Vie de travail

par Hoedic

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L’oisiveté est, dit-on, la mère de tous les vices, mais l’excès de travail est le père de toutes les soumissions.

Albert Jacquart, Petite philosophie à l’usage des non-philosophes

Ces derniers temps, lorsque vient le moment d’aller à la garderie, Fiston se rembrunit. Voilà deux jours il s’est prostré dans la chaise berceuse, le regard absent, comme un enfant maltraité. Le déposer à la garderie est également source d’affliction et de moues de tristesse, sans parler des pleurs et des “reste ici Papa”.

À chaque fois la question revient plus pressante: “pourquoi tu pars Papa?” et à chaque fois le même disque rayé: “je vais au travail”.

Tu m’étonnes que ça donne une mauvaise image du boulot. J’aurais 2 ans et on me répéterait tous les jours que les personnes les plus importantes pour moi me quittent et me délaissent plus de la moitié de ma journée éveillée pour aller au travail, je me dirais que c’est pas mal une saloperie.

Par chance, la Société cherche à nous faire croire qu’il est bon de laisser nos enfants à la garderie; ainsi ils vont pouvoir se développer, apprendre à socialiser, j’en passe et des meilleurs. Incidemment il me semble que tout ce qui rend la vie plus facile aux parents nous est vendu comme important et nécessaire pour les enfants (comme de pleurer, très important de laisser pleurer, c’est ainsi qu’on apprend la vie!)

Pourtant je n’ai rien contre le travail en soi. Du moins mon type de travail, celui qui consiste en une activité constructive souvent enrichissante et qui par ailleurs permet d’obtenir une bonne rémunération.

Toutefois, je n’arrive toujours pas à comprendre que rendu dans les années 2000 il soit encore nécessaire, dans la majorité des cas, de rencontrer un nombre d’heures de travail mangeant une large partie de la journée, auxquelles s’ajoutent pour de nombreuses personnes les temps de transport et autres. Ce qu’il reste de nos éveils sont quelques heures anorexiques coincées entre la préparation d’un repas toujours fait trop vite (et pourtant qu’il est bon de bien préparer à manger) et quelques minutes de vie commune, toujours trop courtes.

Entendons-nous bien, même si j’en avais les moyens je ne voudrais pas être homme à la maison à m’occuper de fiston. Et même si je connais plusieurs personnes travaillant à leur bon vouloir, ils finissent souvent pas y passer des heures au moins aussi indues que les “salariés”. La question n’est pas nécessairement là.

On nous a promis une société des loisirs qui ne s’est jamais réalisées. Les utopies visant à ne travailler que deux heures par jours sont… restées de utopies. Et soyons francs, travailler deux heures par jour permet difficilement de se plonger dans des sujets complexes. Une minorité gagne beaucoup (en travaillant beaucoup souvent) alors qu’une majorité ne travaille même pas ou travaille beaucoup pour gagner peu dans des emplois dont on pourrait se passer (mettons le démarchage téléphonique à 21h). Après tout ce temps d’humanité, comment ne sommes-nous pas arrivés à fournir à chacun une éducation permettant mieux? Avec l’augmentation de la productivité, avec les créations de richesse depuis ne serait-ce qu’un siècle comment se fait-il que les mêmes paradigmes sociaux demeurent en place?

Des questions bien naïves à cause d’un enfant qui ne veut pas aller à la garderie…

Pourtant je me plais à croire rien n’est jamais coulé dans le béton, que ce qui nous semble une évidence incontournable aujourd’hui passera surement pour incongruité demain. Et je ne parle même pas de progrès technologique, simplement de perception, de vision.

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