Je me lance dans la rédaction de deux billets sur le vélo d’hiver que j’ai pratiqué à trois reprises au cours des 5 dernières années. L’objectif est double: permettre à ceux qui sont curieux de comprendre ce que cette pratique implique et répondre aux tristes sires qui nous traitent de suicidaires en puissance.

Le premier billet couvre les questions d’ordre techniques tandis que le second s’intéressera plus à la philosophie qui s’y rattache.

Plusieurs questions techniques, spécifiques à la pratique hivernale, doivent être abordées. Nous procéderons à l’analyse coût-bénéfice de cette pratique en trois parties: la monture, le monteur et enfin l’absence de mutation génétique d’équilibriste pour faire du vélo d’hiver.

Ze vélo

L’hiver québécois et surtout les produits utilisés pour lutter contre la glaciation terrestre sont particulièrement éprouvant pour le véhicule musculo-motorisé qu’est le bicycle. Les voitures bénéficient de traitements anti-rouille extensifs (et coûteux) mais ceci n’est pas applicable au vélo, du moins pas à ma connaissance. Deux catégories de tactiques ont été développées contre cet état de fait: choisir une vieille picouille qui vivra un voire 2 hivers ou prendre un vélo acceptable et le préparer pour une lutte sans merci avec son pire ennemi, la rouille.

Jusqu’ici, j’avais opté pour la première technique, mais ça me semblait particulièrement peu durable. Donc pour la première année, j’utilise un vélo acceptable (et même bon) que j’ai spécifiquement choisi en vue de faire du vélo d’hiver, que j’ai préparé et que j’entretiens en fonction.

Mon vélo de base est un Giant Seek 1 avec freins à disque hydrauliques et vitesses intégrées au moyeu Alfine. Ce choix est lié à la pratique hivernal et plus généralement au conditions difficiles. Les freins à disque offrent une capacité de freinage douce mais constante. Jusqu’ici c’est à la hauteur de mes attentes, ils ne m’ont jamais pris en défaut. La transmission hydraulique me faisait un peu peur dans les froids extrêmes. La gâchette se fait plus ferme vers -15, mais ça demeure pleinement fonctionnel.

Bon niveau de satisfaction au niveau du changement de vitesse. Sur mes précédentes montures, le changement de vitesse devenait inutilisable assez rapidement à cause de l’exposition du mécanisme à toutes les saloperies de la Terre. Le système intégré au moyeu reste à peu près efficace en tous temps. Seul bémol: la transmission par câble reste le point faible. En cas d’accumulation de sloche séchée en sortie de la gaine, il devient plus difficile de descendre les vitesses (aller vers des plus petits développements). Ceci dit je ne me suis jamais retrouvé bloqué dans une vitesse non plus, parfois il faut descendre des 2 ou 3 vitesses (au lieu d’une) pour débloquer le mécanisme.

Le cadre est en alu et plusieurs pièces en inox sauf les rayons et les jantes qui devront surement se faire changer assez rapidement.

Vélo

Préparation et entretien

Les années précédentes, j’avais conserver mes pneus réguliers. Ce n’était pas une bonne idée. J’ai donc suivi les conseils des habitués sur forum facebook de vélo d’hiver et j’ai opté pour des Schwalbe CX Pro 700×30, des pneus sans clou mais adapté à la neige. Avec les épisodes de pluie verglaçante tôt dans l’année, j’ai voulu essayer des pneus à clou mais la plupart des endroits proches de chez moi étaient en rupture de stock pour le modèle que je cherchais (preuve de l’engouement du vélo d’hiver) . Je suis resté avec les CX pro.

En matière de préparation, j’ai mis de la graisse blanche sur la majorité des pièces susceptibles de corroder ou de serrer. Ça inclue tous les systèmes mobiles (assez peu nombreux sur ce vélo) comme le câble de changement de vitesse. La lubrification habituelle de la chaine est insuffisante (lubrifiant sec), il faut passer à quelque chose de plus sérieux (lubrifiant all-weather cross-country).

Enfin, pour ce qui est de l’entretien régulier, chacun y va de sa méthode, le tout dépendant des conditions de stockage du destrier. Habituellement il est conseillé d’éviter les changements de température, notamment lorsqu’il y a de la sloche salée sur le vélo qui va fondre et propager des agents corrosifs dans les moindres recoins. Chez moi j’ai un stationnement couvert mais à température ambiante. Lorsqu’il fait froid, je me contente de brosser le pelage de mon destrier pour retirer le gros de la neige/sloche qui s’est accumulé. Si la température le permet, je remplis un seau d’eau chaude et le rince abondamment puis le sèche avec un chiffon pour éviter que l’eau ne gèle. Au travail, j’ai un stationnement souterrain chauffé. Là aussi, en cas de sloche, je brosse l’ensemble du vélo et essaie d’enlever autant de liquide que possible à l’aide d’un torchon.

L’hiver est encore jeune, mais jusqu’à présent mon vélo semble mieux résister que les autres années aux agressions corrosives. La fin de l’hiver, c’est-à-dire lorsque les rues auront perdu une large partie de leur calcium/sel/gravier, sera l’occasion d’un grand nettoyage de printemps pour retirer graisses et lubrifiants.

