Je viens de terminer un stage de pédiatrie et d’en commencer un deuxième (sur un total de quatre à faire en tout).

J’adore travailler avec des enfants et les aider, ça, je crois que vous le savez déjà. C’est encore plus agréable quand on commence à devenir bon, que les choses deviennent plus faciles, et que les patrons vous apprécient ouvertement.

En plus, j’apprivoise la tâche d’enseignement, puisque maintenant je supervise des externes, je les aide à découvrir le fonctionnement d’un hôpital et à apprendre ce qu’ils doivent savoir de majeur en pédiatrie. C’est vraiment génial et j’adore ça, même si certains ne sont pas très doués !!

Au fond c’est le même principe de guidance avec un externe qu’avec un parent à qui il faut expliquer la maladie de son enfant, ou tout simplement les étapes de son développement à prévoir dans les prochaines semaines.

Évidemment, dans mon cas, tout ceci ravive une ambivalence qui m’habitait déjà (le sempiternel “aurais-je été plus heureuse en pédiatrie ?”). D’autant plus que j’ai su entre les lignes que j’aurais été admise si j’en avais fait le choix, ce qui est évidemment flatteur et à la limite, troublant.

Mais comment vous raconter sans caricaturer le peu de vie qui me reste, le carcan dans lequel je me sens prise, l’étau qui m’étouffe, alors que ce n’est que pour quatre mois ? J’étais de garde pour 24h mardi dernier, ce samedi et je le suis encore demain. Je n’ai pas eu de week-end, sauf un vendredi soir et un dimanche soir quand j’ai fini par émerger, toute à l’envers, de mon sommeil lourd et malsain de rattrapage. Et c’est comme ça un week-end sur deux depuis trois mois. La lessive s’accumule, le frigo se vide, et la vie passe sans moi. Les couleurs sont déjà à leur apogée dans plusieurs régions, le soleil se couche de plus en plus tôt, et je ne me rends compte de rien, ou presque.

La nuit, mon attitude change du tout au tout. Je deviens aigrie, je n’aime plus rien de ce que je fais. Il faut que je me fasse une violence inouïe pour répondre aux appels et pour traîner ma carcasse jusqu’aux patients à admettre, à réévaluer. Mon cerveau s’englue, je ne pense plus bien et je fonctionne au ralenti. Et je n’ai pas envie de me doper au Guru, Full Throttle et autres boissons énergisantes.

J’ai aussi vécu de grands moments de tristesse pendant le dernier mois de pédiatrie, le jour. Le décès de deux patients (pourtant prévisible, pourtant “dans l’ordre des choses”, mais tout de même…). La confrontation avec des parents très difficiles, revendicateurs ou borderline eux-mêmes. Des expériences très fortes mais nécessaires, évidemment.

Je me rends compte que c’est davantage l’enfant et sa famille qui m’intéressent, bien plus que l’infection urinaire, la crise d’asthme ou les pelletés de laryngites que nous admettons toutes les nuits (il y a actuellement une épidémie de parainfluenza type 1 qui court en ville, vous avez dû vous en rendre compte).

Et c’est là que le miracle a eu lieu. J’ai commencé mon stage en pédiatrie du développement, où l’on évalue les enfants avec toutes sortes de retard dans leur développement, comme son nom l’indique : langage, motricité globale ou fine, sociabilisation. Je trouve ça tout à faire passionnant, pertinent et formateur pour ma future profession. Je découvre mes premiers cas d’autisme, de déficit de l’attention, etc.

Ce n’est pas encore de la pédopsychiatrie (je dois encore faire quelques mois de formation générale), mais ça s’en rapproche drôlement. Et surtout, surtout, j’adore ça, je me reconnais. Ma place n’a jamais été dans une salle d’urgence, ni dans une salle d’accouchement pour réanimer un nouveau-né de 24 semaines, ni dans une salle de soins intensifs, et elle ne le sera jamais. Ça fait du bien de s’apaiser et de découvrir que finalement, on a probablement fait le meilleur des choix.

Un seul bémol, peut-être. Le fait de constater à quel point tout le monde se fiche des enfants. À quel point ce n’est pas politique, pas vendeur et pas important de les aider avec les ressources nécessaires. Un enfant qui souffre d’un trouble de développement, plus tôt tu le diagnostiques, mieux c’est. La malléabilité du cerveau est maximale jusqu’à 3 ans et demeure assez bonne jusqu’à 6 ans. C’est donc là que tout se joue.

Comment expliquer les années d’attente pour avoir accès à tel ou tel service ? Les allègements fiscaux radins au possible pour ces familles ? Quand on sait que nos interventions de stimulation peuvent changer la trajectoire d’une vie, l’intensité d’un handicap. Ce n’est ni banal, ni anodin. C’est une catastrophe silencieuse, une autre. Dont les victimes sont les plus vulnérables de notre société, et pourtant les plus désirables à la fois.

À n’y rien comprendre, vraiment.

Je me permets d’en appeler au lectorat pour m’aider à retrouve le titre d’un livre dont seule une lointaine trame me revient à l’esprit : dedans il est question d’un couple qui veut se donner la mort ensemble mais finalement sauvagement assassinés avant d’exécuter leur dessein. Il est aussi question, si je me rappelle bien, d’un policier/enquêteur qui arrive toujours à obtenir des aveux lors des interrogatoires et dont on apprend qu’il est atteint d’une maladie incurable. J’ai beau retourner dans tous les sens l’historique des livres passés, j’en suis dépassé ; seuls quelques titres reviennent et rien qui ne colle à ce scénario en filigrane. Alors si ça vous évoque quelque chose, n'hésitez pas.

