On parle beaucoup des musulmans dernièrement, pour diverses raisons reliées à l’actualité locale et internationale. Et aussi parce qu’il y a une bonne communauté qui vit à Montréal (et ailleurs). Cette semaine, la Presse a suivi une musulmane pour remarquer à quel point, en particulier, les femmes voilées se font dévisager à longueur de journée, pas toujours d’un regard curieux mais souvent aussi réprobateur.

Il y a dans ma classe une amie à moi qui est musulmane et qui porte le foulard. Je pense pouvoir dire qu’elle est la première à se rendre jusqu’à là ici. Alors les milieux hospitaliers n’ont pas exactement l’habitude de gérer une situation comme celle-là.

En particulier, j’ai fait mon stage de chirurgie avec elle. Normalement, en salle d’opération, on doit s’habiller tout en bleu et couvrir sa tête pour qu’aucun poil corporel ne tombe où que ce soit.

Mais on a quand même le droit d’avoir des cheveux même longs, des sourcils, voire pour les hommes de porter la barbe. On n’est pas obligés d’arriver là lisse comme un oeuf.

Mais l’infirmière-chef de la salle d’op, sûrement en manque de pouvoir, a trouvé plus petit qu’elle sur qui se venger. (C’est souvent comme ça, d’être externe : on est ce qu’il y a de plus bas et de plus petit, alors c’est facile…) Et elle a décidé que la salle d’op ne pouvait être accessible à mon amie avec son voile. Même si elle en amène un propre et neuf dans son emballage et qu’elle le couvre de bleu comme les autres couvrent leurs vilains poils de cheveux ou de barbe.

Comprenons-nous bien : c’est peut-être aussi excessif d’être incapable d’enlever un voile de sur sa tête. Mais l’infirmière-chef n’est pas là pour juger des valeurs des autres, elle est seulement là pour s’assurer que les techniques d’asepsie soient bien respectées. Et en l’occurence, je ne vois aucun danger pour les patients à ce qu’une externe porte un voile plutôt que ses cheveux sur la tête. J’y vois peut-être même un léger avantage de propreté et de “ya vraiment rien qui va tomber sur les champs stériles”.

Bref, mon amie a été interdite de salle d’op pendant ses deux mois de stage. En plus de faire parler dans son dos à outrance et de se faire dévisager comme un monstre dans tout l’hôpital. Qui sont tous ces bien-pensants pour la juger ? Détiennent-ils plus que d’autres la vérité absolue ? Peuvent-ils décréter du bien et du mal pour eux-mêmes comme pour les autres au point de l’imposer ?

J’ai envie de participer, très en retard, à la session 2.5 du Dyptique. Celle où il faut illustrer la photo d’un bébé tout neuf. Je ne suis pas sûre qu’Akynou accepte ça, mais j’ai quand même envie de le faire :)

Parce que ça fait quelques mois maintenant que je me tiens du côté des débuts de la vie, de ses petits miracles, de ses beautés et fragilités. Dans le cadre des mes stages d’externat, en médecine. Pédiatrie et maintenant gynéco-obstétrique.

Je me souviens de ces bébés tout neufs emmenés directement de la salle d’accouchement par un papa encore ébranlé, tout de vert vêtu, pendant que maman se fait réparer ce qu’il y a à réparer. Le petit est encore enduit de vernix sous sa première couverture, les infirmières lui mettent un ou deux petits bracelets d’identification et lui trouvent une bassinette pour le coucher.

Et là, j’arrive pour lui faire son premier examen de santé. Histoire de s’assurer que tout les morceaux sont à leur place.

Qu’est-ce qu’on vérifie ainsi sur un bébé tout neuf ?

On regarde et on palpe la tête. La forme du crâne a pu être moulée par le passage dans le canal pelvi-génital. On regarde les sutures, les fontanelles. Il peut y avoir des blessures dues à la naissance, comme un hématome sur la tête. On mesure la circonférence crânienne (et aussi la taille du bébé).

Ensuite on s’attarde au visage, on s’assure qu’il n’y a pas de dysmorphie particulière. Les oreilles, les yeux sont bien placés, le nez aussi. Les petits bébés ne peuvent respirer que par le nez alors on s’assure que ça fonctionne bien. On vérifie les réflexes primitifs comme la succion. Au passage, on s’assure qu’il n’y a pas de fente palatine, une communication entre la bouche et le palais qui pourrait l’empêcher de boire.

On regarde le fond des yeux pour s’assurer qu’il n’y a pas de cataracte ni d’autre anomalie.

