Bout

Parc Laurier, Montréal - 1er juin 2013

Pour qui s’intéresse en amateur à l’urbanisme et à l’aménagement des villes, la tendance est clairement au renouveau: rendre les villes plus agréables, plus humaines, moins bétonnées, moins laissées aux voitures. Il suffit de voir le sort réservé aux voies sur berges à Paris.

Notre parc, le parc Sir-Wilfrid-Laurier, a reçu un lifting en bonne et due forme suivant cette philosophie du renouveau urbanistique. Un secteur complètement abandonné où terrains de jeux et bancs subissaient l’affront du temps a été transformé en terrains de pétanque et quasi-salle de sport en externe. Le devant du “chalet”, bitumé et faisant office de stationnement, a été refait en place de quartier avec fontaine. Même l’aire d’exercice canin a été refaite. Coût total de l’operation 1,4M$1.

Résultat net: la fréquentation du parc est en augmentation. De beaucoup. Pas de chiffre à l’appui mais ne serait-ce que cette zone anciennement abandonnée qui est maintenant l’hôte de centaines de personnes quotiennement. Dans la journée les fanatiques du muscle viennent en nombre s’entrainer (certains coachs y tiennent même leurs cours). En soirée, surtour le week end, les terrains de pétanque et les tables de ping pong ne suffisent pas. Le parc Laurier était déjà apprécié des picniqueurs, maintenant ça ressemble à une attraction locale.

La vision derrière ce type d’amélioration est, entre autres, de faire que les familles restent en ville plutôt que de déménager dans les toujours-plus-lointaines banlieues. Difficile de dire si 1,4M$ dans un parc peuvent avoir un impact significatif. A priori, les changements semblent surtout bénéficier aux jeunes adultes souhaitant profiter du beau temps. Les parents de jeunes enfants comme nous, surtout à la recherche de modules de jeux n’ont pas vu leur “offre” augmenter. La différence est peut-être pour les enfants un peu plus vieux (pré-ado, ado) qui, me semblent-ils, sont un peu plus présents qu’auparavant.

Est-ce qu’un parc aménagé adéquatement peut avoir un effet notable sur l’exode des familles. 1,4M$, c’est 140 dossiers d’aide d’accession à la propriété (dont le seuil est ridiculement bas). C’est surement bien d’autres choses.

Je dois dire que j’étais très sceptique en voyant des tables de ping pong faire leur apparition. Mais ces tables, comme tout le reste, ont vraiment eu un effet structurant sur le parc et sur le quartier. En effet, les visiteurs du parc inondent la rue Laurier et généralement rendent le quartier plus vivant. La question qui reste à déterminer -et qui prendra surement du temps- c’est de savoir si l’objectif visé, les familles, sera atteint.

Puis, désireux de savoir qui étaient ces gens et d’où ils venaient, il en fit mettre quatre à la torture, dont deux se laissèrent mourir avec entêtement, sans rien vouloir avouer.

Fernao Mendes Pinto. Pérégrination. (traduction de Robert Viale, 1983)

1 Je ne compte pas le coût de réfection de la piscine (4,2M$) qui correspond plus à une maintenance inévitable qu’à du renouveau. Source: Parc Laurier, version améliorée, Le Plateau.

D'autres songes

Période très riche en rêves à tendance cauchemardesque, le tout couplé à des nuits assez agitées.

Voilà deux nuits j’étais à Vancouver. Je devais rejoindre quelqu’un mais, alors que j’étais sur des terrains vagues et même dans des champs, d’immenses grillages infranchissables se dressaient devant moi au fur et à mesure que j’avançais. J’essayais de courir, mais une intense douleur dans le bas du dos m’en empêchait. Je suis réveillé avec une horrible lombalgie…. Au gré d’un réveil, je m’étais probablement mis sur le ventre, ce que mes lombaires ne supportent guère (bien que cela soit ma position préférée. Ça peut passer avec un coussin sous le bassin).

Cette nuit Caroline et moi étions sur un vieux gréement qui finissait par couler sous l’effet d’un effroyable orage. Nous arrivions à nager jusqu’à un village en bord de côte. Arrivés à peu près nus dans une espèce d’estaminet de bas étage, nous commençons à mendier quelques argents pour retourner à Montréal, ou au moins pour passer un coup de téléphone. La première personne à qui nous parlons est un Américain. Il nous dis que nous semblons éduqués et donc nous pourrions facilement nous trouver un boulot au salaire minimum pour quelques mois et nous payer ainsi notre billet retour.

Je ne pense pas me tromper en disant que ce scénario résulte du résonnant orage qui a frappé hier et de ma lecture du moment (Pérégrination de Fernao Mendes Pinto), un roman d’aventure partiellement autobiographique où les cas d’attaque de corsaires, de sabordage et d’échouage de navire sont presque aussi nombreux que les pages.

De cette façon nous passâmes la plus grosse partie de la nuit voguant sur cette jonque à demi inondée jusqu’à la fin du troisième quart. Nous échouâmes alors sur un écueil, où dès les premiers coups elle fut mise en pièce, soixante-deux personnes y mourant, les unes noyées, les autres broyées sous la quille, chose aussi douloureuse et pitoyable que les bons esprits peuvent l’imaginer.

