Le naufragé

par Hoedic

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Rebut de l’aquilon, échoué sur le sable
Vieux vaisseau fracassé dont finissait le sort,
Et que, dur charpentier, la mort impitoyable
      Allait dépecer dans le port !

Sous tes ponts désertés un seul gardien habite :
Autrefois tu l’as vu sur ton gaillard d’avant,
Impatient d’écueils, de tourmente subite,
  Siffler pour ameuter le vent.

Tantôt sur ton beaupré, cavalier intrépide,
Il riait quand, plongeant la tête dans les flots,
Tu bondissais ; tantôt du haut du mât rapide,
  Il criait : Terre ! aux matelots.

Maintenant retiré dans ta carène usée,
Teint hâlé, front chenu, main goudronnée, yeux pers,
Sablier presque vide et boussole brisée
  Annoncent l’ermite des mers.

Vous pensiez défaillir amarrés à la rive,
Vieux vaisseau, vieux nocher ! vous vous trompiez tous deux :
L’ouragan vous saisit et vous traîne en dérive
  Hurlant sur les flots noirs et bleus.

Dès le premier récif votre course bornée
S’arrêtera ; soudain vos flancs s’entr’ouvriront ;
Vous sombrez ! c’en est fait ! et votre ancre écornée
  Glisse et laboure en vain le fond.

Ce vaisseau, c’est ma vie, et ce nocher, moi-même :
Je suis sauvé ! mes jours aux mers sont arrachés :
Un astre m’a montré sa lumière que j’aime,
  Quand les autres se sont cachés.

Cette étoile du soir qui dissipe l’orage,
Et qui porte si bien le nom de la beauté
Sur l’abîme calmé conduira mon naufrage
  A quelque rivage enchanté.

Jusqu’à mon dernier port, douce et charmante étoile,
Je suivrai ton rayon toujours pur et nouveau ;
Et quand tu cesseras de luire pour ma voile,
  Tu brilleras sur mon tombeau.

François-René de Chateaubriand, Le Naufragé

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