Les fringues

Chacun sa méthode pour les stratégies vestimentaires. Cela se décline différemment selon l’usage que l’on en fait. Le cycliste d’hiver touristique qui grosso modo fait deux trajets par jour en se changeant entre les deux a moins de paramètres à prendre en compte que les cyclistes d’hiver professionnels (principalement les coursiers) qui doivent passer leurs journées sur leur destrier avec des alternances d’effort et de repos/refroidissement. Je ne couvrirais que l’aspect de l’hiverno-cyclo-touriste. Dans ce cas-ci, on peut séparer la problématique vestimentaire en trois partie: Le corps, la tête et les extrémités des membres.

Le corps

Assez simple en fait: l’activation physique provoquant un dégagement de chaleur assez rapide, il ne faut pas trop s’inquiéter d’avoir froid. Le but consiste donc à empiler les pelures d’oignon, avec une des pelures qui bloque le vent. Lorsque le temps est sec, mes épaisseurs classiques pour le haut du corps sont un T-shirt, un col-roulé léger, un vêtement coupe-vent assez ajusté et un pull en laine ou en polaire. Notez qu’il serait préférable d’inverser les deux dernières couches, mais mon coupe-vent est trop ajusté. Il est utile de prévoir des vêtements qui s’ouvrent, on se retrouve facilement trop habillé après 10 minutes d’effort soutenu.

Pour le bas du corps c’est encore plus simple: des collants de vélo Sugoi avec par-dessus un pantacourt qui n’ira pas se mettre dans la chaine très huileuse en cette période de l’année. Il est assez facile de garder un simple pantalon ou même les mollets nus par -5 et même -10 sans vraiment en souffrir.

Si le temps est d’humeur humide (neige ou pluie), j’utilise mes vêtements de ski. Notez bien que ce n’est pas optimal car trop épais et trop chaud, surtout en haut, mais ça fait l’affaire dans mon cas.

Dans tous les cas, les vêtements complètements étanches (tissus qui ne respirent pas) sont à proscrire: la transpiration ne s’évacue pas, on finit mouillé mais de l’intérieur!

La tête

En fonction de la température, un bandeau pour protéger les oreilles ou un bonnet fin en spandex se glissant sous le casque font l’affaire. Pour les froids intenses (inférieur à -15), il peut être plus confortable de protéger le bas du visage aussi avec un grand cache-coup que l’on remonte jusqu’au nez, un protège-visage ou une cagoule. Pour les hommes, le système pileux facial peut offrir une protection d’appoint non négligeable. Je parle en connaissance de cause.

Enfin concernant les yeux, ça dépend de la sensibilité de chacun. Personnellement j’ai les yeux qui pleurent facilement. Donc selon la température et la couleur du ciel, j’opte pour des lunettes de soleil, des lunettes de vélo ou carrément un masque de ski lorsqu’il fait -10 ou moins. Comme pour le corps, le froid au niveau de la tête ne m’a jamais paru problématique.

Les extrémités

C’est le nerf de la guerre. Lors de ma première saison de vélo d’hiver, je me suis fait des engelures assez sévères aux mains par négligence et maintenant ces dernières reviennent très rapidement. Outre les engelures, avoir froid aux mains ou aux pieds peut simplement rendre l’aventure désagréable! Là encore, je ne prétend pas avoir la solution magique, mais c’est suffisant dans mon cas.

Les pieds: Des chaussettes régulières et des demi-bottes d’hiver Rime Ridge (waterproof jusque sur le dessus du pied) de marque Timberland. Très confortable et suffisamment chaud. À noter qu’en cas d’épisode ultra-slocheux, ces bottes ne sont pas assez étanche car le jus de sloche arrive de partout. Il faut donc que j’opte pour mes protège-chaussures MEC qui sont trop petits pour aller avec les bottes. Mais habituellement “super sloche” signifie températures pas trop froides, donc je peux alors troquer mes chaudes bottes pour des chaussures.

Les mains: Ça demeure mon principal problème en vélo d’hiver. J’ai opté pour des gants à trois doigts que je double avec de fins gants en soie au besoin. Ça fait l’affaire même par froid très intense, mais il ne faudrait pas que mon trajet dure une quinzaine de minutes de plus.

Quoiqu’il en soit, il est utile d’avoir plusieurs paires de gants, idéalement plus ou moins chauds et de choisir en fonction de la météo. En effet, des gants trop chauds font transpirer… et donc avoir froid après. Lors d’épisode pluvieux (ça arrive), les gants seront mouillées et donc inutilisable le lendemain. Bref, plusieurs paires de gants.

Hit the road jack

Tout ça pour donner quoi? Eh bien ça donne une expérience assez agréable. La principale question soulevée par la pratique du vélo d’hiver est celle de la sécurité. Voici quelques commentaires sur le sujet.

Premièrement, il est important d’être équipé. En l’occurrence, même si je n’ai pas de pneus à clous, mes CX pro m’offrent une adhérence impressionnante. Pour avoir faire l’essai, j’ai roulé sur des plaques de glace sans difficulté. Il m’est arrivé certains jours de voir des voitures patiner au démarrage (en montée) alors que de mon coté, je démarrais sans difficulté. Évidemment, le fait de contrôler directement le couple transmis à la roue plutôt que de passer par une pédale d’accélérateur permet de beaucoup mieux sentir la limite d’adhérence au sol. Pareillement pour le freinage où on sent nettement plus vite les conditions à risque.

Ensuite, dans le cas des pneus assez fins, la pression infligée par la roue sur la neige tend à creuser un sillon, ce qui évite les glissades de coté en situation neigeuse. Contrairement aux pneus larges des voitures qui restent sur la neige et donc glissent plus volontiers, les pneus de vélo vont chercher le plus possible un bon contact avec le sol, le vrai.

