Les esprits observateurs auront remarqué que nous avons changé de pseudo. La raison est une certaine lassitude, notamment pour Ebb après 10 ans de bons et loyaux services pour son pseudo initiale, Ebb Tide. Elle sera désormais Dre Papillon (Dre comme docteure). Il en va de même pour moi. Après Flying Sausage pendant mes premières années d’Internet et ensuite Hoedic, j’ai décidé de ne plus me cacher derrière un pseudo pour revêtir mon prénom, Stéphane. Et pour éviter toute confusion avec d’autres Stéphane, prénom assez commun pour ceux de mon âge, Stéphane Z., la première lettre du nom de famille que j’aurais du avoir si mon père avait été cohérent avec lui-même. Ce nom de famille en Z sera aussi désormais le patronyme de que je vais utiliser publiquement, même pour mes mails (ne vous étonnez pas donc si j’ai changé de nom quand je vous écris ;)

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Chocolat chaud


Pause chocolat chaud

Ces changements d’identité vont avec le fait que ma docteure d’amour et moi-même sommes en train de dépasser très nettement notre quota de cons. Des personnes qui font volontairement preuve de méchanceté, ce qui nous atteint profondément. Dre Papillon est une femme douce qui ignore tout de la méchanceté tandis que j’ai moi-même mis de coté avec un certain succès une part de cruauté inutile bien que je demeure soupe au lait.

Bref, nous faisons notre possible pour vivre heureux, sans tomber dans la mièvrerie pour autant. Et de manières générale, ça donne de bons résultats malgré les frustrations de la vie quotidienne. Et là, nous tombons sur ces cons, dépourvus de toute sensibilité à notre égard, bien qu’il s’agisse de proches, et qui bien au contraire semblent prendre plaisir à nous agresser, à se venger pour des événements dont nous ne sommes pas responsables.

J’ai toujours été particulièrement irrité par la Connerie Humaine. Dans la mesure du possible j’essaie de ne pas nuire à autrui, même involontairement (bien que ça arrive parfois bien entendu), alors un tel déferlement de nuisances a le don de me faire sortir de moi, me pourrit littéralement la vie tout en demeurant quasiment sans défense.

Comme le dit l’adage : «Trop bon, trop con»

Bref, les changements de nom n’ont pas été totalement propagés et il est possible que j’ai (nous ayons ?) besoin d’une pause d’écriture, ça reste à voir.

Être externe… C’est un bien mauvais moment à passer. Un moment qui dure 2 ans.

Certes, nous avons beaucoup à apprendre et c’est ce que nous nous empressons de faire. Certes, c’est enfin le temps d’être avec les patients plus souvent, et avec les livres moins souvent. Certes, nous profitons d’avoir le droit de ne pas savoir, de ne pas avoir la responsabilité sur nos épaules.

Mais les avantages s’arrêtent là. Pour le reste, c’est effectuer beaucoup de travail très utile de façon entièrement bénévole. Je dis bien “utile”, parce que les étages crient au meurtre quand nous sommes absents. Moi, j’appelle ça de l’exploitation. Parce que les journées sont trop longues, au détriment de la vie privée, du repos et même de l’étude (qui ne manque pas !).

Supposément que la priorité d’un externe, ce sont ses objectifs d’étude, ses quelques cours et ses examens. Pourtant, régulièrement, nous nous faisons manquer de respect sur d’aussi simples principes. Une journée qui finit à 19h30 quand elle a commencé à 7h, ce n’est pas respectueux. Ne pas pouvoir aller manger le midi (quand tout ce qu’on fait est bénévole, je le rappelle), ce n’est pas respectueux. Se faire libérer à 12h35 pour un cours qui a commencé à 12h et qui finit à 13h, ce n’est pas respectueux.

Se faire appeler à 17h, par le patron devant donner le cours de 16h, pour dire qu’il nous a oubliés et qu’il reprendra une autre fois, ce n’est pas respectueux. Se rendre à l’hôpital à 7h au lieu de 8h, pour un cours, et que le prof oublie de se lever, ce n’est pas respectueux.

Sans compter tous le reste. Les longues périodes de temps passé debout, parce qu’il y a des sièges prévus pour les patrons et les patients, mais pas pour les externes. Se faire sentir régulièrement de trop, alors que nous sommes obligés d’être là. Se faire évaluer à chaque demie journée en pleine situation d’apprentissage, devant des cas et des situations que l’on n’a jamais vus de notre vie. Se faire traiter d’irresponsable si on s’absente une fois, pour préserver sa santé, physique ou mentale. Devoir faire les frais des sautes d’humeur des patrons, des remarques des uns, du mépris des autres. Alors que l’on ne fait jamais que ce que l’on peut dans les conditions qui nous sont attribuées.