Dans le cou, on vérifie que les clavicules n’ont pas été cassées à la naissance. Qu’il n’y a pas de torticoli congénital ni de masse suspecte.

Tout au long de l’examen, on observe la peau. Les taches de naissance distinctives, les hémangiomes (qui peuvent donner une belle framboise dans les prochains mois, autant prévenir les parents !), les angiomes capillaires entre les yeux, sur les paupières ou dans la nuque. Ces derniers sont aussi appelés “morsure de la cigogne” ou “baiser de l’ange” selon leur localisation. Ils vont s’atténuer avec le temps et paraître surtout lorsque l’enfant sera énervé, en train de pleurer… Rien de tout cela n’est grave, évidemment. On s’assure qu’il n’y a pas déjà une jaunisse précoce, qui serait moins rassurante que celle se produisant après 2-3 jours de vie.

Au niveau du thorax, on observe comment l’enfant respire, si cela se fait sans difficulté. Si l’implantation des tétons est au bon endroit, s’il y a du tissu mammaire. On écoute le coeur, et les poumons. Il peut y avoir la présence d’un souffle cardiaque alors il faut être bien attentif, surtout qu’à cet âge, ça bat vite !

On vérifie d’autres réflexes primitifs comme la préhension au niveau des mains et des pieds, le réflexe de surprise (où le bébé étend ses bras d’un coup) appelé le Moro. Au passage, on observe les membres, les déformations positionnelles qui peuvent résulter du long séjour dans un utérus rond et devenu un peu étroit vers la fin. Selon la souplesse de différentes articulations, on vérifie si l’âge gestationnel correspond bien avec ce qu’on pensait (bébé à terme, ou prématuré).

On examine ensuite le ventre, s’il est souple, s’il gargouille normalement, s’il n’y a pas de masse suspecte. Au niveau urinaire, on observe si l’urètre du garçon est bien positionné et s’il urine, que le jet est bon. On s’assure également que les testicules sont bien descendus, ou non. Chez la petite fille, on remarque parfois des pertes vaginales voire une petite menstruation, suite à la stimulation par toutes les hormones de la maman.

On s’assure que l’anus est situé à sa position normale, et dans le dos, qu’il n’y a pas de renfoncement ou de touffe de poils particuliers pouvant indiquer une anomalie sous-jacente.

On remarque le tonus du bébé et la posture qu’il prend naturellement. On vérifie la longueur des membres, leur symétrie et celle des plis cutanés. On s’assure par deux manoeuvres précises qu’il n’y a pas de luxation congénitale de la hanche. On sent aussi les pouls fémoraux pour vérifier l’absence de coarctation de l’aorte.

Le bébé va recevoir une injection de vitamine K pour éviter la maladie hémorragique du nouveau-né. Il va aussi avoir des gouttes opthalmiques pour prévenir une infection aux yeux qu’une éventuelle gonorrhée pourrait engendrer. Il va avoir un prélèvement sanguin en vue du dépistage de diverses maladies graves qui, lorsque connues tôt, peuvent être gérées en conséquence pour éviter le pire (phénylcétonurie, hypothyroïdie congénitale, acidose lactique, galactosémie).

Voilà ! On peut laisser le bébé à ses parents, ou aux infirmières pour son premier bain. On refera un petit examen avant le congé pour s’assurer que tout évolue bien, l’apparition de la jaunisse, l’allaitement maternel, etc.

Peut-être que d’ici quelques semaines, je pourrai aussi vous raconter comment c’est d’aider un bébé à naître (et sa maman à le faire naître), en salle d’accouchement. Pour l’instant je suis surtout en clinique et je fais les suivis de grossesse, écouter le coeur, mesurer la hauteur de l’utérus, évaluer l’ouverture du col, etc.

J’ai évidemment une pensée chaleureuse pour mon amie qui doit donner naissance à son fils d’un jour à l’autre. Si ça se trouve, ça se passera samedi prochain sur ma garde de 24h ! Sinon, mes amis externes de jour, de soir et de nuit sont tous prévenus ;)

Quelques coups de coeur et quelques déceptions cette semaine/cet été…

Thumbs up :

  • La rencontre mensuelle de YULblog au bar La Quincaillerie, sur Rachel. Un bel endroit, sympathique et convivial, avec une ambiance agréable. J’espère que nous allons adopter ce lieu à l’avenir ! Bon d’accord, il faut y ajouter que j’y vais d’autant plus joyeusement en sachant que je ne vais pas en revenir toute puante à faire pleurer les bébés de l’hôpital, mais ça, c’est plutôt grâce à la nouvelle loi sur le tabac ;)

  • Le budget participatif du Plateau et son forum, une super idée aussi ! De quoi donner un regain d’intérêt dans la vie politique, en particulier au niveau municipal. Quoi de mieux que de se sentir vraiment concerné et consulté… Une idée inspirée de Porto Allegre.