Enfin nous pouvons remercier notre ami l’effet gyroscopique sans qui le vélo serait à peu près impossible. Cet effet se fait sentir d’autant plus en situation précaire. Là où un piéton, à chaque pas, créer une poussée déséquilibrante vers l’avant (et donc risque à chaque pas de glisser), le cycliste lui bénéficie de l’effet stabilisateur de ses roues en rotation dont la poussée est à peu près constante. Bref, le fait d’être en mouvement est gage de stabilité. Là encore pour m’amuser je suis passé sur des plaques de verglas dans un parc. Tant que le sol n’est pas en devers et qu’on ne cherche pas à changer de direction trop brusquement, l’équilibre se maintient assez bien, même là où il serait difficile de marcher.

L’idée n’est pas de dire que les risques de chute n’existent pas; plusieurs cyclistes d’hiver tombent et cela m’est arrivé la première année (avec des pneus inadéquates). Cependant, il est important de souligner que l’entreprise est moins périlleuse qu’elle peut en avoir l’air. Rouler sur des surfaces légèrement enneigées n’est pas beaucoup plus difficile que sur route sèche. Avec un peu d’entrainement cela devient agréable et suffisamment sécuritaire. Par ailleurs, les routes sont dégagées 90% du temps. Ensuite, il faut adapter sa conduite, comme les voitures d’ailleurs: ralentir, être vigilant à l’état de la chaussée et choisir sa route en fonction des conditions (personnellement je n’opte pas pour les mêmes trajets selon qu’il neige activement ou que les routes sont dégagées).

Avec tout ça en main, il est possible de profiter de l’hiver sur 2 roues.

Enfin il existe d’autres sources d’informations, par exemple :

  • MEC
  • Des conseils de pro (surtout pertinent en matière de vêtements pour ceux qui ont des trajets plus long ou des alternances effort/repos)
  • Le forum facebook dédié au vélo d’hiver à Montréal est très utile (et sympa)

Le rapport de gendarmerie est un exercice de style visant à noter consciencieusement tous les événements d’une journée dans le but de donner une idée fidèle de la vie quotidienne à une époque donnée. Le premier date d’il y a 3 ans (je l’aurais bien lié, mais je découvre que mon ancien blogue a visiblement été hacké…). L’inspiration vient de Laurent (qui d’ailleurs n’en a pas fait depuis bien longtemps). Bonne plongée dans notre quotidien.

