J’avais donné rendez-vous à Arthur en ville. Après l’avoir quelque peu cherché, j’arrive à le retrouver dans la foule. Il a 13 ans et me dépasse d’une tête. Toujours aussi blond, maintenant élancé et souriant.
Je suis tenté de lui demander combien il mesure, mais je devrais le savoir. Il me dit de but en blanc qu’il vient de gagner un iPad mini grâce au concours auquel il avait participé. Je le questionne sur ce concours et il me répond, un peu affligé, le fameux concours d’animation 3D auquel il avait participé, concours qui lui a aussi fait gagner un séjour d’un mois à Séoul. La seule chose que j’arrive à lui répondre c’est que je suis content pour lui, que justement quand il était petit je souhaitais qu’il se mette aux outils informatiques assez tôt.
Mes pensées bousculent: je prends enfin conscience que je n’ai aucun souvenir de lui entre l’âge de ses 5 ans et son désormais 13 ans. Je me creuse la cervelle pour compredre où j’ai passé les huit dernières années, mais la discussion ping pong se poursuit tandis que des amis à lui nous rejoignent; incapable de me concentrer et aucune bribe de mémoire couvrant cette période ne me revient.
Finalement, au risque de passer pour un fou, je lui demande la date: 11 juillet 2013. J’ai beau être perdu, sa date de naissance ne fait aucun doute pour moi; il ne peut pas avoir 13 ans en 2013!
Comme si j’étais un papier en train d’être déchiré, je me réveille finalement.
Souvent les rêves ressemblent un peu à ces histoires de H.P Lovecraft où les personnages, saisis d’effroi en percevant la monstruosité d’une bête tapie non loin, se retrouvent pourtant incapables de fuir. Non pas qu’ils ne puissent pas partir, physiquement, mais plutôt qu’ils se retrouvent pris d’incapacité soudaine à faire autre chose que de rester.
Cette situation se produit aussi dans la vraie vie. Dans un rêve, il faut atteindre un point d’incohérence suprême, chose rare, pour que l’esprit sorte du décor qu’il s’est créé. Dans la vraie vie, cette même incohérence est parfois insuffisante.