Panneau de soleil

Mes aventures blogosphériques ont démarré en 2003. N’eut été de mes nombreuses interruptions et déménagements, cela ferait donc dix ans que je blogue. Je peux au moins dire que j’ai commencé à bloguer il y a dix ans.

La présente mouture est la troisième vie de ce qui peut me faire office de blogue, troisième vie qui devrait toutefois intégrer le contenu, clairsemé, de la précédente.

La première version fut clairement la plus riche avec des milliers d’articles publiés conjointement avec ma chère et tendre. Ce blogue fonctionnait avec Spip, un outil que j’ai apprécié pendant plusieurs années mais que j’ai commencé à trouver difficile à maintenir au bout d’un moment. J’ai aussi vécu l’enfermement technologique: lorsque j’ai voulu y mettre un terme, il s’est avéré très difficile de récupérer le contenu d’une manière exploitable. Finalement j’ai utilisé un “spider” pour le faire, ce qui m’a certes donné des pages HTML, mais pas de manière très structurée.

N’apprenant pas de mes erreurs, la deuxième version partait sur Wordpress qui avait l’avantage d’être fort pourvu en plugins pour faire tout et n’importe quoi. Sauf que la personnalisation du site s’est vite avérée cauchemardesque à mon goût. Des plugins certes, mais ne faisant jamais ce qu’on veut et la perspective, encore une fois, de voir mon contenu enfermé dans une obscure base de données relationnelle.

Pour mon principal projet actuel, j’ai eu l’occasion de manipuler Jekyll qui est un générateur de pages HTML statiques. En effet, c’est l’outil qui est derrière les pages GitHub. Par exemple, voici celles pour Open511 réalisées avec Jekyll bootstrap et Twitter bootstrap. Les pages générées sont propres et archivables en l’état, la source est un fichier markdown, là aussi facile à archiver et à manipuler. Par ailleurs, les interpréteurs markdown courent les rues, donc il est tout à fait envisageable de changer d’outil… ce qui finira surement par arriver! En effet, malgré tout Jekyll (ou plus précisément Octopress) est encore trop complexe: configuration trop lourde, plugins, etc.

En l’état, ce carnet c’est des pages HTML et un feed atom. Pas de commentaire, pas de nuage de mots, aucune fonctionnalité transcendante. Ça ne veut pas dire que rien ne s’ajoutera. Ça veut juste dire que je veux d’abord me trouver à l’aise dans une solution technologique que je controle. On verra pour la suite.

[…] the most important thing a manager can do is to serve her team, much like a butler or majordomo tends to do the health and well-being of a household.

Brian W. Fitzpatrick, Ben Collins-Sussman. Team Geek.

Coup sur coup, deux événements me replongent dans mon ancienne vie professionnelle. D’abord Karl qui exprime son sentiment sur sa recherche d’emploi et notamment sa perception du rôle de manager. Ensuite j’apprends que le gros du “système” que j’avais mis en place chez mon précédent employeur vient d’être plus ou moins démantelé. Heureusement les personnes avec qui j’ai tant apprécié travailler restent, il s’agit principalement de changements de rôles.

J’ai quitté mon rôle de chef d’équipe parce que ma situation me semblait intenable. Voilà plus d’un an et demi que j’ai quitté ce poste et je commence enfin à intégrer les événements, à comprendre pourquoi la situation me semblait intenable. Outre le fait que les “middle managers” sont toujours entre l’arbre et l’écorse, je sentais que j’avais justement besoin d’assimiler mon expérience. “Gérer”, sans expérience ni formation préalable une équipe de plus de 20 personnes n’était pas une mince affaire et trop de choses se bousculaient pour en plus prendre du recul. J’ai donc pris ce recul de force.

Pouvoir et asservissement

Un des points de Karl tourne autour des attentes face au pouvoir et du changement de comportement des autres. Je l’ai vécu et cela m’a peiné sur le moment. Le recul aujourd’hui me permet de me rendre compte que pour toutes sortes raisons, j’ai déjà eu cette attitude face au pouvoir au-dessus de moi. Je pourrais même avoir encore cette attitude, selon les conditions. Cela ne veut pas dire pour autant que l’ensemble des échanges sont soumis à une sorte de rapport de vassalité. Avec le temps, la majorité des personnes avec qui on travaille comprennent qu’on n’est pas là pour les diriger mais bien pour les aider dans leur travail.