  • 5h55: Réveil d’Axel. Stress, va-t-il prendre du lait? Va-t-il accepter de se recoucher? Femme se lève et amène Axel dans le salon, première bonne nouvelle pour mon sommeil.
  • 6h10: Femme revient au lit après avoir posé Axel dans son lit. Yes! me dis-je. Pourtant on l’entend encore faire du bruit dans sa chambre… tout n’est pas gagné. Par ailleurs Femme me glisse que la nuit a été assez pénible, 5 ou 6 réveils d’Axel (je n’ai rien entendu évidemment).
  • 6h12: Axel fait encore du bruit et Arthur commence à chantonner dans son lit. C’est là que tout peut déconner. Ils peuvent se maintenir éveiller l’un l’autre et là c’est le lever assuré.
  • 6h15: Silence radio, on peut espérer dormir 3/4 d’heure de plus (la durée d’un cycle d’Axel qui tomberait également sur l’heure de réveil d’Arthur)
  • 6h56: Arthur rapplique dans notre lit pour son calin matinal. Il a 4 minutes de retard sur son heure habituelle, celle de son lapin-réveil. Il devait être vraiment distrait pour être aussi en retard.
  • 7h00: Réveil en trombe d’Axel. J’avais quand même l’espoir qu’il fasse deux cycles de sommeil car il est assez fatigué ces temps-ci.
  • 7h01: Je m’extirpe du lit pour aller chercher Axel.
  • 7h02: Je pose Axel dans son petit transat. Pipi. Mouchage.
  • 7h04: Je regarde mes courriels car j’attends quelques nouvelles, notamment de France… mais rien.
  • 7h07: Femme se lève avec Arthur, ils nous rejoignent dans le salon, lugubre avec un éclairage minimum.
  • 7h08: Femme prend Axel dans ses bras. À l’image des deux derniers jours, il ne tient pas plus de 5 minutes seul sans me mettre à crier. Rapidement, Femme se retrouve avec Axel et Arthur sur les genoux, dans la chaise berceuse.
  • 7h09: Je vais prendre Axel et marche avec, c’est ce qu’il y a de mieux pour le calmer. Arthur me demande d’aller faire de l’ordi. Évidemment c’est un piege pour me faire asseoir et pouvoir jouer avec Axel.
  • 7h10: Arthur veut faire du iPad, Axel pousse ses fameux cris stridents.
  • 7h12: Changement de couche d’Axel. Il joue avec ses pieds puis crie de nouveau. Il a décidément la mèche courte ce matin.
  • 7h19: J’ai de nouveau Axel dans les bras. Sur l’ipad, Arthur regarde les aventures d’Oso Berni, son nouveau meilleur ami d’iPad.
  • 7h25: Axel ne manque pas de régurgiter, je le refile à Femme. J’ai déjà le système nerveux en surchauffe.
  • 7h26: Je nourris le chat et lui file de l’eau.
  • 7h28: J’appelle ma Môman car elle a laissé des messages vocaux hier. Elle n’a pas reçu ce que je lui ai envoyé qu’elle ne sait pas que je lui ai envoyé (bref, une surprise). Femme s’assoie avec Axel, ce qui a pour effet de le faire crier.
  • 7h30: Fin de la séance d’ipad pour Arthur
  • 7h35: Pendant l’appel téléphonique, Arthur me demande le miroir. Je l’aide à le trouver.
  • 7h40: Axel crie… Ça n’aide pas les conversations téléphonique.
  • 7h43: Fin de l’appel téléphonique
  • 7h44: Femme met Axel en écharpe pour essayer de préserver nos oreilles, c’est là qu’il est le moins malheureux par les temps qui courent.
  • 7h48: Mollement, nous mettons la table.
  • 7h50: Arthur s’allonge sur le futon en disant qu’il est fatigué.
  • 7h51: Soudainement, Arthur n’est plus fatigué. Il se raconte des histoires de méchant coquillage géant qui est ami avec Gargamel, tout en se promenant dans l’appartement avec son miroir.
  • 7h55: Après 10 minutes de négociations intermittentes, Arthur accepte qu’on lui mette des chaussettes.
  • 7h57: Nous sommes sur le point de petit-déjeuner et Arthur demande à regarder les Schtroumpfs.
  • 8h00: Arthur fait une crise de Schtroumpf puis de lait après que nous lui ayons intimé de passer à table.
  • 8h03: Il finit par se mettre à table, à reculons. Axel est déposé dans son transat et se voit proposer des céréales en purée.
  • 8h04: Question arthurienne du jour: pourquoi les rois mages sont morts? Réponse: parce qu’ils sont nés il y a très très très longtemps. Par chance pour nos neurones embrumés, il ne renchérit pas sur une autre question.
  • 8h09: Femme est tanné d’entendre le crieux crier, il est en train de s’énerver sur ses céréales. Elle décide de l’allaiter… et se fait mordre. Probablement parce qu’Arthur dérangeait tout ce beau monde.
  • 8h17: Axel mange un peu plus calmement, le lait maternel a des vertus apaisantes évidentes. Arthur se papillonne dans l’appartement avec un truc en plastique sur la tête en disant qu’il est un fantôme.
  • 8h28: Axel mange en me souriant, non sans crier par intervalle.
  • 8h31: Fin du petit dej’. Fiston s’invente des histoires de déguisement. Axel dans son transat, joue en criant.
  • 8h34: Arthur s’essaie à écrire sur mon clavier d’ordinateur, j’essaie de mon coté de lui faire comprendre que ce n’est pas une bonne idée. Axel s’énerve sur son champignon en plastique qu’il mâchouille frénétiquement.
  • 8h35: Femme évalue les gencives d’Axel. Verdict: horrible. Il a la mèche vraiment courte, inhabituel pour lui qui est assez tolérant habituellement.
  • 8h36: Arthur a lâché mon laptop et s’est rabattu sur son petit ordi d’enfant. Femme donne du tempra à Axel, espérant ainsi rallonger sa mèche courte.
  • 8h37: Je charge Axel à dos d’homme. Voilà 1h30 qu’il est réveillé, il est temps qu’il dorme et pour ça rien ne vaut un tour en écharpe.
  • 8h44: Pendant que je déambule dans l’appart avec Axel sur le dos, Arthur joue en s’imaginant des histoires et Femme dessert la table.
  • 8h50: Axel s’endort sur mon dos après s’être quelque peu débattu.
  • 8h52: Femme m’aide à transférer Axel de mon dos au lit. Mission réussie.
  • 8h54: Arthur demande une collation alors qu’il n’a pas voulu manger voilà quelques instants de ça.
  • 8h57: Brossage de dent. Je ramasse quelques unes de mes loques qui trainent au sol. Arthur propose d’empiler les deux télés l’une sur l’autre pour pouvoir regarder deux choses en même temps et ne pas jeter l’ancienne. Bonne idée mais plutôt instable lui dis-je.
  • 9h02: Grosse affaire aux toilettes
  • 9h12: Habillage. Femme et Arthur peignent des globules rouges.
  • 9h15: Ordinateur. Je ferme des onglets firefox et je regarde compulsivement mes courriels. Toujours rien. Et je déteste Colissimo.
  • 9h22: Pendant qu’il peint, Arthur nous fait un petit coup de “je ne veux plus voire unetelle, ce n’est plus mon amie”, alors qu’il demandait à la revoir hier. Une façon de gérer ses déceptions.
  • 9h28: Réveil d’Axel… plus court que sa normale de quelques minutes, dommage.
  • 9h29: Calin de tous les garcons de la maison sur le futon pendant que Femme est au téléphone
  • 9h35: Je promene Axel “à bras” dans la maison.