Se faire imposer des gardes chaque semaine (y compris le week-end), qui finissent tard en fin de soirée et s’ajoutent à des journées déjà longues et sans pause. Les résidents, eux, font certes des gardes de 24h, mais sont en congé le lendemain pour se reposer, se laver, étudier, vivre quoi… Pour nous, même si on se couche à minuit à cause de la garde et qu’on doit se lever à 6h le lendemain matin, aucun retard n’est admis. Ça consiste donc à enchaîner deux journées complètes avec seulement une nuit de sommeil chez soi, et le temps pour absolument rien d’autre. Et ce ne sont pas des gardes “selon les besoins”, non : pour un externe, on trouve toujours du travail à faire, aussi peu urgent soit-il.

Exploités à la corde nous sommes. Un peu écoeurée de ça je suis.

J’aime encore et toujours beaucoup mon stage de pédiatrie, en fait de plus en plus à force de devenir meilleure et plus à l’aise. (Mais je demeure sensible à l’ambiance déplaisante de l’hôpital et aux expériences humaines professionnelles décevantes que j’y vis au jour le jour…)

C’est aussi un domaine où j’ai envie de lire spontanément plein de choses, même sur mon temps libre… Quand Hoedic me suggère, pour m’aider à savoir ce que je veux vraiment faire, de me demander “ce que j’aimerais enseigner à d’autres plus tard”, j’ai envie de répondre spontanément “la pédiatrie”. Vous voyez le principe.

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Grande Bibliothèque - Great Librairy

D’ailleurs, il se trouve que je suis enfin allée m’abonner à la Grande Bibliothèque qui se trouve à trois pas de chez nous ! C’est un peu honteux d’avoir attendu aussi longuement pour y mettre les pieds. Mais il y a un an, quand elle venait d’ouvrir, je craignais qu’il y ait trop de monde, et puis ensuite je suis partie tout l’été. Et à mon retour, je me suis mise à travailler très fort et à lire assez peu, et le temps a passé…

Je dois avouer avoir été bien déçue par certains aspects. Déjà, la bibliothèque est un peu surpeuplée, bruyante, etc. J’avais l’habitude d’un endroit intime et apaisant, avant, quand j’allais dans une bibliothèque. Maintenant, je dois faire la queue dans les escaliers pour me déplacer et me contorsionner dans les allées bondées.

Ensuite, comme elle est très populaire, il y a plein de livres déjà empruntés, en retard ou perdus. Mais le pire, c’est de dénicher les livres que le système indique pourtant comme présents ! Effectivement, les livres que je cherchais étaient pour la plupart un peu récents, et je m’étonnais qu’il en reste des exemplaires disponibles. J’ai fini par comprendre… Ce qui restait de disponible était en fait introuvable ! Soit pas encore replacé dans les rayons après leur retour, soit déjà dans les mains du suivant qui se promène sur place. Soit égaré dans la grandeur des lieux, soit simplement replacé n’importe où par des utilisateurs peu scrupuleux… Environ les 10 premiers titres que je cherchais et qui étaient sensés être disponibles ne l’étaient pas ! Je me suis même demandée si j’avais perdu la capacité de chercher une référence dans une bibliothèque…

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Grande Bibliothèque - Great Librairy

Qu’à cela ne tienne, j’avais aussi envie de lire des vieux bouquins pas populaires du tout. Ceux-là, ils étaient tous là et je les ai trouvés facilement.

C’est ainsi que j’ai emprunté des livres datant des années 1980 sur la médecine humanitaire. C’est intéressant, d’abord parce qu’à l’époque (c’était avant Internet !), c’est tout ce à quoi avaient accès les gens qui voulaient faire un projet humanitaire. Ensuite parce que ce domaine a beaucoup évolué pour ne pas dire explosé entre temps… Petit historique rétrospectif très intéressant de la Croix-Rouge, de Médecins sans frontières ou de Médecins du Monde…

J’ai aussi emprunté des livres sur la réalité des Antilles, de même que des romans antillais, ceux-là même que m’avait suggéré Akynou à notre retour de Guadeloupe. Il y avait entre autres les Lettres créoles : tracées antillaises et continentales de la littérature, 1635-1975, de Chamoiseau et Confiant, relatant l’histoire de la littérature antillaise depuis l’esclavagisme. J’ai aussi emprunté quelques romans de ces deux-là et de Maryse Condé. (Car avec le déluge actuel, je passe plein de temps dans le métro au lieu de sur mon vélo, et je lis, je lis…)

