Une troisième semaine

C’est un peu la routine maintenant. Je suis encore du côté des grands pour plusieurs jours. En réalité, les grands, c’est plus facile (c’est les plus de 1 an, mais ça comprend aussi plein d’adultes suivis pour maladie congénitale). Ils comprennent plus, on peut leur dire de respirer comme ci ou comme ça ou de retenir leur souffle… Et surtout, le cœur bat beaucoup moins vite, alors je peux entendre de façon plus détaillée et précise ce qui s’y passe ! Mais c’est aussi un service plus fatigant avec beaucoup d’entrées et sorties et beaucoup de cas bien lourds. La cour des miracles, parfois…

Aujourd’hui, pendant la très loooongue réunion de service (14h à 19h), il y a eu de l’action, ce qui m’en a malencontreusement fait manquer un bon bout ! En effet, le nouveau-né de quelques jours dont j’avais assisté au cathétérisme cardiaque le matin même nous a fait un arrêt cardiorespiratoire, qu’il a fallu réanimer puis ventiler à la main pour finalement l’intuber et le faire transférer aux soins intensifs néonataux. Je pense que ça va aller pour lui. J’ai entendu dire qu’il a été transféré par hélico à Paris pour y être opéré.

Mercredi 15 au vendredi 17 juin 2005

Le temps passe tranquillement. Ce soir je suis allée voir Star Wars III à l’UGC, et j’ai bien aimé enfin connaître la clé de l’énigme ; sauf qu’en sortant, j’aurais donné n’importe quoi pour me blottir dans les bras de mon amoureux… Je commence déjà à ne plus tenir en place à l’idée de le retrouver bientôt, même pour si peu de temps !

J’ai un peu fait les boutiques à Lille. Les superbes rues piétonnes, le soleil, la diversité de petites boutiques remplies de jolies choses me rendent le magasinage bien moins désagréable que d’habitude. C’est ainsi que j’ai enfin trouvé des sandales blanches toutes simples et confortables pour le mariage (pour ce qu’on va les remarquer de toute façon…), et j’ai surtout enfin trouvé le collier de mes rêves pour porter ce jour-là, il est vraiment magnifique. Ce sera rigolo et significatif de porter des éléments de tenue qui viennent de France et du Québec, ce jour-là. Je me suis aussi acheté plusieurs petits machins, un collier de fantaisie, un petit foulard, une jupe, un pantacourt et un débardeur. C’est quand même vraie que la diversité de magasins, de modèles, de possibilités est plus grande qu’au Québec, même s’il y a ici aussi beaucoup de chaînes qu’on retrouve. Je n’avais jamais vraiment pris le temps de me trouver des habits lors de mes séjours en France, parce que magasiner me fatigue vraiment, mais j’ai toujours trouvé que c’était dommage de ne rien ramener ! Surtout que les vêtements et chaussures me semblent souvent plus physiologiques ici, moins extrêmes et plus simples. Voilà, c’est maintenant chose faite ! J’espère qu’on ne m’embêtera pas aux douanes maintenant…

À l’hôpital, je me rends compte que ce qui me gêne, c’est l’ambiance beaucoup moins bonne d’un côté du service que de l’autre, avec les infirmières et surtout avec l’interne. Je suis du mauvais côté en ce moment. Je suis jumelée avec une autre externe, de 2 ans plus avancée que moi, et l’interne s’adresse toujours uniquement à elle en agissant comme si j’étais un fantôme. Ça ne m’empêche pas d’intervenir pour répondre, souvent avec raison, mais c’est étrange. Surtout que normalement la coutume veut que l’on demande d’abord à la personne la moins avancée si elle connaît la réponse, avant de monter en grade. Ajoutons que ledit interne est aussi doté d’un sens de l’humour très douteux avec tout le monde, y compris les patients, et qu’il n’est pas très avenant. Vivement de retourner du côté des petits pour la dernière semaine !

De façon plus générale, je trouve que les supérieurs français ont le don de vous faire sentir bien inférieurs à eux, d’insister sur leur rôle imposant dans la hiérarchie et de s’abstenir de compliments et d’encouragements. Bon, c’était déjà comme ça au lycée, mais en médecine comme partout, un peu de miel fait toujours plus de bien qu’un baril de vinaigre. Parfois je me demande aussi si le fait d’être une femme n’est pas désavantageux. Je ne voudrais pas généraliser à tous les milieux, mais dans le domaine médical du moins, les femmes sont souvent des « subordonnées » dont le rôle consiste à obéir et à appliquer, puisqu’elles sont souvent aides-soignantes ou infirmières. Les 5 médecins de mon service sont tous des hommes et ils n’ont pas du tout la même attitude avec l’externe masculin qu’avec les externes féminines. Et ils deviennent vite irascibles et tyranniques quand une situation leur déplaît. Je trouve que c’est ce qui m’aura manqué dans ce stage : un rôle modèle féminin. Car la jeune interne que je suis vient seulement de commencer son internat de cardiologie et est elle-même encore trop en situation d’apprentissage et d’être dépassée, remise à sa place, etc. pour servir vraiment de modèle.