Cette approche tournée vers l’aide était, je pense, une des choses qui me différenciait des autres chefs. J’ai eu le plaisir de découvrir récemment que c’est l’approche préconisée par Brian W. Fitzpatrick et Ben Collins-Sussman dans Team Geek. C’est déjà ça de pris.

Culture

Toutefois, si le rapport avec les “subordonnés” est une affaire personnelle, la culture d’entreprise ne l’est pas. Appliquer une organisation d’équipe basée sur l’ouverture et l’échange dans une culture autoritaire est une longue torture. Ça peut sembler une lapalissade mais j’en ai sous-estimé l’effet. Non pas que mon employeur précédent s’approchait de l’esclavagisme. Je me suis toutefois rapidement senti écrasé par les autres managers qui jugeaient le fait que je laissais trop les membres de l’équipe travailler de chez eux. Sans parler de ceux qui commençaient leurs phrases par “des employés, c’est comme des enfants…”. Viens un moment où c’est irréconciliable. Il me semblait impensable de dire publiquement que je me sentais au service de l’équipe alors que c’est ainsi que j’essayais de fonctionner.

Éphémère

En apprenant aujourd’hui les changements appliqués à “mon” équipe (avec qui j’ai gardé plusieurs liens), je ressens de l’amertune. Tout ce temps à bâtir des relations, des connaissances, de la confiance. À l’époque je m’imaginais en bâtisseur, faisant surgir d’une sommes d’individualités une équipe, stable et pérenne, comme d’autres font surgir du sol de solides bâtiments. Mais en réalité, une équipe c’est éphémère par nature. Sa stabilité repose sur ceux qui la consistuent et ces derniers peuvent partir à tout moment. Ça ne veut pas dire que ça ne vaut pas la peine d’essayer de créer quelque chose, ça veut juste dire qu’il faut avoir un certain intérêt pour les châteaux de cartes.

L’assimilation de mon expérience, qui fut très riche et profitable, commence à arriver à son terme: je comprends ce qui m’est arrivé. Cela ne veut pas dire pour autant que je ferai différemment, ou que je ne le ferai pas. Je m’imagine tout à fait dans un rôle de manager à l’avenir, tout comme je prends un immense plaisir dans mon travail actuel.

Bill Collins / Photo: Jacques Pharand

Bill Collins, première ceinture noire d'aikido au Canada
Source: Jacques Pharand.

Comme chacun, je m’interroge sur mon rôle dans le grand Tout qui m’entoure. Il n’y a pas si longtemps, la Terre et les humains étaient le centre de l’univers. Cette belle vision qui nous rendait si sûrs de notre raison d’être au monde a été joyeusement piétinée par Copernic, Galilée, Newton et tous leurs descendants. Un beau feu dans la nuit. Je regarde avec intérêt l’évolution des théories physiques qui chaque fois semblent relayer l’homme un peu plus dans la périphérie universelle.

Même en ayant intégré notre insignifiance totale, quelque part entre d’hypothétiques super-cordes et un univers dont l’expansion s’accélère, avons-nous encore quelque innocence à perdre?

Dans The race against the machine, Brynjolfsson et McAfee développent l’idée d’une économie rendue cul par-dessus tête par une accélération des technologies numériques qui n’a rien à envier à l’expansion de l’univers. Un monde dans lequel la maîtrise des outils numériques semble l’unique voie pour avoir sa place au soleil, ou en tous cas pour ne pas l’avoir trop à l’ombre. Difficile de ne pas avoir déjà concédé la victoire à la puce de silicium pour ce qui est de la puissance de calcul “bête et méchante”.

Mais si cette puce grappillait aussi l’intuition, le jugement, l’analyse dont nous sommes si fiers? Des analyses psychologiques montrent que le palais de glace que nous appelons raison nous prend en traitre. Les biais cognitifs se multiplient, notre cerveau se piège lui-même. Comme le montre Kahneman, nos choix ne sont que la somme de préconceptions que nous ne maitrisons pas, aveuglés par le peu que nous voyons, nous ignorons… que nous ignorons, au point que de simples algorithmes semblent de meilleur conseil que les expert les plus renommés. La machine n’est pas juste meilleure en calcul: correctement calibrée, elle est capable de tirer parti d’informations qu’un cerveau normalement constitué se refuse simplement à prendre en compte.

Comment vivre le fait de n’être que l’exécutant d’un algorithme programmatique? Certains le vivent déjà et l’expérience ne semble pas vraiment enrichissante. Pouvons nous vivre avec l’idée que les mathématiques et l’informatique décident de qui embaucher, des placements à faire, des jugements rendus, des guerres à mener, des personnes à aimer?