Fernao Mendes Pinto. Pérégrination. (traduction de Robert Viale, 1983)
Infantilisation

Bientôt l’école. À voir la manière dont notre vie sera régentée par l’école, c’est à se demander qui de nous ou de notre plus grand aura le plus l’impression de se retrouver sur les bancs d’école.

Ainsi partirent-ils tous ensemble, un dimanche au matin, contre le vent, contre la mousson, contre la marée et contre la raison, sans songer seulement aux dangers de la mer, mais si obstinés et aveugles dans leur résolution, qu’ils ne s’embarrassaient d’aucune difficulté qu’on leur pût présenter. Et sur l’une de ces jonques, je me trouvais aussi.

Fernao Mendes Pinto. Pérégrination. (traduction de Robert Viale, 1983)

Retour au jardin

En approche de San Francisco - 26 mars 2013

Un sentiment mitigé m’accompagne dans mon année la plus riche en trajets en avion et en découvertes de nouvelles villes.

– Janvier 2013: Washington D.C, 240,33kg eq. CO2
– Février 2013: Vancouver, 536,25kg eq. CO2
– Mars 2013: San Francisco, 557,05kg eq. CO2
– Avril 2013: Ixtapa (Mexique), 550,30kg eq. CO2
– Mai 2013: Toronto, 130,66kg eq. CO2

Calcul d'émissions par lOACI

Soit un peu plus de 2 tonnes d’equivalent CO2 de gaz à effet de serre (et je ne parle pas des autres effets). Si je me fie à un calculateur d’émissions pour voiture, cela correspond à près de 4300km de conduite urbaine avec notre Mazda, plus que notre kilométrage annuel.

Certes, je pourrais “compenser” ces émissions –et je vais surement le faire. Mais les recherches montrent que compenser n’est pas suffisant. Il faut diminuer les émissions, point barre.

J’aimerais dire que ces déplacements ne furent pas utiles (pour les professionnels), mais ce serait se voiler la face. Une seule journée de conférence m’a souvent apporté plus que des jours de recherche et de tentatives de contact, le tout souvent infructueux. Mon travail quotidien me montre qu’il est possible de travailler à distance et de manière décentraliser, mais les rencontres en personne demeurent nécessaires. Indubitablement.

“Heureusement”, je n’ai pas de voyage en avion prévu dans un avenir prévisible et aucun indice que cela va changer.

Songes

Toute la famille est en voiture. Nous allons rendre visite, peut-être souper, chez des amis, eux aussi dans le Plateau. Caroline conduit et entreprend de se garer sur la rue de Gaspé alors que nous sommes encore bien loin de notre destination.

– Mais pourquoi te gares-tu ici? On est encore loin!
– Pas moyen de trouver une place dans leur coin, on est mieux de se garer ici que de tourner pendant des heures.
– Allons allons, donne-moi le volant, je vais en trouver une de place plus proche.
– Si tu veux, moi j’y vais à pied et je te garantis que j’y serai avant toi

Et pendant que Caroline entreprend sa marche, je prend le volant du camion poubelle dans lequel nous sommes, avec les enfants à mes cotés. Je souhaite évidemment me rendre à destination en premier, mais j’ai aussi des poubelles à ramasser sur le chemin. Je me presse, ramasse tout au plus vite. Plutôt que de pénétrer dans un cul-de-sac avec le camion, j’y vais à pied, charge les sac poubelle sur mon dos et lorsque je reviens… le camion n’est plus là! Avec les enfants dedans.

Je cours dans tous les sens. Panique. Aucun doute, les enfants ont été enlevés. Je cours du plus vite que je peux pour retrouver Caroline. Une fois ensemble, j’arrive à mettre la main sur une patrouille de police. Les agents me répondent qu’il sont de la Sureté du Québec et que ce genre de situation n’est pas de leur ressort mais plutôt du SPVM. Je leur réponds que je m’en fous et qu’il faut faire des barrages routiers. Ça vient d’arriver, un camion poubelle bleu avec des enfants dedans ne passe pas inaperçu. Ce à quoi ils me répondent qu’on ne fait pas de barrage pour si peu, que l’enlèvement n’est pas confirmé et qu’a priori, c’est surtout un vol de camion.

J’essaie de joindre les médias pour un appel à témoin, ils me répondent qu’ils pourrons surement nous aider… “en juin”. Vaguement pareil des politiques qui me disent qu’ils n’y peuvent pas grand chose, qu’ils pourraient demander à faire compter les camions “dans les jours qui viennent”, mais rien de plus. Le découragement me gagne, je pense aux motivations des voleurs, aux enfants, à ce qui peut leur arriver, j’ai envie d’exploser.

J’ouvre les yeux. Je suis dans mon lit, le corps tendu. Mon premier réflexe est évidemment de me dire que les enfants sont dans leur lit. Il est 6h50. 5 minutes plus tard Axel se fait entendre dans son lit et à la grande surprise de Caroline, je me lève immédiatement pour aller le chercher.

Les rêves. Toute cette invraisemblance. Notre voiture qui se transforme en camion poubelle en cours de route. Chaque détail compte. L’action qui nous aspire sans jamais que notre esprit n’arrive à prendre de recul. Enfermé dans un film qui est le notre, dont on écrit le scenario sans le savoir, sans pouvoir en sortir, souvent dans une mise en abîme de notre vie.