Sinon, à l’étage, il y a encore eu deux décès pendant la nuit, et un autre à l’extérieur d’une patiente qu’on avait laissée sortir en la croyant tirée d’affaire. C’est difficile. C’est là qu’on se rend compte que les maladies cardiaques, c’est quand même grave, et qu’on ne peut pas tout réparer ou changer comme de la vulgaire tuyauterie. Quand les poumons sont bousillés, ya plus grand-chose à faire sauf peut-être une double greffe cœur-poumon, que l’on ne réserve pas vraiment aux trisomiques… On côtoie ces drames humains de proche, avec les parents. Il y a énormément de déni et d’incompréhension. Même en tant que soignant ayant vu le malade si mal en point, on tombe des nues quand on rentre un matin et qu’on trouve la chambre vide.

Le jeudi soir, je suis allée dans une brasserie artisanale avec les plus « célèbres » Lillois qui fréquentent le même forum d’étudiants en médecine. C’est bien d’avoir pu les rencontrer en petit groupe, parce qu’à la journée de samedi prochain, nous serons 25, et en plus ils ne seront pas tous là !

Bon, voilà, je suis encore en train de procrastiner mon cheminement vers le lit et je vais encore être claqué demain.

Aujourd’hui un jeune garçon, 7, 8 ans peut-être, m’a accompagné de l’épicerie jusqu’à chez moi. J’ai moi-même étirer plus loin mon chemin pour lui montrer la quincaillerie du coin. Son ballon de basket étant dégonflé, je lui ai conseillé d’aller demander à la quincaillerie. Ai-je eu tort ? Est-ce présumer d’une relative bonté humaine ?

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Neige d'été

Nous avons discuté, je suis bien emmerdé de parler à un enfant. Pourtant cette époque me semble encore proche mais j’ai énormément de mal à appréhender ce qu’il peut percevoir de ce que je dis. La question qui tue du jour étant de savoir pourquoi j’ai mon permis de conduire alors que je n’aime pas conduire.

J’ai bien essayé d’expliquer brièvement que j’aimais jusqu’à ce que j’ai un accident, mais il n’a pas eu l’air de comprendre le lien de cause à effet.

Je suis indubitablement un adulte.

Vendredi 10 juin

Petit vendredi tranquille encore une fois. À l’admission, j’ai senti mon premier thrill sur la poitrine d’un patient, je comprends enfin de quoi il s’agit ! (C’est quand le souffle est tellement fort qu’on le sent avec la main sur le thorax). Ce qui est très amusant, c’est que j’ai fait écouter son souffle au patient, et il en a été très impressionné, mais j’ai pu lui expliquer qu’en fait, dans sa pathologie, plus le souffle est fort et plus c’est bon signe ! En effet, ça signifie que le trou est tout petit, ce qui donne beaucoup de turbulence… Ce qui est mieux qu’on très gros souffle avec les flots qui circulent tout seuls facilement après tout ! D’ailleurs j’ai plus tard assisté à son ECG d’effort et comme il est très sportif, il est arrivé au-delà du 90e percentile pour l’âge. L’autre admission était un syndrome de Kawasaki, je ne m’attendais pas à croiser une telle rareté un jour… Mes relations avec les médecins, externes/internes et infirmières se sont de plus en plus agréables.

Nous avons aussi vu un patient avec les pires complications possibles des cardiomyopathies : ses poumons sont foutus. On lui a fait différents tests, comme par exemple la mesure de l’oxygène dans le sang pendant qu’il marche (quelques petits tours de couloirs d’hôpital pépère hein…). Déjà qu’il n’est pas très saturé au repos, mais en marchant c’était une catastrophe : 60% (c’est normal d’être à plus de 90% et la plupart des gens sont tout le temps à plus de 95%…). Il était tout bleu d’avoir marché. Ses doigts étaient déformés par le manque d’oxygène mieux quand dans les livres quand ils veulent nous l’illustrer… C’est à se demander si des parents devraient vraiment avoir le droit de refuser une opération sur leur enfant, vu les conséquences inéluctablement morbides voire mortelles d’une telle décision !