Ça peut sembler extrême, pourtant l’intermédiation des algorithmes est déjà là. Sommes-nous sur le point de vivre une n-ième blessure narcissique?

Camelia

Photo: Stained glass de Ken Douglas (CC-BY-NC-ND).

Par le fait d’incompatibilités d’agenda de certains de mes collègues du monde Open data, j’ai eu le plaisir d’être invité à échanger avec Lionel Maurel sur les données ouvertes dans le cadre d’une réflexion initiée par Communautique sur le thème “À l’école des communs“. J’ai sacrifié ma pratique d’aikido du samedi matin, mais autant dire ce qui est, ça en valait la peine.

Le concept de bien commun (“commons” en anglais) permet de regarder sous un nouvel angle bien des phénomènes émergents contemporains. Pour ceux qui ne sont pas familier avec la notion de bien commun, il s’agit de toutes sortes de ressources qui sont possédées ou partagées par des communautés plus ou moins étendues. De manière à gérer ces ressources, les communautés en question doivent généralement décider d’un mode d’attribution, de partage ou d’utilisation permettant d’éviter la tragédie des biens communs. D’un point de vue historique, les biens communs recouvraient les ressources naturels (forêt, terres arables, ressources halieutiques, etc) ou à certaines constructions sociales comme les parcs, certaines infrastructures, etc. Bref, du tangible.

Avec l’avènement d’Internet notamment, on s’est mis à retrouver le concept de commons dans l’intangible. La licence Creative Commons met clairement le doigt sur la chose: des productions issues du monde numérique, donc intangibles, peuvent également entrer dans la définition de bien commun. En brisant la logique de copyright qui s’applique habituellement au savoir, aux techniques et aux productions intangibles, bien des produits de l’esprit humain peuvent devenir des biens communs. La composante numérique n’est pas absolument nécessaire mais demeure très centrale: c’est par la capacité de reproduction à l’infini à coût nul qu’un produit de l’esprit peut devenir un bien commun.

Et c’est là toute la pertinence de cette rencontre: elle permet de mettre sous un même chapeau de nombreuses initiatives et tendances actuelles, connexes mais pas toujours en contact: open data, open access (pour les revues scientifique), open education, open source (autant logiciel que physique) et bien d’autres encore qui ont pour point commun d’avoir renversé la logique pure capitaliste au profit d’une mutualisation des efforts qui bien souvent est plus efficace.

Pour reprendre une analogie que j’ai formulé durant la discussion (qui se déroulait dans l’église Saint-Marc), tout ceci me fait penser à un magnifique vitrail qui est en train d’être construit collectivement: chaque tendance est comme ces morceaux de vitre découpés. Ils sont certes très beau individuellement, mais c’est leur assemblage qui fait jaillir le sens de l’œuvre. L’image qui va ressortir de cet intense travail n’est pas encore claire, tous les morceaux du vitrail n’ont pas encore pris leur place ni leur forme, mais on voit se dessiner un nouveau cadre qui peut redéfinir les échanges sociaux et économiques.

Plusieurs idées dignes d’intérêt ont été soulevé durant cette rencontre mais l’une d’elle a particulière frappé mon esprit: Une économie du bien commun est capable de se nourrir et de profiter de l’économie capitaliste, et c’est un point central. Comme le signalait Michel Bauwens, la plupart des transitions économiques qui ont perduré ont vu un chevauchement entre un ancien modèle à l’agonie et un nouveau modèle se nourrisant et se développant à l’intérieur de l’ancien. Un des participants a évoqué la métamorphose de la chenille en papillon. Bien que la logique de bien commun soit dangereuse pour l’économie capitaliste, cette dernière n’a pas d’autre choix que d’y participer comme les Microsoft et consort n’ont plus d’autre choix que de participer au développement de logiciels open source. Une économie centrée sur la logique de bien commun peut-elle voir le jour? C’est peut-être beaucoup demander, mais il est passionnant de voir un embryon d’alternative au modèle dominant actuel.

