Carnets de voyage: immigration et exceptionnalisme américain

par Hoedic

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Suivant la voie de celui qui n’est plus une grenouille dans la vallée, j’essaie de reprendre l’habitude d’écrire ici, de manière un peu plus régulière, peut-être moins approfondie et moins recherchée que sur Dataholic ou Kainos conseil … ou Transition Bridge Project.

Or, quel meilleur sujet pour faire de la gérance d’estrade superficielle que l’immigration. Pendant un séjour à Washington DC, je découvre donc la décision du Gouvernement du Québec de mettre en pause la délivrance de certains visas temporaires au Québec (avec beaucoup d’exceptions) et la volonté à venir de serrer la vis aux étudiants étrangers.

Sujet difficile, j’ai déjà chroniqué sur les questions d’immigration et sur le fait qu’au Québec, ce sujet est source de malentendus. Et quand j’apprends une décision comme celle qui vient de sortir -et le Parti Québécois arrivant au grand galop annonçant sa volonté de faire beaucoup plus- je ne peux m’empêcher de me sentir en réaction, voire de me sentir visé en tant qu’immigrant.

Évidemment, cette décision est la conséquence de la tension provicial / fédéral. Évidemment aussi, le Québec a raison de hausser le ton face à des dirigeants fédéraux qui feignent de ne pas voir les conséquences d’une politique d’immigration décidée unilatéralement. Il n’en reste pas que les immigrants et potentiels immigrants sont les principales victimes ici. Surtout dans un contexte où le même gouvernement du Québec a récemment demandé plus d’immigrants temporaires. Dans ce contexte, la « main d’oeuvre » venant d’ailleurs est réifiée, dont le sort mérite à peine plus d’attention que l’eau d’un réservoir hydro-électrique: ouvre les vannes, ferme les vannes… et encore, je suis certain qu’Hydro-Québec planifie mieux leur usage de l’eau.

Nos gouvernements, autant fédéral que provincial, agissent comme des machines à broyer des destins, avec une absence d’empathie et de considération pour les personnes touchées. Je n’irais pas dire aux dirigeants s’il en faut plus ou moins, des réfugiés ou des temporaires, à Montréal ou en région; je ne le sais pas. Ce que je sais, c’est qu’une dose d’humanité et de considération ne serait pas trop et de ne pas oublier que derrière les joutes de compétences de pouvoir, il y a des trajectoires de vie qui sont en jeu.


J’étais déjà venu deux fois à Washington DC; en 2013 et en 2019. La première fois, j’avais raté de quelques jours la cérémonie d’investiture d’Obama. En 2019, la campagne électorale battait son plein et on espérait que Trump serait défait. Ces jours-ci font la part belle à Kamala Harris suite à la convention démocrate, et un renversement complet de tendance. Ici, pas de Fox News sur les télévisions, uniquement CNN et MSNBC qui repassent en boucle les meilleurs punch line de Kamala, Coach Walz et les autres personnes qui ont pris la parole à la convention. Ici à Washington DC, incarnation du deep state, Trump n’a pas beaucoup de fidèles; en 2020, il a obtenu seulement 5% des votes!

T-shirts de Kamala Harris

Les T-shirts de Kamala Harris passent devant ceux de Trump

Et il faut vraiment être dans la capitale américaine pour pleinement saisir les paroles de Kamala Harris quand elle reprend à son compte le narratif de la grandeur de la nation et en trame de fond l’exceptionnalisme américain. Bien que beaucoup de personnes ne voient pas en Washington DC une ville intéressante, il y a partout un gigantisme qui parle de l’image que les dirigeants américains ont de leur pays. Des bâtiments massifs, nombreux, inspirés des styles romain et grec. Et que dire de certains intérieurs comme la bibliothèque du congrès! Les plus grandes collections mondiales de tel ou tel type d’artéfacts… et la volonté de démontrer le destin d’une grande nation.


Au-delà de ce gigantisme, il est toujours intéressant de constater quelques éléments plus terre à terre. Par exemple, le métro. J’ai toujours apprécié le métrorail de la Washington Metropolitan Area Transit Authority (WMATA). Propre, efficace, rapide avec, là aussi, des stations monumentales (bien que manquant de la diversité des stations montréalaises). C’est aussi intéressant de constater son évolution: en 2013, la silver line était en travaux, en 2019, un premier bloc de cette ligne était actif, mais l’aéroport Dulles n’était toujours pas connecté. Cette fois-ci, toute la silver line est complétée, il est donc possible d’aller de Dulles (leur équivalent de Mirabel… mais qui a marché), à 45km, au centre-ville en métrorail. En parallèle, une nouvelle ligne (la purple line) est en construction et il est possible de charger ses tickets sur son cellulaire.

Les réseaux de Montréal et de Washington DC ont connu une évolution assez similaire avec un développement rapide pendant les deux premières décennies puis une période de consolidation. Toutefois, le réseau WMATA a continué à se développer de manière continue, à un rythme limité, mais réel (5-6 stations par décennie à partir de 2000) alors que le réseau de Montréal a stagné avec seulement 3 nouvelles stations (le prolongement de la ligne orange à Laval) entre 1990 et le début des années 2020 avec l’ouverture du REM. Les conséquences sont nombreuses d’abord en matière de développement du réseau évidemment (imaginons ce qui serait possible avec, mettons 10-15 stations de plus). Ensuite, cela a des conséquences en matière de perte d’expertise et simplement de confiance dans la capacité à faire. Histoire de simplifier les choses, le réseau couvre 3 états/district, alors qu’on ne me parle pas de complexité politico-administrative…

Profitons-en pour souligner que WMATA, dans un pays qui est réputé pour laisser une grande place au privé, a financé le développement de la silver line de manière classique. On peut espérer qu’après la première mouture du REM, la leçon est prise et qu’on va éviter de retourner vers des modèles de financement discutables et que nous allons retrouver un rythme de développement du réseau pour les prochaines années.

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