Le soir, hop, direction Paris encore une fois ! Ma mauvaise aura semble envolée, le train arrive à l’heure, les tickets de métro fonctionnent, etc. Tout marche comme sur des roulettes. Je passe la soirée avec deux amies de longue date (et je rencontre le mari de l’une au passage), de ce type d’amitiés qu’on a toujours vécues de façon intermittente, à se voir de façon très espacée dans le temps mais à ne jamais se perdre de vue non plus, loin de là ! Vraiment très agréable, mais toujours trop court…

Le samedi, on a beaucoup marché dans Paris, mais il m’en a fallu du temps pour me « réapproprier » un peu la ville. L’impression d’étrangeté, de désagrément même, était tenace. Les rues, les métros, tout me surprenait comme si je n’y avais jamais vécu ! De même que tous les gens qui quémandent partout, et qui tirent la tronche, et qui entrent en collision avec vous parce qu’ils sont si pressés et si importants… Ouf ! Je ne m’étais jamais sentie bousculée à Paris avant et je trouvais les ragots sur les Parisiens mal fondés et faux, j’ai dû changer avec le temps… L’âge, que voulez-vous… ;)

Il n’empêche que la ville a ce quelque chose de toujours plaisant à visiter et revisiter, inlassablement. Je suis même retournée me promener sur notre ancienne rue, entrée dans la cour intérieure… Drôle, très drôle de sensation ! Revu tous ces lieux qui étaient « mon quartier » il n’y a pas si longtemps, la gare St-Lazare, la Madeleine de plus en plus crade et foncée, la Concorde, les Tuileries, le Louvre… Découvert tous les petits changements, parce que Paris est loin d’être une ville statique. L’omniprésence de références au sujet de Paris 2012, des anneaux olympiques partout, etc. Il faut quand même bien avouer que je n’ai jamais profité de la ville en y habitant, prise que j’étais par mes études (aussi ridicule que cela puisse paraître en parlant de la Terminale…). Je n’avais rien vu passer.

J’en ai d’ailleurs profité pour aller dans des lieux encore jamais foulés, une vraie honte : les buttes Chaumont et le canal St-Martin. Très vivant et joli, beaucoup de monde partout, des jeux pour les enfants… Il faisait un temps magnifique et j’ai même pris des couleurs ! De verdâtre, je suis passée à rose saumonée ;)

Le soir, repas dans le quartier Montmartre chez cette si gentille blogueuse et sa famille. On y a mangé un délicieux plat guadeloupéen typique. Dommage que je dormais un peu éveillée sur la fin de la soirée, j’ai l’impression d’en avoir manqué des bouts… Un gros merci pour tout et à la prochaine, en Guadeloupe peut-être justement !

Cette journée a aussi été l’occasion de rencontrer le fameux blogueur et marin normand, qui n’était pas sans me faire penser, en plusieurs points, à Karl. Décidément énigmatiques, ces Normands, et agréables à découvrir ! J’espère ne pas l’avoir trop embêté avec mes recherches de bijou et chaussures pour le mariage, dans les grands magasins et petites boutiques… Hihi, c’est si peu moi, de traîner les gens dans les magasins !!

Dimanche j’ai revu deux autres amis, des gens de Nantes en fait, mais les gens bougent tellement… C’est toujours un régal de revoir ses amis après si longtemps et de retrouver la même complicité qu’avant, comme si on venait de les quitter. Comme j’étais frustrée la veille de ne pas avoir eu le temps d’aller au Sacré-Cœur en plus de tout le reste, devinez où j’ai trimballé ceux-ci ? Eh oui, à notre ancien lieu de promenade « en attendant la lessive » ;)

Et voilà comment s’achève un week-end immensément plaisant et rempli comme je les aime :)

Enfin !

Quasiment du jour au lendemain le proprio s’est décidé à faire venir un extermineteur. Moralité, les fourmis en ont pris plein la gueule ; elles l’avaient bien cherché.

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Adieu les filles !

J’espère que la solution sera au long terme. L’exterminateur pense avoir trouvé le nid principal. Pour preuve : une dalle plastique de trente centimètres de coté sous laquelle les fourmis ailées étaient les uns sur les autres, on pouvait bien attendre qu’il n’y en ai plus à force de sortir !


Je deviens un vrai délinquant quand je suis seul, je ne me couche pan avant 2 ou 3 heures du matin. Le pire c’est que je me croirais bien en vacances déjà, malheureusement il reste une semaine ! grrr

/me impatient de prendre l’avion.

C’est sur mon Flickr donc .

Profitez bien et bon week-end !