Ma liste d’emplois est sûrement parmi les plus courtes de toutes, car je n’ai occupé jusqu’ici que deux jobines d’été.

La première consistait en un poste de “préposée à l’entretien”, à Carillon (à 100 km exactement de chez moi), pour Parcs Canada. Je voulais confronter à la réalité mon envie d’occuper un emploi assez manuel et physique, à l’extérieur, dans la “nature”, entourée d’hommes… En effet, je ne me serais jamais vue faire vendeuse ou serveuse. Finalement, j’étudie maintenant en médecine. C’est dire que je n’y ai pas trouvé ma vocation ;)

Mon autre emploi consistait à faire de la recherche expérimentale sur des rats. J’enregistrais des neurones dopaminergiques dans leur cerveau, après les avoir anesthésiés et trépanés. À la fin de la journée, je les euthanasiais par exsanguination, en infusant de la formaline directement dans le ventricule gauche encore battant, après ouverture de la cage thoracique. Je terminais par un guillotinage sauvage de la tête avec extraction du cerveau. Autrement dit, j’ai baigné dans le sang tout l’été. Ce n’est pas pour rien que je ne referai pas ça l’été prochain ! Cette expérience comporte l’immense avantage de m’avoir permis de savoir que je ne ferai jamais de recherche, ni de neurochirurgie d’ailleurs.

À part ça, je garde des enfants ou fais du tutorat scolaire, mais ça ne compte pas vraiment…

Et l’avenir ? Peut-être encore de la recherche l’été prochain, voire l’autre d’après (mais c’est moins sûr). Et puis, en août 2007, si tout se passe bien, je serai résidente salariée d’un hôpital, premier vrai boulot à vie !

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L'île d'Houat

Hoedic et moi, je l’ai déjà laissé entendre, nous sommes connus par l’intermédiaire d’une petite “communauté” sur Internet qui s’est formée autour de la lecture de la trilogie des Fourmis (Bernard Werber). Un livre qui change la vie, radicalement…

J’avais 14 ans quand j’ai lu le premier tome, sur les conseils avisés de Jean-Philippe [s’il avait su l’impact que cela aurait !]. J’ai alors fait une petite recherche avec pour mot-clé le terme “fourmis”, et je suis tombée sur un site réalisé par B, un Nantais de mon âge. C’est alors la première extase d’avoir un correspondant dans un pays aussi lointain…

J’apprends enfin ce qu’est le fameux “lycée” (dont le mot apparaît dans certaines de mes lectures sans que j’arrive à donner un âge aux personnages…), où se trouve la Bretagne (un pays ? ah non ? c’est pas en Grande-Bretagne ? ah bon…), etc. Après le mail vient la découverte d’ICQ (oui, ce sont mes débuts sur Internet, en même temps) et de l’IRC, avec #fourmis. C’est là que j’apprends à connaître et aimer profondément (encore aujourd’hui) tout ce beau monde, surtout des Français mais aussi quelques Québécois.

Petit à petit se forme en mon esprit le projet fou d’aller voyager en France, ce pays que j’ai appris à connaître et à aimer, par le truchement des mots de ses habitants IRCéens. J’ai 15 ans, mes parents sont trop sédentaires… Alors je m’inscris, sagement, au voyage de groupe organisé par mon école.

Mais la folie grandit en moi et sur un coup de tête, je décide à la fin de l’année d’annuler mon inscription. Après tout, avec l’argent que j’ai mis de côté, je peux avantageusement organiser mon voyage moi-même et choisir chacune de mes destinations, ainsi que mes gentils hôtes ? Je ne pense même pas que ce changement puisse importuner mes parents. En fin de compte, il aura fallu bien me battre avec eux pour obtenir le droit de partir seule, l’été de mes 16 ans, pour un mois. J’avais alors un petit ami, Québécois, qui a constitué mon argument-massue final : il m’accompagnera pour la dernière semaine de ce périple. Les parents consentent, à défaut d’être complètement rassurés.

À moi la France ! Le voyage s’organise petit à petit : Nantes avec Hoedic, Marseille avec B et A-F, Monaco avec R, et Paris chez Leeloolène. Un programme exaltant…

C’est ainsi qu’un certain 19 juillet 1999, même pas un mois après son opération à l’épaule, je me retrouve nez à nez avec Hoedic, que j’ai du mal à retrouver sur le quai de la gare de Châteaudun. Il faut voir que je n’avais en ma possession qu’une unique photo de lui, sur laquelle sa main cachait le bas de son visage. Comment pouvais-je deviner qu’il portait la barbe ? (Je me surprends alors à me demander la sensation que cela peu faire, d’embrasser cette bouche…)

Est-ce romancer le passé que de dire que son regard m’a déjà raviné le ventre et ravagé le coeur ? Chose certaine, nous passons une semaine idyllique à faire la tournée des châteaux de la Loire, et un ricochet sur l’île de Houat (jumelle non identique de la véritable île nommée Hoedic !), allant jusqu’à y passer la nuit sous la tente.