Bien des questions ont été soulevé autour d’un système qui reposerait sur l’économie du bien commun; pour l’heure il n’y a que des pistes ténues qu’il faudra suivre pour espérer trouver des réponses. En attendant, pour ceux qui comme moi travaillent au développement et à la valorisation de ces concepts émergents, il est crucial de pouvoir se rencontrer et discuter ce concept de bien commun qui est à l’intersection de bien des tendances actuelles. Chacun à notre façon nous essayons nos idées, nous trouvons des solutions plus ou moins utiles et le partage de ces expériences, à l’image du bien commun, devrait permettre de renforcer l’ensemble du mouvement. Bref, un véritable élixir d’intelligence pour continuer nos réflexions et notre travail.

Plus globalement, alors qu’un nombre croissant de personnes demandent un plan numérique pour le Québec, il apparait nécessaire de prendre du recul et de constater à quel point il est nécessaire d’avoir une vision d’ensemble englobant tous ces phénomènes en devenir (et pas juste les données ouvertes ou même l’open source) pour être capable de définir une vision d’avenir.

Après avoir traité des aspects techniques du vélo d’hiver en 1ère partie, voici quelques considérations sur la raison d’être de ce mouvement en pleine croissance. Étant donné que ce texte m’est venu en entendant toutes sortes d’âneries à propos du vélo d’hiver, je vais également répondre aux détracteurs… quand bien même je sais que c’est vain. Le lecteur attentif remarquera que de nombreux arguments s’appliquent au vélo en général.

Au plan individuel: la motivation

Au commencement était l’individu. Pourquoi des gens se font chier à faire du vélo par -20. Surtout avec tous les emmerdements que cela implique: froid, préparation du vélo, etc. Sont-ce des illuminés écolo-granos à tendance masochiste en nomination pour les Darwin Awards? Nous sommes chanceux, une personne s’est penchée sur le sujet. Cela a notamment fait l’objet d’un sondage auprès d’hiverno-cyclistes multirécidivistes. Le tout fut couronné par un petit rapport très éloquent.

Premier point: le pourquoi! Les trois premières raisons de faire du vélo d’hiver sont : 1. les déplacements plus rapides, 2. l’autonomie supérieure et 3. l’exercice physique. En ne cherchant pas trop loin, on devrait trouver les mêmes raisons pour la pratique du vélo “utilitaire” en général.

On ne parle pas vraiment d’une guerre idéologique visant la domination du monde par les deux roues musculo-propulsés! Les préoccupations environnementales arrivent en 6ème position après le plaisir du vélo (4ème) et les faibles coûts (5ème). Parlant de coûts: on associe souvent vélo à du monde pas-les-moyens-pour-s’acheter-un-char. Dans le sondage en question, plus de la moitié des répondants déclaraient un salaire annuel supérieur à 40k$.

Enfin, et c’est important à noter: c’est agréable! Alors que l’on a facilement tendance à se cloîtrer durant l’hiver, le vélo est une occasion de passer un bon moment dehors. L’activité physique permet de lutter contre le froid et du coup est relativement plus confortable que de marche (ou pire, d’attendre le bus!). C’est vivifiant, on arrive au travail, par exemple, réveillé et fier de notre trajet!

Quelque soit le sens dans lequel on prend ses données, on parle d’une pratique avant tout… pratique! C’est rapide, agréable, simple et efficace, voilà tout.

Tweed run @ Helsinki

Au plan collectif

Difficile d’éviter les arguments généraux en faveur de la pratique du vélo: c’est environnemental, c’est santé, ça met de bonne humeur, ça créé un sentiment de communauté et ça libère de l’espace. En quelques mots, ça répond à la majeure partie des problématiques rencontrées par les villes.

Maintenant, pourquoi le vélo d’hiver spécifiquement. C’est assez simple: pour que le vélo puisse effectivement jouer un rôle dans l’organisation de la ville (i.e libérer des places dans les transports en commun, enlever des voitures dans les rues), il faut que son effet se fasse sentir toute l’année. Si, au premier gel, tout le monde range son vélo, les infrastructures, les transports en commun et tout le reste doit être pensé en fonction de la charge hivernale, quand bien même ça ne dure que 3 mois par an.

Entendons-nous bien: on ne parle pas d’obliger le monde à faire du vélo. Je dis juste que pour avoir des bénéfices systémiques au vélo utilitaire, il faut qu’une partie de ses utilisateurs continuent durant l’hiver. Admettons que comme à Oulu, en Finlande, 25% des cyclistes poursuivent leur pratique l’hiver, on a quelque chose! A contrario, une pratique marginale l’hiver n’a pas d’effet positif sur l’organisation générale de la ville. Tout ceci pourrait se traduire par une baisse des coûts reliés aux infrastructures de transport.