  • 9h40: Ses cris me tapent sur le système. Femme prend Axel. Je m’occupe de la litière du chat. Arthur nous dit qu’il a rêvé qu’il dormait dans un Babibel… alors qu’il mange un Babibel.
  • 9h48: Femme se lève de sa chaise, Axel la gratifie d’un immense régurgis nécessitant un changement de vêtement.
  • 9h50: Axel est posé sur son tapis d’éveil, Arthur s’occupe de l’occuper jusqu’à ce qu’il (Arthur) se rappelle qu’il veut encore faire du iPad.
  • 9h52: Arthur a oublié qu’il voulait l’iPad, tant mieux car on aurait refusé. Séance de cache-cache familial dans l’appart.
  • 10h03: Arthur et Femme font une partie de bisous-dodo. Axel mange frénétiquement son champignon en plastique tout en criant par intermittence.
  • 10h04: Verre d’eau. Arthur refuse de jouer à bisous-dodo selon les règles.
  • 10h07: Compulsion de courriels. Toujours rien.
  • 10h10: Axel ne tolère plus son transat au bout de 10 minutes. Je le prends et me fais gratifier à mon tour d’un regurgis. Plus petit cependant.
  • 10h15: Finalement Femme prend Axel.
  • 10h21: Après une n-ième tentative, j’arrive à imprimer un cadeau pour l’anniversaire de Femme (qui est aujourd’hui).
  • 10h22: Arthur découvre un pot magique avec plein d’objets pour faire des bricolages, ça semble faire son affaire.
  • 10h28: On se prépare pour aller à un brunch familial pour l’anniversaire de Femme. J’habille le crieux.
  • 10h35: Arthur sert de passe-temps à un Axel gisant au sol saucissonné dans son habit d’hiver.
  • 10h38: Départ général.
  • 10h58: Arrivée à Grand-mère poule sur Masson, non sans s’être perdu dans de nombreux culs-de-sac. Axel avait son bonnet sur la face, il pouvait bien être frustré mais n’a quasiment pas crié pourtant.
  • 11h02: Dans la panique de la sortie de voiture, nous avons oublié de payer le parcomètre. Je ressors tandis que Femme essaie d’endormir Axel en écharpe en plus de surveiller Arthur.
  • 11h07: De retour du dehors.
  • 11h12: Réception d’un courriel que j’attendais mais pas parmi les plus importants… Intéressant quand même. Ça calme un peu ma compulsion de courriel.
  • 11h16: Arrivée de la mère et du frère de Femme. On peut commander!
  • 11h27: Axel dort sur femme, condamnée à rester debout. On commande, des oeufs benedictines pour moi. Grilled cheese en haute priorité pour Arthur qui meurt de faim.
  • 11h29: Déballage des cadeaux de Femme.
  • 11h31: Finalement femme s’assoit bien qu’ayant Axel en portage ventral. Ça ne va surement pas durer longtemps.
  • 11h47: Arrivée des assiettes. Fiston veut un bagel au beurre d’arachide après son grilled cheese.
  • 11h50: Axel est réveillé. Ce fut effectivement court mais comme à son habitude, il se réveille tout sourire.
  • 11h57: Axel est mis dans une chaise haute. Un peu de criage pour rappeler qu’il existe.
  • 11h59: Femme sort son attirail de jouets pour Axel. Il s’entiche d’une sorte de suce semi-rigide pour se faire les dents, pas surprenant.
  • 12h02: J’ai pris un petit-dej léger en vue du brunch; moralité j’ai encore très faim et je commande une assiette de pain doré.
  • 12h11: Je suis servi! Arthur menace de tout détruire dans le restaurant.
  • 12h20: Je finis de manger, ça fait du bien! Arthur déambule dans le restaurant. Grand-maman s’occupe d’Axel.
  • 12h25: Axel décolle les tympans de sa grand-maman, surement parce qu’elle est trop assise, crime inacceptable quand on s’appelle Axel. On se prépare à partir.
  • 12h35: Départ général après avoir habillé le petit et le grand monde.
  • 12h37: Sur le chemin de la voiture, dans le froid mordant, Arthur fait une crise de “je veux la main de Maman” alors que Maman porte Axel dans ses bras. Il se résigne à prendre ma main, que la vie d’un petit garçon est remplie de frustation… la main de papa, pouah.
  • 12h45: Nous sommes saisis par le froid, Femme se sent mal, et tout le monde étant fatigués, nous décidons de rentrer à la maison plutôt que d’enchainer avec la bibliothèque comme prévu.
  • 13h00: Arrivée à la maison, nous sommes frigorifiés. Femme met le foyer.
  • 13h03: Femme allaite Axel. Arthur fait pipi. Moi aussi.
  • 13h04: Arthur veut faire de l’iPad.
  • 13h06: Mes engelures aux mains provoquées par le vélo me font un peu mal, j’essaie d’améliorer leur sort à grand coups de Nivéa.
  • 13h10: Femme chante des chansons à Axel qui est allongé sur ses cuisses. L’allaitement fut difficile mais il semble heureux.
  • 13h16: Je me décide à mettre un peu de musique, il parait que ça adoucit les mœurs.
  • 13h17: Fiston profite de sa séance d’iPad. Il jongle entre Youtube, photo booth et des jeux pour enfants.
  • 13h20: Fin de la séance d’iPad. Femme prend des Tylenol, elle se sent fébrile et avec des courbatures. Ça augure mal.
  • 13h26: Femme va aider Arthur à faire dodo… et essayer de faire dodo avec lui. Moi je prends Axel en écharpe en ventral pour le faire dormir aussi.
  • 13h32: Axel se débat dans l’écharpe et crie à l’occasion. Ça promet pour espérer qu’il dorme, en plus d’également empêcher Arthur et Femme de dormir.
  • 13h35: Axel se calme. Je peux prendre mon Petit cours d’autodéfense en économique et le lire par-dessus son épaule.
  • 13h42: Axel dort finalement.
  • 13h45: Je dépose Axel dans son lit: success (ce qui n’est pas gagné)
  • 13h48: Je me mets un petit Through the wormhole à propos des trous noirs avec le casque d’écoute.
  • 14h10: Ma mère appelle, je sors de l’appart et m’assois dans le couloir pour lui parler. Elle a enfin reçu sa surprise: un nouveau laptop. C’est pas trop tôt! Je déteste moins Colissimo.
  • 14h26: Fin de l’appel maternel, je retourne dans l’appartement.
  • 14h29: Bon timing, Axel se réveille, je vais le chercher. Femme sort de la chambre en même temps. Elle a un peu dormi.
  • 14h31: Je continue à écouter mon émission en déambulant avec Axel dans les bras, il se décroche le cou pour regarder la télé.
  • 14h39: Réveil d’Arthur. Surprenant, vraiment court pour lui. J’arrête mon émission.
  • 14h43: Arthur demande de l’eau.
  • 14h45: Arthur demande à voir Oso Berni (Youtube) sur la télé. On accepte.
  • 14h46: Femme arrive à allaiter (difficilement) Axel, qui semble vraiment inconfortable de la bouche.
  • 14h52: Je prends Axel et le promène.
  • 14h58: J’ai un rendez-vous à 15h30 au centre-ville. J’annonce à Femme que je vais bientôt me préparer.
  • 15h01: Je reçois un courriel, la réunion est reportée de 15 minutes. Ça m’arrange, j’étais déjà en retard.
  • 15h14: Je me prépare pour faire du vélo.
  • 15h20: J’enfourche mon blanc destrier et file sur la neige fraiche. Malgré le -11 au thermomètre, les conditions sont très agréables.
  • 15h29: Je descends Hotel-de-ville puis Roy, Des Pins, Milton pour arriver sur University, mon point de rendez-vous.
