous leurs yeux. C’est assez impressionnant.
Quand on s’intéresse un peu à la psychodynamique de ces patients (lorsqu’ils sont décompensés, on s’entend), on se rend compte que la frontière entre eux et les autres devient très floue. Et aussi que l’idée qu’ils se font d’où ils viennent, du fait qu’ils ont eu une mère aussi, peut parfois les troubler outre mesure.
C’est ainsi qu’un de mes patients s’est mis à trouver qu’il avait un “gros ventre” et à vouloir perdre du poids, même s’il est très mince. C’est vraisemblablement surtout mon ventre à moi qui le dérange…
Un autre m’a dit qu’il avait “l’abdomen plein d’argent et plein d’amour”. Belle métaphore d’un bébé qu’il n’a évidemment pas dans son ventre…
On peut comprendre que la vision d’une femme enceinte soit dérangeante voire agressante pour ces patients lorsqu’ils sont malades. Après tout, je leur apparais moi-même comme deux personnes. Il se passe en moi quelque chose qu’ils ne contrôlent pas, qui ne dépend pas d’eux. On peut même dire que la grossesse a un petit quelque chose de sexuel qui devient public tout d’un coup…
Il est heureux que je n’aie plus de gardes à faire à l’urgence, car lors de la crise aigüe de décompensation, je me suis fait dire qu’il y a un risque plus élevé d’agression contre les femmes enceintes dont la vision paraît particulièrement insupportable à ces patients.
Chose certaine, les choses ne vont pas toujours comme on le souhaite et je suis actuellement en arrêt maladie pour cause de trop de contractions. J’espère pouvoir retourner au travail dans quelques semaines, tout de même… D’ici là, repos, repos et encore repos (et annulation des vacances d’avril), même si j’agonise un peu d’ennui ;)