Être en contrôle de sa vie.
Choisir (et donc renoncer).
Décider ce qu’on fait,
comment on parait,
ce qu’on ressent.
Pourtant, parfois la vague d’un événement nous emporte et j’accepte alors de lâcher un peu la barre, choquer les voiles et laisser filer. Cela permet de conserver une certaine lucidité et de supporter ceux qui en ont besoin.
Écrire est souvent la première manière de laisser filer. Dans cet état d’esprit, les idées s’enchainent et tournent en boucle si elle ne peuvent sortir. Toutes les idées, de la plus frivole à la plus profonde. Toutes doivent sortir. Une logorrhée fatigante mais moins que la contention.
Au milieu de ce qui peut sembler un déferlement cérébral, le retour au corps devient un refuge nécessaire. Donner au corps ce dont il est privé trop souvent, des sensations. Sentir le corps vivre, souffrir, monter, descendre. Infuser l’emballement mental par des signaux puissants du dehors.
Enfin dormir. Dormir comme une pierre. Ce n’est pas une action volontaire, c’est une conséquence. Un sommeil spontané, fréquent, limitant mais nécessaire. Laisser aux rêves le soin de travailler une partie du trop plein d’idées, de sentiments.
Tout ceci prend du temps et de l’énergie. Les autres tâches deviennent encombrantes et longues, viennent s’entrechoquer avec le cercle infini des idées qui veulent sortir. Les échanges mondains deviennent lourds, la communication autre qu’écrite est accablante.
Lorsque le vent fraichit et que la houle enfle, la cape voire la fuite sont les seules voies possibles jusqu’à ce que les conditions permettent de reprendre le cap.
Valcourt se sentait porté par un de ces manèges monstrueux qu’on trouve dans les grands parcs d’attractions et qui procurent presque simultanément la terreur et l’extase, la peur de mourir et la sensation de vivre intensément, sans trop savoir comment départager ces sentiments les uns des autres.
Gil Courtemanche, Un dimanche à la piscine à Kigali