[…] the most important thing a manager can do is to serve her team, much like a butler or majordomo tends to do the health and well-being of a household.
Brian W. Fitzpatrick, Ben Collins-Sussman. Team Geek.
Coup sur coup, deux événements me replongent dans mon ancienne vie professionnelle. D’abord Karl qui exprime son sentiment sur sa recherche d’emploi et notamment sa perception du rôle de manager. Ensuite j’apprends que le gros du “système” que j’avais mis en place chez mon précédent employeur vient d’être plus ou moins démantelé. Heureusement les personnes avec qui j’ai tant apprécié travailler restent, il s’agit principalement de changements de rôles.
J’ai quitté mon rôle de chef d’équipe parce que ma situation me semblait intenable. Voilà plus d’un an et demi que j’ai quitté ce poste et je commence enfin à intégrer les événements, à comprendre pourquoi la situation me semblait intenable. Outre le fait que les “middle managers” sont toujours entre l’arbre et l’écorse, je sentais que j’avais justement besoin d’assimiler mon expérience. “Gérer”, sans expérience ni formation préalable une équipe de plus de 20 personnes n’était pas une mince affaire et trop de choses se bousculaient pour en plus prendre du recul. J’ai donc pris ce recul de force.
Pouvoir et asservissement
Un des points de Karl tourne autour des attentes face au pouvoir et du changement de comportement des autres. Je l’ai vécu et cela m’a peiné sur le moment. Le recul aujourd’hui me permet de me rendre compte que pour toutes sortes raisons, j’ai déjà eu cette attitude face au pouvoir au-dessus de moi. Je pourrais même avoir encore cette attitude, selon les conditions. Cela ne veut pas dire pour autant que l’ensemble des échanges sont soumis à une sorte de rapport de vassalité. Avec le temps, la majorité des personnes avec qui on travaille comprennent qu’on n’est pas là pour les diriger mais bien pour les aider dans leur travail.
Cette approche tournée vers l’aide était, je pense, une des choses qui me différenciait des autres chefs. J’ai eu le plaisir de découvrir récemment que c’est l’approche préconisée par Brian W. Fitzpatrick et Ben Collins-Sussman dans Team Geek. C’est déjà ça de pris.
Culture
Toutefois, si le rapport avec les “subordonnés” est une affaire personnelle, la culture d’entreprise ne l’est pas. Appliquer une organisation d’équipe basée sur l’ouverture et l’échange dans une culture autoritaire est une longue torture. Ça peut sembler une lapalissade mais j’en ai sous-estimé l’effet. Non pas que mon employeur précédent s’approchait de l’esclavagisme. Je me suis toutefois rapidement senti écrasé par les autres managers qui jugeaient le fait que je laissais trop les membres de l’équipe travailler de chez eux. Sans parler de ceux qui commençaient leurs phrases par “des employés, c’est comme des enfants…”. Viens un moment où c’est irréconciliable. Il me semblait impensable de dire publiquement que je me sentais au service de l’équipe alors que c’est ainsi que j’essayais de fonctionner.
Éphémère
En apprenant aujourd’hui les changements appliqués à “mon” équipe (avec qui j’ai gardé plusieurs liens), je ressens de l’amertune. Tout ce temps à bâtir des relations, des connaissances, de la confiance. À l’époque je m’imaginais en bâtisseur, faisant surgir d’une sommes d’individualités une équipe, stable et pérenne, comme d’autres font surgir du sol de solides bâtiments. Mais en réalité, une équipe c’est éphémère par nature. Sa stabilité repose sur ceux qui la consistuent et ces derniers peuvent partir à tout moment. Ça ne veut pas dire que ça ne vaut pas la peine d’essayer de créer quelque chose, ça veut juste dire qu’il faut avoir un certain intérêt pour les châteaux de cartes.
L’assimilation de mon expérience, qui fut très riche et profitable, commence à arriver à son terme: je comprends ce qui m’est arrivé. Cela ne veut pas dire pour autant que je ferai différemment, ou que je ne le ferai pas. Je m’imagine tout à fait dans un rôle de manager à l’avenir, tout comme je prends un immense plaisir dans mon travail actuel.