Après le mp3 du gars qui insulte le service clientèle de Vidéotron, j’ai trouvé la transcription (puis un prof a peaufiné ce que j’avais trouvé ;). Donc si vous voulez prendre un cours d’expressions québécoises, sortez vos calepins !
C’est complet maintenant !
"... ok, j'ai payé dans l'vide! ... Ça marchait pas à moitié du temps maudit tabarnac! Pis là, là, c'est pas d'ma faute, encore une crisse de fois pis faut qu'j'mange d'la marde? Wô 'ttends 'peu là sacrament là! Là tu m'passes ton grand technicien pis tout 'suite dret-là, t'as-tu compris!? Tu m'comprends-tu là?! [Réponse du technicien] Tu me l'passes! J'ai affaire à lui là. Aye, j'ai été quatre mois tabarnac de crisse ok, ça m'a coûté une affaire de pas loin d'mille piasses encore, pis là faudrait qu'j'en r'paye encore? Wô 'ttends 'peu! Les mois d'où c'que c'est qu'ça pas marché là, ej'veux qu'y soyent crédités pis tout 'suite, t'as-tu compris? Tu l'comprends-tu là? Là c'est brisé, pis c'est pas d'ma faute! J'en ai jusque perdu 'à TV, le modem y flashe! ... Si ça fait pas moé j'mets ça d'ins mains des avocats, tabarnak! Ok viens pas m'dire que j'capable d'avoir un taux de transfert de 100K seconde sur l'Internet! Y flashe ton estie d'modem! Tu l'comprends-tu ça? Là tabarnac là j't'écoeuré de m'faire niaiser! [Réponse du technicien] Là tu m'passes ton grand boss pis tout 'suite! Ça presse! [Réponse du technicien] Ouais passe moé-lé tabarnac! [À lui-même] Maudit estie d'câlisse... "Vous m'devez gnagnagna... Vous m'devez d'l'argent... faut qu'ca soye crédit- faut qu'ca soye payé avant qu'on envoie un technicien..." Heyyy maudit tabarnak moi là d'niaisage d'crisse là! 'te l'ai dit que je l'savais qu'y allait m'arriver a'ec ça! J'te dis que l'gars y file doux en ostie là! [À sa femme qui braille en arrière-plan] Ben j'mets pas ca su' ta faute! Le modem câble y marche pas, là. Ok? C'est pas d'ta faute à toé pis c'est pas d'ma faute à moé! C'est d'leu' faute à eux aut'! Et y vont l'envoyer l'technicien! Y vont arrêter de m'niaiser tabarnak passque j'change de place, moé! Hey tabarnak de criss moé-là aujourd'hui, là ... Trouve-moi l'numéro d'téléphone de la protection du consommateur. Là là, j't'écoeuré d'eux aut'! J't'écoeuré... J't'écoeuré, j't'écoeuré, j't'écoeuré... J't'écoeuré, j'câlice ça d'ins mains d'la protection du consommateur dret-là aujourd'hui... Probablement qu'y m'a, y m'a déconnecté là! Eh l'tabarnak moi! "Monsieur veuillez patienter" y... y'a, y'a raccroché là... Y l'a vu qu'j'étais en beau crisse là ... Ben beau être patient là, mais maudit estie d'câlisse ils vont s'réparer! Là j'les ai pogné 'es nerfs! Moé j'les pognerai pas trois cents fois moi! Si c'est brisé là, tabarnak de câlisse de Saint-Chrème d'estie c'est pas d'ma faute! Y vont s'réparer! Ça c'est juré s'à tête de l'évangile! [À son gamin ?] Va t'coucher toé! Dans ton lit! [Réponse du technicien] Ouais! [Réponse du technicien] Ouais ouais tout 'suite! Tout 'suite! Tout 'suite! [Le technicien transfert l'appel] Mouais, c'est ça! C'est quoi l'numéro d'la protection du consommateur?"
Voici quelques remarques sur le langage au Québec et ce “texte” en particulier (vient du même prof qui a aidé à compléter la transcription ) :
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Le québécois est un langage d’ellipses. Ce qui compte c’est l’efficacité, alors on enlève des lettres, parfois des syllabes, parfois même des mots complets pour gagner du temps. Probablement parce que c’est trop difficile de parler la bouche gelée l’hiver. Quelques exemples: la simple ellipse du “e” des mots “le” ou “de” (comme l’vide, d’l’argent). Au féminin, on garde le “a” de “la”, mais curieusement c’est le “l” qui saute (et ça donne ‘a TV pour “la TV”).
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Dans la même veine, on omet aussi le e de “se”, de “me” et de “je” (vous m’devez, j’mange d’la marde).
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Le “il” devient “y”, le “elle” (curieusement) devient “à”.
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On peut très bien accumuler les ellipses pour encore plus d’efficacité (comme “faut qu’j’mange” ou “c’est d’leu’ faute”, dans lequel on ellipse le r de “leur”).
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Dans “tout ‘suite”, on enlève carrément le “de”. Dans “je suis”, on enlève parfois complètement le “suis”, ce qui donne “j’tanné” ou “j’t’écoeuré” (on ajoute ici un “t” simplement pour que ça se prononce mieux). Le “j” dans ces cas-là se prononce comme un “ch”, ce qui fait que parfois quand on ralentit le “je” devient un “chu” (“chu fatigué”).
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“Dans les mains” devient “d’ins mains”, on enlève le “les” et le “dans” se prononce, sans raison apparente “din”. En fait en y réfléchissant, “dans les” ou “dans un” devient souvent “din”.
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Avec devient “a’ec”, qui se prononce pratiquement comme “èc”, le a au début est très subtil.
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Paradoxalement, parfois on ajoute des mots supplémentaires et inutiles. Par exemple, “eux aut’” signifie “eux autres” et est en fait utilisé simplement pour dire “eux”. Également, le paquet de “là” qui pimentent nos phrases, parfois deux de suite (Là là, j’t’écoeuré). Le “là là” à la fin d’une phrase est typique de la région du Saguenay-Lac-St-Jean.
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“Wô” veut dire “arrête une minute”, ça vient du son qu’on fait pour arrêter un cheval (du moins ici).
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” ‘ttends ‘peu” veut dire “attends un peu” et se prononce effectivement pas mal comme “tapeu”.
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Les “sacres” québécois: estie (parfois “stie”, vient d’hostie), tabarnac (vient de tabernacle), câlisse (vient de calice), crisse (vient de Christ), sacrament (vient de sacrement), saint-ciboire (pas utilisé ici mais courant). Saint-Chrème est beaucoup plus rare, ça donne de la couleur au personnage! ;)
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Quelques sacres peuvent devenir des verbes (crisser, câlisser) et signifient généralement lancer avec vigueur, placer quelque part avec force. À l’inverse, décâlisser et décrisser veulent dire démolir.
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Jurer sur la tête de l’évangile n’est vraiment pas une pratique courante ici! :) (en fait le gars dit n’importe quoi parce qu’il ne sait pas sur la tête de qui il pourrait bien jurer).