  • 15h46: Arrivée à ma rencontre, en retard d’une petite minute.
  • 16h30: Je prends congé de mes interlocuteurs après une bonne réunion, il faut que je sois de retour vers 17h.
  • 16h57: Je m’arrête chez Fou Dessert pour acheter un gateau d’anniversaire (qui n’est autre qu’une galette des rois). En bonus j’achète des sablés nappés au chocolat.
  • 17h12: Arrivée à la maison. Femme regarde les Schtroumpfs à la télé avec Arthur. Axel est dans son transat. Il a aussi fait une sieste en mon absence, ce qui est bon. Femme se sent toujours coussi-coussa.
  • 17h13: Je demande un sceau d’eau chaude à Femme pour aller rincer mon vélo.
  • 17h15: Rinçage et séchage en bonne et due forme pour éviter que le sel n’attaque le vélo.
  • 17h28: Tant qu’à être habillé, je sors les poubelles.
  • 17h38: Je m’attaque au repas (un pad thai) pendant que Femme s’occupe des enfants.
  • 17h46: Finalement je prends Axel sur le dos pour permettre à Arthur de jouer avec sa Môman.
  • 17h47: Je mets les nouilles de riz au bain-marie, j’ai un peu de temps avant de faire le reste.
  • 17h48: Je décide de finir mon épisode de Through the wormhole.
  • 17h59: Fin de mon émission. Je commence à découper et faire cuire la viande.
  • 18h04: Merde j’ai oublié les oignons. Go go go, coupage d’oignons.
  • 18h11: Femme commence à être tannée de jouer avec Arthur (même jeu à répétition je suppose), elle vient s’enquérir de l’avancement du repas.
  • 18h16: Encore une mauvaise surprise: le sachet de sauce Pad thai sert à cuisiner un demi sachet de nouilles… sauf que j’ai mis toutes les nouilles. Oops. Je vais rallonger la sauce comme je peux.
  • 18h28: Fiou, c’est prêt. Arthur ne veut pas arrêter de jouer avec Femme. Axel a incroyablement bien fait ça sur mon dos en restant éveillé et calme tout le long.
  • 18h29: On passe à table. Arthur refuse de manger, évidemment il n’aime pas le Pad thai qu’il n’a jamais gouté. Il gêne Axel qui essaie de manger de la clémentine dans son filet à bébé.
  • 18h31: Arthur demande un bagel avec du beurre d’arachide, genre. Tout ça parce que pour le convaincre que c’était bon, j’ai dit que j’ai mis du beurre d’arachide dans le pad thai.
  • 18h35: Monseigneur accepte de passer à table. Nous profitons de notre bon repas, la sauce Pad thai rallongée est pas mal bonne.
  • 18h41: Après plusieurs tentatives variées, Arthur accepte du yahourt.
  • 18h42: Finalement il goute le Pad thai et en mange quelques bouchées tout en maintenant qu’il n’aime pas ça. Devant cette position intenable, il passe au yahourt pour ne pas perdre la face.
  • 18h43: On passe au dessert. Deuxième galette des rois en autant de jours. Bonne mais celle de de Gascogne est meilleure. Cette dernière est plus radine en frangipane, mais la frangipane est meilleure. On déguste avec les sablés nappés au chocolat.
  • 18h50: Arthur essaie un jeu de domination sur Femme en posant son pied sur elle, pour jouer. À chaque fois qu’elle l’enlève, il revient à l’assaut.
  • 18h51: Après s’être fait menacer de voir sa chaise déménager à l’autre bout de la table, il finit par arrêter son jeu de pied, non sans grogner.
  • 18h53: Axel s’énerve sur son filet de clémentines.
  • 18h55: Sortie de table. Femme allaite le petit. Arthur annonce qu’il va faire caca.
  • 19h00: Enclenchement de la procédure de fin de journée. Je vais m’occuper du bain d’Axel pendant que Femme donne son lait de fin de journée à Arthur.
  • 19h10: Axel est déshabillé et prêt à mettre au bain. Il semble de meilleur humeur depuis mon retour.
  • 19h12: Bonne séance de jeu dans le bain. Je lui présente Monsieur cochon-sale-qui-devient-propre-dans-l’eau-chaude en l’absence de Bébé grenouille, son ami de bain préféré qui doit être égaré quelque part.
  • 19h15: Axel était très content de rencontrer Monsieur Cochon et de le machouiller, mais cela ne remplacera pas Bébé Grenouille qu’il faudra bien retrouver.
  • 19h20: Femme débarque avec Arthur qui saute dans le bain avec Axel.
  • 19h23: Je sors Axel du bain et le donne à Femme qui va s’occuper de le coucher.
  • 19h26: J’accède à la demande d’Arthur d’aller dans le bain avec lui. On est en vacances, on a le temps.
  • 19h29: Séance de jeu avec les doigts dans le bain. Et vas-y que mes doigts sont Gargamel et les Schtroumpfs.
  • 19h45: J’en profite pour me laver.
  • 19h50: Je lave Arthur.
  • 19h56: Il doit avoir eu son compte de jeu car il sort du bain en même temps que moi alors que je lui proposais de rester un peu.
  • 19h58: J’habille Arthur dans sa chambre.
  • 20h02: Je m’éclipse pour aller moi-même m’habiller dans ma chambre. Femme a réussi à coucher Axel.
  • 20h03: Début des histoires. Arthur va se chercher une baguette (pour manger) afin d’en faire sa baguette magique.
  • 20h05: D’un coup de ladite baguette, il fait apparaitre une histoire de la Fée coquillette qu’il veut que je lui lise. D’où la baguette.
  • 20h15: On enchaine ensuite avec un Samsam et un livre d’exploration. Pendant que je lis, Arthur continue à faire des tours de magie. Il est bien drôle.
  • 20h23: Petit pipi d’Arthur avant le dernier droit.
  • 20h26: Arthur fait un peu durer le plaisir du pipi pour éviter de retourner dans la chambre. Rien de bien excessif et il prend la direction de son lit de bon coeur.
  • 20h28: Nos trois chansons habituelles: À la claire fontaine, V’la le bon vent et Pirouette Cacahuète. Pendant que je chante, il se met sous sa couette, non sans oublier sa baguette qui ne manquera pas de lui servir dans ses rêves.
  • 20h35: Fin des chansons. Je le borde et j’éteins les lumières. Vraiment agréable comme soirée.
  • 20h37: Sortie de la chambre d’Arthur. Femme fait du iPad dans le salon.
  • 20h39: Traitement des courriels de la journée. En bout de ligne j’ai reçu 2 courriels que j’attendais, mais le plus important de tous n’est pas arrivé. Je vais devoir attendre jusqu’à lundi, au mieux.
  • 20h55: Mon cell fait un gros gong sur réception d’un courriel (inintéressant par ailleurs). Ça me rappelle de lui couper le sifflet.
  • 20h56: Lecture de quelques onglets trainant sur Firefox…
  • 21h04: Après une nuit précédente pénible et une journée passée à se sentir fiévreuse, Femme va se coucher.
  • 21h31: Une amie de Femme appelle pour lui souhaiter un bon anniversaire. Raté, elle dort.
  • 21h37: Arthur fait de la résistance, je l’entends encore se raconter des histoires dans son lit.
  • 22h02: Je fais un peu de mise en page et de correction de coquilles pour le présent billet.
  • 22h23: Verre d’eau. J’ai tellement soif depuis que j’ai été malade.
  • 22h47: Brossage de dent.
  • 22h51: Extinction des feux.