La sécurité

De nombreux opposants à la pratique du vélo d’hiver mettent en avant les questions de sécurité. Et là je dis WTF! Depuis quand des personnes comme Mario Dumont et ses acolytes s’intéressent à la sécurité des autres? C’est de toute évidence un argument fallacieux pour appâter le téléspectateur. Mais bon, je vais quand même élaborer sur la question.

Premièrement, comme expliqué dans le précédent billet, le vélo est surprenant de stabilité une fois bien équipé. Je sais que bien des personnes ne vont pas me croire, mais il n’y a qu’en essayant qu’on peut s’en convaincre: un vélo peut être aussi contrôlable qu’une voiture sur surface enneigée ou même un peu glacée (et au pire, il est plus facile de descendre de vélo et de marcher que de laisser sa voiture sur place). Par ailleurs, 90% du temps, les routes sont suffisamment dégagées pour assurer un contact direct avec l’asphalte. Ce n’est pas sans danger, on peu se prendre de gamelle, mais l’été ausi (depuis le temps, j’en suis à 3 chutes hors hiver et une chute d’hiver)

Ensuite, dites-moi qu’est-ce qui est plus dangereux: un 80kg de cycliste et 10kg de vélo roulant à 25km/h ou 2 tonnes de métal roulant (théoriquement) à 50km/h. Par temps difficile, la voiture est non seulement dangereuse pour les cyclistes, mais aussi pour les piétons, et pour les autres voitures. Si on veut vraiment jouer sur l’argument de la sécurité, on interdit les voitures! Avec les milliers de morts chaque année sur les routes canadiennes, la voiture est une arme de destruction massive…

Enfin, les statistiques générales démontrent que la pratique du vélo devient moins dangereuse à mesure que le nombre de cyclistes augmentent. Il va se produire la même chose pour le vélo d’hiver: les infrastructures vont tranquillement suivre, les automobilistes vont s’habituer à nous voir et le nombre d’accidents en proportion va baisser.

Comme toute nouvelle pratique, le vélo d’hiver est perçu comme bizarre. Cependant, à mesure que des “pionniers” s’y mettent, de nouvelles personnes vont se joindre au mouvement au point que cela devienne à peu près normal.

Les opposants

Je vais couvrir ci-dessous quelques uns des arguments récurrents des opposants au vélo d’hiver…

Les motos sont interdites l’hiver

Il faut avoir une incompréhension crasse des forces en présence pour confondre moto et vélo. D’abord, la majorité des motos ne peuvent pas être équipées de pneus d’hiver. Ensuite le rapport puissance/poids des deux véhicules est sans commune mesure, le couple transmis par une moto demeurant beaucoup plus difficile à doser. Enfin une moto roule à la même vitesse qu’une voiture, mais sans la carrosserie. En cas de glissade, c’est le massacre assuré. Été comme hiver, les chutes à vélo sont moins dangereuses!

On déneige les pistes cyclables avant les rues! Ceci est factuellement faux, je n’ai jamais vu les pistes cyclables déneigées en priorité à Montréal. Mais ce serait souhaitable! D’ailleurs, ça se fait dans certaines villes scandinaves. J’ai aussi lu récemment que Chicago avait acheté du matériel spécifiquement pour déneiger les pistes cyclables.

Voilà plusieurs années, alors que le vélo d’hiver était quasi-inexistant (et le réseau de pistes moins développé), il semblait normal de ne pas investir dans le déneigement des pistes cyclables. Maintenant que le vélo prend plus de place l’hiver, il semblerait normal que les villes suivent au moins le mouvement… à défaut de l’anticiper.

C’est du gâchis d’argent public!

Certains s’émeuvent très facilement des dépenses publiques liées à la pratique du cyclisme, encore plus en hiver. Évidemment pour ces personnes, le vélo est un loisir bien particulier en ce sens qu’il écoeure le bon travailleur qui veut rentrer chez lui. Sauf que penser ainsi revient à doublement se fourrer la tête dans le fion. D’abord parce que le vélo est un moyen efficace pour déplacer. Ensuite parce que le “payeur de taxe” contribue très très grassement aux infrastructures routières énormes qu’impliquent l’utilisation de la voiture. Dépeint à l’extrême, l’ensemble des québécois paie très cher pour les centaines de milliers de leurs concitoyens qui vivent en banlieue éloignée (exburbs).

