Vous n’aviez pas encore remarqué ?
Plusieurs de nos façons de faire avec Monsieur relèvent de ce qu’il convient aujourd’hui d’appeler le maternage alternatif (ou l’art parental favorisant l’attachement, mais ça sonne laid). La notion même de “bébé aux besoins intenses” ne peut se concevoir qu’à l’intérieur de ce concept. (Après tout, si l’on n’essaie pas, ou pas trop, de répondre aux pleurs, c’est tout de suite une qualité d’expérience beaucoup moins intense…)
Au cours de ces longs premiers mois de bébé, où je pense pouvoir dire être allée jusqu’au bout de moi-même (et même peut-être un peu au-delà), à force de portage intensif et de marathons d’allaitement, je me suis beaucoup questionnée sur le bien-fondé de mes gestes… et perceptions.
En ce domaine, il ne saurait exister de réponse juste, absolue ou certaine. Naître mère est sûrement l’expérience la plus intime que l’on puisse vivre, bien que paradoxalement quasi universelle. Cela vient chercher en nous des choses dont nous n’avons aucunement conscience, qui peuvent être reliées à notre propre enfance et à tout le savoir construit par-dessus qui a suivi, ou pas.
Je suis personnellement arrivée en salle d’accouchement avec bien peu de bagage. Les familles de nos jours sont tellement petites et isolées que l’on ne voit plus d’autres personnes s’occuper de jeunes enfants. On vit et on grandit comme si cela n’existait pas. On ne fréquente tout simplement pas les mêmes circuits.
Pourtant, est-ce un mal ? Est-ce un bien ?
J’ai entendu ad nauseam que ce que je faisais était inadéquat, hors normes. Que je “devais” le laisser pleurer. Lui imposer un horaire. Ne pas trop le prendre pour ne pas le gâter. Ne pas se laisser “manipuler”. Faire ceci ou cela. Ne surtout pas faire ceci ou cela.
Et effectivement, par extension, ces conseils “marchent” forcément. Au fond, tout pleur auquel l’on ne répond pas finit par s’éteindre, à la longue… Mais ce succès apparent ne justifie pas en soi la technique employée.
Et si c’était ce savoir populaire occidental moderne qui avait tout faux ? Et si la coupure d’avec le temps de nos grands-mères était souhaitable, finalement, pour revenir à nos sensations premières…
Devant le bébé qui pleure, l’envie de combler ses besoins, de le rassurer. De le prendre dans les bras, de le mettre au sein… C’est tout con, hein ?
C’est sûr qu’on ne fera pas de nous, femmes modernes, des primates en phase totale avec nos instincts, pas avec la couche épaisse de raison et de connaissances que l’on a tout le tour du cerveau. Nous sommes condamnées à nous poser trop de questions, toujours.
Mais juste de s’écouter un peu plus, ne pas aller contre sa propre nature.
On dirait qu’à force de constance, de patience et de persévérance, le maternage, ça vous revient comme un boomerang. Nous avons maintenant un Monsieur enjoué, qui paraît heureux et bien dans sa peau. Dont les éclats de rires résonnent si forts que les spectateurs en restent marqués pendant des jours (authentique). Qui distribue les sourires à la pelletée.
L’insécurité qui colorait toute sa vie semble s’être dissipée, comme par enchantement, du jour au lendemain. Non vraiment, l’intensité, ça se joue dans les deux sens ! (Oui, oui, je sais, on me l’avait prédit, mais impossible de le croire avant de le voir soi-même…)