L’oisiveté est, dit-on, la mère de tous les vices, mais l’excès de travail est le père de toutes les soumissions.

Albert Jacquart, Petite philosophie à l’usage des non-philosophes

Ces derniers temps, lorsque vient le moment d’aller à la garderie, Fiston se rembrunit. Voilà deux jours il s’est prostré dans la chaise berceuse, le regard absent, comme un enfant maltraité. Le déposer à la garderie est également source d’affliction et de moues de tristesse, sans parler des pleurs et des “reste ici Papa”.

À chaque fois la question revient plus pressante: “pourquoi tu pars Papa?” et à chaque fois le même disque rayé: “je vais au travail”.

Tu m’étonnes que ça donne une mauvaise image du boulot. J’aurais 2 ans et on me répéterait tous les jours que les personnes les plus importantes pour moi me quittent et me délaissent plus de la moitié de ma journée éveillée pour aller au travail, je me dirais que c’est pas mal une saloperie.

Par chance, la Société cherche à nous faire croire qu’il est bon de laisser nos enfants à la garderie; ainsi ils vont pouvoir se développer, apprendre à socialiser, j’en passe et des meilleurs. Incidemment il me semble que tout ce qui rend la vie plus facile aux parents nous est vendu comme important et nécessaire pour les enfants (comme de pleurer, très important de laisser pleurer, c’est ainsi qu’on apprend la vie!)

Pourtant je n’ai rien contre le travail en soi. Du moins mon type de travail, celui qui consiste en une activité constructive souvent enrichissante et qui par ailleurs permet d’obtenir une bonne rémunération.

Toutefois, je n’arrive toujours pas à comprendre que rendu dans les années 2000 il soit encore nécessaire, dans la majorité des cas, de rencontrer un nombre d’heures de travail mangeant une large partie de la journée, auxquelles s’ajoutent pour de nombreuses personnes les temps de transport et autres. Ce qu’il reste de nos éveils sont quelques heures anorexiques coincées entre la préparation d’un repas toujours fait trop vite (et pourtant qu’il est bon de bien préparer à manger) et quelques minutes de vie commune, toujours trop courtes.