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L'île d'Houat bis

Puis, c’est le départ pour la Provence, Marseille, Nice et Monaco. J’oublie malencontreusement mon blouson à Nantes, ce qui obligera Hoedic à venir se joindre à nous à Paris…

Paris, la ville-lumière. Mon copain du moment me rejoint. Il ne m’a pas manqué un instant, sa présence dans mon rêve-réalité m’irrite. Un jour d’éclipse totale du soleil, à Fécamp, je finis par le plaquer définitivement, à son grand dam… Il faut voir que ça ne se fait pas vraiment, de gâcher ainsi le voyage de quelqu’un.

L’apogée de mon séjour se situe dans les tout derniers jours de ma présence à Paris. Hoedic et moi nous baladons dans le jardin des Tuileries, visitons le Louvre, presque déjà complètement amoureux l’un de l’autre… La nuit précédant mon départ, le logement chez Leeloolène se complique par le grand nombre de ses invités ; je me retrouve dans son salon, avec Hoedic, et ce qui devait arriver arriva. Je finis par céder, sous la douceur infinie de ses mains, à cette folie de voyage qui consiste à tomber éperdument amoureuse… L’avion du retour étant retardé de 24h, notre courte relation a connu un sursis avant de s’achever brutalement.

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Le balcon de Leeloolène

Le retour à la réalité est dur. Mes parents se sont séparés pendant mon absence. Que faire maintenant, sinon organiser la poursuite de mes études en France ? Car il est impossible d’oublier ce qui s’est passé…

Voilà notre petite histoire. C’est celle d’un amour transatlantique, pas toujours simple, mais tellement enivrant, comblant.

Ouvre si tu peux sans pleurer ton vieux carnet d’adresses. (Louis Aragon)

Le temps, les rencontres, une communion quotidienne aux mêmes joies et aux mêmes douleurs font naître très souvent de grandes amitiés. (Marcel Portal)

L’amitié est un contrat par lequel nous nous engageons à rendre de petits services à quelqu’un pour qu’il nous en rende de plus grands. (Montesquieu)

Comme à d’autre reprises, j’aurais pu vous montrer les cartes météos pour vous donner une vue d’ensemble mais on va se contenter d’une photo qui dit tout.

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-30°C au thermomètre

Oui oui, c’est bien du gel que vous voyez sur l’écharpe au niveau de ma bouche ainsi que sur mes sourcils et mes cils, un vrai plaisir ! (je n’arrivais plus à ouvrir grand les yeux en arrivant chez moi, tous mes cils du bord de l’oeil étant prisonniers de la glace).

Je suis même étonné que l’appareil photo ai accepté de fonctionner par ce froid. Mon vieux Palm Vx, lui, s’est décrété en grêve, impossible de l’utilise dans les dix minutes suivant une sortie.

Note : au passage, certains seront surement très contents de voir à quoi je ressemble… quoique vous ne risquez pas de me reconnaître dans la rue avec ça, à moins que je ne porte mon bonnet et mon écharpe justement ;)

Vous le savez peut-être, dans la série de mesures sécuritaires mises en place dernièrement par les américains, il y a le fichage systématique de tous les aliens entrants sur le territoire avec, pour ceux nécessitant un visa à l’entrée, soit les ressortissants de quelques 150 pays, obligation de se faire prendre en photo et de donner ses empruntes digitales.

Les ressortissants brésiliens font partie des heureux chanceux qui voient toutes leurs données biométriques ajoutées aux fichiers américains. Le Brésil, au nom du principe de réciprocité, a décidé de faire de même, et de ficher tous les américains arrivant sur le territoire national : Voilà, le petit oiseau va sortir, on met ses petits doigts dans l’encre et c’est fini.

Sauf que voilà, c’est pas du goût de tout le monde : un pilote américain d’American Airline s’est donc senti obligé de faire un doigt d’honneur à son gentil photographe brésilien alors que dans le même temps le reste de l’équipage, 11 personnes au total, refusait de se soumettre aux tests. Que ça se fasse à la frontière américaine pour les pouilleux du tiers-monde ne semblait pas les déranger, mais qu’on leur fasse à eux, qu’on viole leur vie privée de consommateur américain sur-défendu, c’est intolérable, ça nécessite un doigt d’honneur et surement de déposer plainte par la suite auprès d’un tribunal quelconque.

Ceci dit, le Brésil ressemble à une démocratie assez respectable : l’équipage sera retourné rapidement dans son pays alors que le pilote fera lui face à la justice fédérale pour avoir manqué de respect aux autorités brésiliennes. Un équipage brésilien aurait fait ça aux États-Unis, tout ce gentil monde aurait gagné un séjour de quelques années à Guantanamo avant d’être jugé pour terrorisme international et atteinte à la Sécurité Nationale devant une cour obscure et sans droit de se défendre. Vous voyez que c’est pas si mal le Brésil !