  • Les Francofolies sont là et c’est mon festival préféré. Il faut en profiter pour se sentir en vacances, même si c’est faux… Je vais même voir quelques concerts !

Thumbs down :

  • En fait les Francos en juin, c’est trop tôt et l’ambiance n’y est pas encore… Surtout par le temps qu’il fait, sous son manteau, à frissonner et recevoir un crachin de pluie sur la tête…

  • Semaine de salle d’op à venir. Je n’ai pas l’intention d’adopter une parfaite hygiène de vie cette fois-ci, et je vous annonce des cernes creux et profonds pour la fin de la semaine. Surtout qu’au lieu de me reposer, samedi prochain, j’aurai une garde de 24h à assumer !

Parfois j’aime bien raconter des petites anecdotes de bureau. Je reviens tout juste de la machine à café où j’ai rempli d’eau brulante ma tasse pour faire infuser [auto-satisfaction] mon Earl grey du Sri Lanka de chez Camellia Sinensis[/auto-satisfaction].

Une femme arrive à coté de moi, à la fontaine à eau (de source). Elle remplie sa gourde en plastoc d’eau, la ferme, la secoue et vide le contenu dans la poubelle. Je rêve.

Le moins que je puisse dire, c’est que ma vie ne manque pas de piquant ces temps-ci !

Ce soir je rentre du boulot, en vélo comme d’hab’ ; je pédale tranquillement sur Saint-Catherine après être passé au Spectrum pour prendre nos billets pour Les têtes raides et Polemil Bazar ce dimanche. Sur le trottoir en face, deux j’entends deux voix féminines crier, une femme après un gars fuyant avec un sac à main dans les bras.

N’écoutant que mon courage, je prends le gars en course. Il fait quelques pirouettes pour me semer mais se retrouve finalement au milieu de l’intersection Bleury et Sainte-Catherine. Ne sachant trop comment l’arrêter, je m’essaie pour la technique plaquage-viril-façon-football-américain, variante bicyclette qui roule entre les jambes. L’esthétique n’y était surement pas. Il finit par terre. Moi aussi. Se relève. Moi aussi. Pour je ne sais trop quel raison je l’attrape par a col. J’ai l’impression qu’il va essayer de me frapper. Finalement non. Il tremble. Son regard est complètement absent. Il ne fuit pas ni ne m’attaque, il reste interdit, halletant, face à moi.

La demoiselle nous rattrape et ramasse en urgence ses affaires étalées au sol. L’autre est toujours au bout de mon bras. Pendant quelques instants j’étais dans un autre monde je pense. Il me fait une infinie pitié. Finalement je lui balbutie de foutre le camp. Quand je me retourne la propriétaire des affaires volées s’est elle-même envolée, sans demandé son reste. Je reprends mes esprits et relève mon vélo ; le guidon est tordu, la poignée gauche avec le controleur du dérailleur avant pointe à 45° vers le bas. Mon pantalon de travail est flingué, au niveau de la poche (maudites clés) et du genou.

Deux passants ont la gentillesse de m’aider à remettre la chaîne qui a déraillé sur le plateau avant. Je reprends ma route, tenant le guidon par le milieu tant prendre la poignée gauche en main est déstabilisant. Ce vélo, je l’ai acheté la semaine dernière suite à une chute. Je file directement au magasin. Il m’en coutera 50$ de réparation. J’ai beau argué, calmement puis fermement que j’ai fait ça pour aider et qu’ils pourraient au moins faire un geste, rien n’y fait. La saison du vélo est courte me dit-il. Ce n’est pas ses affaires.

Un nouveau pantelon pour le travail m’en coutera surement 70$. La morale de l’histoire, je me suis blessé et je fais devoir payer 120$ de réparation pour avoir aider quelqu’un de la part de qui je n’ai même pas entendu un merci. Peut-être était-elle stressée par la présence de son voleur. Peut-être aurait-elle souhaité me remercier plus mais que les événements l’ont poussé à faire autrement. Quoiqu’il en soit, tout ceci me laisse, une fois de plus un goût assez amer.

Ajout : Dre Papillon me fait remarquer que nous sommes le 6 juin 2006, est-ce là la marque du diable (666) pour moi ?