Il faut dire qu’en pédiatrie plus encore qu’en médecine adulte, il faut être très au fait des autres cultures. Et moi, ça m’intéresse beaucoup et j’y suis très sensible. C’est le domaine où l’on s’intéresse le plus au mode de vie : l’alimentation, le sommeil, les jeux, les loisirs, les soins… Tout cela est souvent très culturel et relié aux croyances d’origine. À Sainte-Juju en particulier, qui est situé dans le quartier immigrant de Côte-des-Neiges, nous avons une importante clientère indienne, asiatique et, comme partout à Montréal, haïtienne. Ça me donne envie de retourner dans les Antilles, de découvrir l’Inde et la Chine, l’Afrique centrale et de l’Est. Aurai-je assez de toute une vie ? ;)

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Grande Bibliothèque - Great Librairy

Il y a donc aussi parfois des patients africains. Cette semaine, j’ai eu un bébé sénégalais, et j’étais très heureuse de pouvoir saluer les parents dans leur langue, et parler un peu de leur pays, et me douter de comment ils élèvent leur enfant.

On entend beaucoup parler du Sénégal en ce moment dans les médias, que ce soit par la façon cavalière dont Abdou Diouf, secrétaire général de la Francophonie et ancien président du pays, a été accueilli au Canada dernièrement. Ou via les analyses du Monde accompagnant le passage d’Abdoulaye Wade, l’actuel président du pays, au siège de l’UNESCO (à l’occasion de la semaine culturelle “Le Sénégal au coeur de Paris” qui s’achève aujourd’hui). Tel que j’en avais eu l’intime conviction en oeuvrant sur place, le Sénégal est un pays un peu trompeur et les données statistiques réjouissantes à son sujet (développement économique, stabilité politique, liberté de presse… qui en font souvent le “plus meilleur pays d’Afrique”) sont à la fois propices à la manipulation et ne servent qu’à masquer un état de pauvreté de la population persistant et qui n’a rien de réjouissant. Comme quoi les données statistiques sont une chose, mais la réalité est ailleurs. Le pays finit toujours bon 157e sur 177 au classement du développement humain de l’ONU (PNUD), qui se base sur des critères comme l’accès à l’école ou la mortalité maternelle et infantile.

(Ce qui est moins réjouissant c’est d’entendre comme Sarkozy, ministre français de l’Intérieur, est allé “narguer” les Africains chez eux, au Mali et au Bénin, avec sa nouvelle loi sur “l’immigration choisie”… Qu’est-il donc allé faire là-bas ?)

Pour revenir sur les Antilles, évidemment, notre voyage de janvier était bien trop personnel (et trop court) pour que nous y apprenions grand-chose réellement sur la culture locale. Il faudra y retourner ! En attendant, c’est beaucoup plus instructif de lire les nombreux récits d’Akynou, les préparatifs du carnaval, les traits de sa belle-famille, etc.

Quant à moi, la prochaine fois que je vais à la Grande Bibliothèque, je vais au préalable effectuer des réservations et mises de côté. Et je vais aussi en profiter pour emprunter quelques opus de Françoise Dolto, mais aussi de Marcel Rufo et Boris Cyrulnik… (Oui, j’ai toujours été un peu boulimique de livres, dans une bibliothèque…)

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Parlant de cultures, j’ai aussi lu dernièrement le fameux livre de Nicolas Dickner, Nikolski, qui reçoit tant de prix (et les mérite bien). J’ai été complètement engouée et sous le charme. Il s’agit justement d’un livre rempli de cultures, amérindienne, nord-québécoise mais aussi sud-américaine. Un livre plein de territoires, de personnalités, de destins qui se croisent. De quoi faire virevolter votre imaginaire comme un papillon au-dessus de ce grand terrain de jeu qu’est notre planète. Quelque chose de résolument différent et bien écrit.

(Et qui donne envie de se remettre à l’espagnol et, bien sûr, de voyager vers le sud…)

La blogoboule réagit de manière intéressante (pour une fois ?). Karl a repris la question de la gestion des commentaires (faits sur les sites web/blogues) à son compte. Plusieurs réactions, notamment chez le Padawan en chef. Faisant comme si le système magique de Karl existait, je vais donner mon avis ici et non dans des commentaires quelconques… au risque que personne ne me lise :p

À mes yeux, la question des commentaires entre dans la sphère plus large de la centralisation/décentralisation des données sur Internet. Tous les business model (web 1.0 et 2.0) sont basés sur une centralisation des données. Sauf que pour différentes raisons, je préfère la décentralisation et l’individualisation (comprendre “je suis maître de mes données”).

L’idée de Karl est très alléchante. Personnellement, je veux pouvoir suivre mes commentaires facilement. Contraint de commenter chez les autres, j’utilise Del.icio.us pour marquer mes commentaires et retourner les voir (désolé mais j’aime pas CoComment et je ne ferai pas le moindre effort pour l’implanter ici). Bien entendu, c’est batard : je dois retourner sur les sites pour suivre les conversations et je ne suis pas maître de mes données (autant sur le site où j’ai commenté que pour mes données hébergées chez Del.icio.us).

