J’ai récemment terminé la lecture du cycle Harry Potter (en fait, son écoute, car c’était sous forme de livres audio…). (Oui, je sais, ça ne vole pas très haut, mais quand même, je voulais connaître, et puis on fait ce qu’on peut, en congé de maternité, avec les infimes bribes de temps libres qui nous sont octroyées…).
Comme vous le savez sûrement ( !), l’histoire principale se déroule dans une école et est rythmée par tous les éléments habituels et rassurants de la vie scolaire (cours, examens, fêtes spéciales dans l’année, activités sportives, etc.). C’est original par rapport à la littérature jeunesse habituelle, qui dépeint généralement la vie en-dehors de l’école, i.e. la vraie vie. On peut y voir une simple description de la vie scolaire, ou même une critique à son encontre…
Tout cela m’a amenée à me questionner sur ce que l’école avait fait de moi, en quoi elle a contribué à mon éducation et à m’outiller pour la vie.
Il faut dire que je n’ai jamais vraiment aimé l’école. Au primaire, je ne me démarquais d’aucune manière particulière et l’école ne m’a jamais donné l’impression d’exister… Je la fréquentais parce qu’il le fallait bien. Vers 11 ans, je me suis retrouvée à apprendre l’anglais dans un bain linguistique, programme offert dans une école qui regroupait aussi les cancres de la région. J’ai souffert d’intimidation cette année-là et j’ai même eu une phase d’évitement scolaire.
Au secondaire, j’ai fréquenté une école privée où le respect était davantage la norme. C’est sûr que l’école à l’adolescence est un bon terrain de jeu pour expérimenter les relations sociales, les amitiés de même que les inimitiés. C’est aussi un endroit que l’on fréquente pour apprendre des choses, évidemment.
Je me souviens avoir commencé à m’impatienter très tôt, dès le début du secondaire. Le rythme était lent, répétitif ; les tâches demandées semblaient souvent sans but. J’ai conçu à ce moment le projet d’aller en médecine et comme j’aurais aimé y aller directement ou au moins rapidement ! Je rêvais de sauter une année, je voulais partir étudier ailleurs… Mais j’étais prisonnière de la vie médiocre d’une adolescente moderne, avec son rythme de progression lentissime qui s’étale sur des années.
Mais ce temps qui s’égrène de manière interminable ne le fait pas sans laisser de marques. Je suis entrée au secondaire avec une vie intérieure riche et imaginative. J’écrivais des histoires rigolotes, sans effort.
J’en suis ressortie avec une partie de moi morte et enterrée. Oui j’ai appris le travail assidu - et comme je travaillais bien à l’époque ! Comme j’avais du coeur à l’ouvrage ! Mais j’ai aussi perdu beaucoup en créativité. L’école m’a aplanie comme un rouleau compresseur. Je m’y suis fait casser.
Tout s’est passé comme si les phases de la vie scolaire ne se déroulaient jamais au bon moment par rapport à mon évolution et mes besoins. À cette époque où je travaillais si bien et si aisément, je me serais par exemple bien mieux consacrée à des études de médecine, avec plus de facilité et sans en pâtir. Mais cette énergie a été gaspillée en tâches inutiles, vaines, répétitives, et je m’en suis lassée.
En contre-partie, je suis arrivée en médecine (pourtant sans détours inutiles) avec une vie personnelle beaucoup plus riche et chargée et une envie beaucoup plus grande de vie réelle plutôt que fictive, l’école m’apparaissant toujours comme un simulacre de vie, aussi universitaire soit-elle. Me consacrer à mes études m’a généralement été assez pénible, ce qui ne s’est pas amélioré avec les années mais s’est plutôt aggravé.
Il faut dire que, pour quelqu’un qui n’aime pas l’école, j’ai certainement fait des choix qui ne m’ont pas aidée à m’en éloigner (et j’en ai encore pour plusieurs années). Je ne regrette aucunement mes choix, même si je vais bientôt me retrouver dans le statut inconfortable de travailleuse, étudiante et maman tout à la fois. Que je vais souffrir, évidemment, de m’investir moins que je le voudrais dans chaque pan de ma vie.
Mais j’en suis encore à me demander comment les choses auraient pu se passer différemment. Je suis sûrement loin d’être la seule en qui l’école a tué une partie de la personnalité, étouffée dans l’oeuf au lieu de s’épanouir dans un effet contre-productif qui n’est certainement pas souhaité ni souhaitable.
Déjà dans quelques printemps, notre fils sera à l’aube de faire sa propre entrée dans la longue vie scolaire. J’aimerais que l’école l’aide à éclore, à se découvrir, et ne tue pas des pans entiers de sa vie intérieure. Grand questionnement probablement insoluble…