Entendons-nous bien, même si j’en avais les moyens je ne voudrais pas être homme à la maison à m’occuper de fiston. Et même si je connais plusieurs personnes travaillant à leur bon vouloir, ils finissent souvent pas y passer des heures au moins aussi indues que les “salariés”. La question n’est pas nécessairement là.

On nous a promis une société des loisirs qui ne s’est jamais réalisées. Les utopies visant à ne travailler que deux heures par jours sont… restées de utopies. Et soyons francs, travailler deux heures par jour permet difficilement de se plonger dans des sujets complexes. Une minorité gagne beaucoup (en travaillant beaucoup souvent) alors qu’une majorité ne travaille même pas ou travaille beaucoup pour gagner peu dans des emplois dont on pourrait se passer (mettons le démarchage téléphonique à 21h). Après tout ce temps d’humanité, comment ne sommes-nous pas arrivés à fournir à chacun une éducation permettant mieux? Avec l’augmentation de la productivité, avec les créations de richesse depuis ne serait-ce qu’un siècle comment se fait-il que les mêmes paradigmes sociaux demeurent en place?

Des questions bien naïves à cause d’un enfant qui ne veut pas aller à la garderie…

Pourtant je me plais à croire rien n’est jamais coulé dans le béton, que ce qui nous semble une évidence incontournable aujourd’hui passera surement pour incongruité demain. Et je ne parle même pas de progrès technologique, simplement de perception, de vision.

Sauter sur le lit

Quand on aime la vie, on aime le passé, parce que c’est le présent tel qu’il a survécu dans la mémoire humaine.

Marguerite Yourcenar, Les Yeux Ouverts

La mémoire et sa construction m’ont toujours fasciné. Tant contenu dans si peu. Parfois il m’arrive, dans une situation anodine, d’avoir une vision parfois remontant à plus d’une dizaine d’années, d’un autre événement tout aussi anodin et dont je peinerais à me rappeler sans ce flash soudain.

Ce flash est souvent une porte d’entrée vers d’autres souvenirs corrélés par une même période temporelle ou simplement par un flot de pensée qui semble se rattacher sans lien évident. Faute de mieux, j’envisage ces apparitions mémorielles comme des associations libres du cerveau avec ce que je vivais à cet instant: sensation corporelle, bruit, odeur, que sais-je encore.

Je regarde à loisir la mémoire de notre petit colocataire se développer. D’un être qui visiblement ne se rappelait pas de la veille, il est devenu un être de mémoire. Il est capable de décrire ce qu’il a fait ou vu “l’autre passé”, parfois plusieurs mois en arrière.

Plus important, avec un âge au compteur approchant les 3 ans, il entre dans la zone du premier souvenir. Celui qui lui viendra à l’esprit en réponse à la question “quel est ton plus vieux souvenir”. Je ne peux m’empêche de penser que ce premier souvenir a quelque chose de constitutif.

Parmi toutes les nouveautés qui assaillent l’esprit jeune et ouvert à tout, qu’y a-t-il de particulier pour graver pour toujours une image particulière? Quelque part, un mécanisme doit entrer en action et ne conserver qu’un événement jugé significatif au milieu de tout ces signaux.

Parfois, au milieu ces réflexions, je perds mon sang-froid devant lui (parfois contre lui), et je me dis que ce moment très précis où je lui ai montré le pire de ma personne pourrait être son tout premier souvenir.

1h10 du matin. Un problème au travail m’a obligé à rester debout tard. Pis, je dois me relever vers 4h30 pour faire des vérifications; appeler du monde de mon équipe en pleine nuit pour me relayer me semble difficilement concevable; la nuit sera donc très courte.

Tandis que je me prends une couverture pour dormir quelques heure sur le futon, Arthur se met à pleurer, que dis-je à hurler dans on lit.

Voilà deux ans de cela, alors qu’il n’avait pas un an, les cris de ce qui était alors une boule de chair à vif m’auraient plongé dans un état de frustration intense avec en tête un seul et unique refrain “X minutes de sommeil en moins dans une nuit bien trop courte”.

Ce soir, j’entends ses pleurs et je souffre pour lui.

Je suis bouleversé par ce petit être dont nous constatons chaque jour combien il comprend tout maintenant.

Il sait que nous sommes là, juste derrière le mur, il sait que si nous ne venons pas, c’est juste que nous n’en avons pas envie.

Le pire étant que je n’ai même pas envie de lui refuser ma présence. Au contraire, il me fait tant plaisir d’aller à sa rencontre dans la noirceur de sa chambre, grappiller ainsi quelques minutes de sommeil, pour lui faire sentir que nous sommes là pour lui, pour le réconforter et lui chanter À la claire fontaine pour l’aider à retrouver ce sommeil si fuyant.

Le coup de foutre avec le nouveau-né fraichement démoulé, je n’y crois pas.

Mais tranquillement, au gré des mois et des années, tomber sous le charme de ce petit être qui par ailleurs n’a aucun scrupule à nous manipuler pour arriver à ses fins? Oui, clairement oui. Et foutre en l’air quelques minutes de sommeil pour être avec lui, oui et en plus avec plaisir.

Avec tellement de plaisir, que je prends même quelques minutes supplémentaires pour le mettre en mots.

Dors bien Arthur.