Karl propose un logiciel externe pour gérer tout ça. Personnellement, je proposerai le navigateur. Un navigateur comme Firefox permettrait de développer une extention de gestion de commentaire ergonomique évitant de faire appel à un autre logiciel. Cette extention pourrait stocker les informations dans un repository soit local soit en ligne (voire les deux). D’ailleurs, il en va de même avec Del.icio.us qui devrait être gérer localement et non de manière décentralisée (cf mon commentaire chez Boris suite à son article “It’s not about you”).

Le tout supporterait un système de signature et de gestion des droits ainsi qu’un sorte d’agrégation permettant de voir les contenus liés à la conversation.

Bien entendu, tout ceci est très usine à gaz mais bien géré coté extention navigateur, ça pourrait être assez transparent.

Depuis quelques années maintenant, une bataille acharnée oppose Google, qui souhaite numériser tous les livres de la terre, et les éditeurs, qui craignent de perdre le contrôle de leurs sources de revenus. Ceci sans oublier la projet de bibliothèque numérique européenne, projet concurrent (et surtout public).

Dans un (long mais très intéressant) article publié par le NYTimes, Kevin Kelly dresse un bilan de la situation… et de l’avenir. De quoi peut accoucher tout ce remue-ménage ? Potentiellement beaucoup car les enjeux sont énormes. Selon l’article, les textes, numérisés et plongés dans l’univers d’Internet deviendront vivants, se lieront les uns aux autres, créeront des grappes d’information pertinentes et facilement compréhensibles ; et ce sont les outils de recherche qui auront pour fonction de structurer les étagères de ce savoir universel et de relier entre elles les connaissances.

Mais voilà, avoir accès n’est pas savoir et savoir n’est pas comprendre ou utiliser correctement. Par ailleurs dans cette bibliothèque universelle, il n’y a plus de place pour l’oubli. Tous les livres existant encore sur papier seront numérisés et indexés, sans parler de tous les contenus “nés” numériques, qui le sont déjà (nos blogues, nos commentaires, nos mails sur des listes de diffusion, etc.)

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Musée d'art contemporain à Ottawa

Sauf que chez l’humain, l’oubli est une fonctionnalité.

Des cas d’ACV montrent que certaines zones du cerveau permettent une remémoration visuelle ou auditive quasi-parfaite. Le cerveau possède les structures concurrencer un ordinateur sur son propre terrain. Cependant, ces souvenirs pouvant remonter très très loin, ne sont pas accessibles à la conscience, ils remontent seulement lors d’erreurs de parcours du cerveau. Surement que nous aimerions pouvoir faire remonter ces parfaites images et chansonnettes de notre enfance à volonté, mais surement que l’oubli est utile au fonctionnement de l’ensemble.

D’abord, l’oubli est ce qui nous permet de lâcher prise sur les événements tragiques de notre vie, nous permettant ainsi de continuer. C’est aussi une fonctionnalité avancée de tri de l’information ; ce qui est valable est conservé, le reste oublié. Souvent les conséquences d’une action sont retenus, inclus dans la mémoire sans que les faits antécédents le soient. Bref, la mémoire humaine et son corrolaire, l’oubli, sont le moteur de notre intelligence.

Que deviendra une société sans oubli ?

Car il ne faut pas se leurrer ; au milieu de cette bibliothèque universelle que nous promet Kevin Kelly, le facteur limitant sera l’humain, l’humain qui encore devra gérer toute cette information dont nous avons déjà du mal nous sortir. Une mémoire rémanente, omni-présente qui nous surgira à la figure à la moindre occasion.

Je me rappelle avoir lu un billet de Karl (En parlant de lui, il vient de faire un billet qui porte à réfléchir sur la notion de commentaire (sur le web)) dans lequel il évoquait la possibilité de créer un script qui dégraderait lentement l’historique de son carnet, reproduisant ainsi naturellement l’ouvrage du temps sur les actions humaines. Cependant, il n’échapperait pas pour autant au paradigme nouveau de la copie inifinie : un moteur de recherche (Google ou Archive.org) pourrait lui ressortir une copie, de même qu’un lecteur consciencieux ayant archiver une page serait également en mesure de lui remettre sous le nez un texte biffé par son script logophage.

Entre devoir de mémoire (au sens large, celui qui devrait éviter à l’histoire de se répéter) et besoin d’oubli, pourrons-nous trouver un équilibre ?

P-S : Être en mesure d’exhumer très facilement le journal de 20 heures du 15 mai 1978 (ou un autre) n’aidera pas PPDA à faire son deuil de l’époque où il avait des cheveux… pas plus que ça ne lui fera oublier la cravate bleu-blanc-rouge qu’il portait se jour.