Un monde distribué

par Hoedic

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Deux concepts d’organisations s’affrontent depuis toujours : le centralisme et la décentralisation. Ces concepts ne s’appliquent pas uniquement à la gouvernance, mais aussi aux systèmes informatiques par exemple. Chaque modèle a montré ses limites au point que désormais un effet de balancier amène des organismes à pencher alternativement de l’un vers l’autre. Toutefois, un nouveau concept se fait jour et pourrait donner lieu à une nouvelle ère, celle du distribué.

Là encore, le terme s’applique à des domaines assez variés et va surement encore se propager par le futur. À titre d’exemple on peut parler de travail distribué, d’information distribuée et de production énergétique distribuée. Le principe de fonctionnement s’approche fort de l’auto-organisation : des tâches sont à réaliser, chaque entité faisant partie d’un tout participant peut prendre une tâche et la réaliser. Dans le cadre de la production d’énergie, chacun peut décider devenir producteur dans des quantités et selon un mode de production qu’il choisit. Selon cette vision, le seul besoin est d’avoir un système régulateur qui peut très bien lui-même fonctionner selon un principe distribué/partagé.

D’ailleurs un mini-dossier d’été de LeMonde.fr me donne une bonne introduction avec une projection futuriste nommée Le Plein d’Hydrogène. Je ne reviendrai pas sur ce que je pense que l’hydrogène en tant que tel. En revanche, le principe de production énergétique décentralisée est abordée dans cette fiction :

Certaines entreprises commencent à proposer des stations utilisant l'énergie solaire pour produire de l'hydrogène par électrolyse de l'eau ou réformage du méthane [...] Au réseau centralisé d'ENE [ndlr: Énergie Nucléaire d'Europe, on est dans le futur ;)] se substitueraient de plus en plus des sources individuelles de production d'électricité. Déjà, les piles à combustible de grande capacité alimentent des immeubles et certaines maisons individuelles. La généralisation des voitures "H2" créerait des millions de minisources de courant, à l'image des ordinateurs personnels reliés à la Toile et qui contribuent à enrichir son contenu.

De plus en plus de patenteux bricolent des panneaux solaires ou des éoliennes pour produire eux-mêmes de l’électricité et la revendre, en cas de surplus, au réseau national. Le problème jusqu’à présent réside dans le stockage de l’énergie produite en surplus pour utilisation ultérieure (d’où la nécessité de la revendre). C’est là que l’hydrogène(Juste pour clarifier les choses, la pile à combustible est le système qui permet de transformer l’hydrogène en énergie électrique, ce qui explique l’amalgame souvent fait entre technologies à l’hydrogène et pile à combustible) arrive car c’est un moyen extrêmement efficace de stockage d’énergie (rien à voir avec les batteries). Plusieurs pistes s’ouvrent déjà, dont celle mentionnée ici et récemment découverte, visant à utiliser le principe de photolyse pour produire de l’hydrogène à partir d’eau. Les projections que j’avais lu anticipaient, pour un toit de maison recouvert, une production d’hydrogène permettant à une voiture de rouler près de 20.000km/an. Intéressant.

Au-delà des impacts technologiques sur la vie quotidienne, que soit la production d’énergie chez soi ou le travail distribué à distance, ceci semble aller de paire avec un renversement des processus de consommation classique. Autant pour l’énergie que pour d’autres éléments économiques, le consommateur devient dans une certaine mesure producteur.

Plus impressionnant encore, des groupes de bénévoles ou de bidouilleurs arrivent désormais à surclasser le travail de firmes privées parfois puissantes. C’est le cas dans le monde du logiciel, avec le mouvement open source, mais ça l’est aussi dans les produits manufacturés où certains arrivent à produire des consoles de jeu portatives rivalisant avec les PSP et autres.

Toutes ces personnes ont su tirer profit de la modularisation des produits qui permet d’extraire des pièces et de les recombiner moyennant quelques modifications. Ce mouvement a également su miser sur de nouvelles méthodes de travail, distribuées, qui bien appliquées montrent toute leur puissance. Enfin, ce sont les utilisateurs eux-mêmes qui mettent en place les outils qu’ils veulent, n’ayant pas à subir les contraintes organisationnelles classiques.

De toute évidence le monde distribué, qui vient se superposer aux structures existentes pour le moment car ne les remplaçant pas tout à fait, est en train de changer les modes de relations entre différents intervenants (travailleur/dirigeant, producteur/consommateur, etc.) Cette nouvelle tendance, enfant illégitime des améliorations technologiques (Internet, hydrogène, etc.), n’a pas fini d’évoluer puisque les entreprises cherchent désormais à s’approprier ce phénomène. Sans en enlever les caractéristiques les plus importantes, cette appropriation ne va pas manquer de faire évoluer encore une fois ce concept. Comme toujours bien malin celui qui pourra faire une prévision à 10 ans.

Personnellement j’espère que ceci permettra de remettre en cause certains aspects du modèle de société actuel en redonnant aux citoyens pouvoir et responsabilité… reste à savoir comment ceci pourrait se faire :)

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