En comparaison, le cyclisme nécessite des infrastructures plus légères, plus souples et plus durables. Enfin, si on veut jouer à ce petit jeu, les cyclistes aussi sont des “payeurs de taxe”…

Ça ralentit le trafic

La tarte à la crème universelle! Alors si vous ragez contre les hordes de vélo qui prennent d’assaut vos routes, référez-vous au point au-dessus et demandez aux gouvernements des investissements en matière vélo… ça en fera moins sur vos routes.

En condition hivernales, les cyclistes empruntent effectivement plus les routes puisque les pistes cyclables ne sont pas déneigées. Par ailleurs, nous avons tendance à rouler plus au milieu de la route car les bords de rues sont plus dangereux. Cependant, dans un contexte urbain, les cyclistes n’ont pas d’effet majeur sur le trafic routier. Ça me fait toujours sourire lorsqu’une voiture me dépasse rageusement (parfois en me serrant au-delà de ce qui est sécuritaire justement), pour que je la dépasse de nouveau 100 mètres plus loin… prise qu’elle est à un stop.

Ce qui crée de la congestion routière, ce ne sont pas les cyclistes, ou si peu, ce sont les autos! Alors c’est plus facile de pointer un élément particulier et de se venger dessus que de réfléchir à un problème systémique… pourtant c’est bel et bien un problème systémique. Les problèmes de trafic, tout comme les décès par accidents, sont un corollaire de l’automobile, volontairement ignorés au profit de causes qui semblent plus facile à contrôler… comme le vélo d’hiver.

Stuck in traffic

Mais au fait, pourquoi tant de haine ?

Parfois je me demande pourquoi tant de haine contre “nous”. Là encore, entendons-nous bien: 95% des automobilistes tolèrent très bien les cyclistes, hiver comme été. Mais pourquoi le 5% restant, ainsi que certains “commentateurs” radio et télé, sont aussi vindicatifs?

Est-ce de la jalousie de nous voir prenant du plaisir à faire du vélo et dans le même temps être plus rapides? Est-ce une crainte de voir le modèle dont ils font partie être remis en cause par une vision moyenâgeuse? (Argl, un vélo, faut-il retourner à l’époque où il fallait faire un effort pour se mouvoir? Où est la modernité?) Ou est-ce un exutoire pour toute cette frustration accumulée dans la congestion et qui brûle tout ce qu’elle touche? Sûrement un peu de tout cela je suppose.

En conclusion…

La certitude que j’ai, c’est que chier sur les cyclistes est totalement contre-productif. D’abord parce que cela antagonise les relations. Les automobilistes n’aiment pas les cyclistes, ces derniers le leur rende bien… et n’oublions pas les p***** de piétons dans le portraits! Ce n’est pas par des vociférations que la situation va s’améliorer, au contraire! Que les cyclistes doivent améliorer leur comportement me semble assez clair. C’est quelque chose qui se fait naturellement, justement avec l’augmentation de l’utilisation. Les pouvoirs publics peuvent aider en offrant des infrastructures de qualité et en adaptant les règles… et pourquoi pas un peu de coercition s’il le faut.

Le but n’est pas de convertir la Terre entière, ni de forcer des octogénaires maladifs à faire du vélo d’hiver pendant que nous mangeons leurs arrière-petits enfants. Le but est de favoriser une pratique qui peut compléter d’autres stratégies de déplacement des personnes. Parfois, je me sens con de me fendre de (longs) textes pour défendre la pratique de vélo d’hiver. Je n’ai pas besoin de la bénédiction de la Terre entière pour me déplacer efficacement tout en me faisant plaisir et normalement je suis assez bon pour ignorer le venin qui sort des gueules puantes de frustration de certains ou simplement à la recherche d’une meilleure audience. Le problème c’est que les propos les plus vindicatifs finissent par des concours comme Klaxonnons un cycliste qui sont dangereux en plus d’être stupides.

Par ailleurs, cette petite chose conne à deux roues où je passe quasiment une heure par jour (ce n’est pas rien) est un élément non-négligeable dans cette équation immense qu’est la question du transport. Vous savez, cette question qui fait rager tant de monde, qui est l’activité la plus désagréable de la journée pour beaucoup, un facteur stressant majeur qui raccourcit les journées de chacun et transforme la journée en course. Bref, on ne résoudra pas les problèmes de faim dans le monde ni d’itinérance en faisant du vélo, mais la pratique du vélo d’hiver se place malgré tout dans une réflexion d’ensemble sur une problématique qui touche quasiment toute la population active, tout en se faisant plaisir.