Laissez tomber, j’ai trouvé. Je n’ai pas lu 36.000 romans suspense/fiction, ça ne pouvait pas être bien loin : «La fée carabine» de Pennac.


Ceux qui suivent minimalement l’actualité auront sans nul doute perçu le lien avec ma question précédente. Le suicide du couple Gorz est venu chercher quelque chose, à la fois triste et tendre. Je ne connaissais pas ce philosophe, je ne connais pas leur motivation mais la lecture de la nouvelle ainsi qu’un article touchant écrit un an plus tôt m’a sauté au visage comme un grenade alors qu’impuissant je voyais mes heures de travail filer comme du sable entre mes doigts, avachis que j’étais dans mon fauteuil.


J’en profite pour signaler un livre que Dre Papillon et moi avons apprécié presque en même temps : «Éloge du mariage, de l’engagement et autres folies» de Christiane Singer. Un de nos petits secrets à déguster tendrement.

Une vision parfois trop traditionaliste du mariage, mais le tour de force de faire passer pour aventuriers et drôlement fous ceux qui s’engagent ensembles plutôt que de choisir la facile solution de l’indépendance.


Tant qu’à être dans une certaine poésie de l’humain et tant qu’à parler Pennac d’ailleurs, nous sommes allés voir, entre nos gardes de 24 heures et nos fins de semaine de “mise en prod”, «Monsieur Malaussène au Théâtre», de passage à l’Espace Go. Nous étions tout étourdis de découvrir à nouveau les personnages hauts en couleurs de Pennac sous la voix du monologue interprété avec brio.

Fait cocasse : alors qu’hier, à vélo, j’expliquais à un ami que nous étions allé voir cette pièce, une joggueuse sur le trottoir dit une fois que nous étions à sa hauteur : “Pennac, je l’adore !”.

Toutes les routes mènent à Pennac !

À une époque avoir un beau troll bien velu et agressif était une fierté pour moi, une forme de reconnaissance du blogueur finalement. Il convenait de le nourrir correctement, de le relancer avec quelques insultes bien senties et autres.

Aujourd’hui, ça me fait chier. Ça nous fait chier. Et on en a un. Bien entendu, j’ai fait l’erreur de tout blogueur débutant qui renie son troll bien aimé : suppression des commentaires, blocage d’IP et autres. En vain car comme tout bon troll qui se respecte, il ne lui fallu pas plus de 5 secondes pour réagir en bon troll qui se respecte et troller encore deux fois plus. En fait ça double à chaque nouvelle vaine tentative.

Tout le monde connait les histoires de troll, sur la bêtise ineffable du troll et autre. Enfin bref. Ça fait quand même chier. Mais d’un autre coté nous perdions déjà intérêt dans notre blogue. Et quand on a un connard anonyme prend en plus plaisir à nous faire chier chez nous, ben ça nous tanne.

Bref, nous sommes tous les deux trop occupés et préoccupés pour se faire chier avec ledit connard. Donc ne vous étonnez pas si vous voyez ses trollées de commentaires apparaitre et disparaitre. La suite est écrit dans le marbre : comme le blogueur se tanne plus vite que le troll, nous finirons par fermer les commentaires et éventuellement, nous finirons même par arrêter de bloger. C’est la faute d’un con. Vous n’y pouvez rien, nous n’y pouvons rien non plus, ça fait partie des calamités qui peuvent arriver sur ‘ternet.

Le plus paradoxal est que ceci arrive 2 mois après que j’eus banni les moteurs de recherche du blogue pour éviter justement les trolls et les commentaires débiles suite à des recherches toutes aussi débile.

D’aucun diront qu’il gagne, que c’est son plaisir de nous faire agir ainsi et éventuellement de fermer grâce à connerie sans fond. Grand bien lui en fasse ma foi. Comme on dit, c’est la life et nous avons autre chose à faire.

Voilà des années que nous rêvions d’être propriétaires chez nous. Mais régulièrement, je refaisais des calculs de budget et j’arrivais immanquablement à la conclusion qu’on ne pourrait pas le devenir avant un bon 5 à 10 ans.

Et puis, un beau matin l’hiver dernier, je refais mes calculs avec mon futur salaire de résidente beaucoup plus proche et concret, je change quelques prémisses à nos besoins, j’arpente un peu les sites d’agences immobilières pour me remettre au fait des prix actuels dans le quartier que nous aimons… Et tadam ! Finalement, je me rends compte qu’avec seulement quelques compromis, tout devient possible.

Grande révélation qui nous a amenés à poser nos critères de recherche. Assez grand, pas trop cher, évidemment. Si ce devait être un ancien immeuble, nous voulions l’étage tout en haut pour ne pas entendre marcher sur nos têtes. Beaucoup de lumière naturelle avec de grandes fenêtres et une orientation sud-ouest. Pas de rénovations majeures à faire. Le tout situé dans le quartier que nous aimons, à distance de marche de nombreux services, du métro, et à distance de vélo du centre-ville et des principaux hôpitaux, histoire de pouvoir rayonner aisément dans la ville. Enfin, bien sûr, quelque chose de joli et qui nous plaise.

Combiner tous les critères et vous verrez que même dans un marché assez actif, le choix se restreint rapidement. Alors nous en avons visité, des appartements. Des sombres. Des trop petits. Des dans un micro-quartier qui ne nous plaît pas à l’intérieur du quartier qu’on avait choisi. Des avec planchers de “bois flottant”. D’autres dont il faut refaire la cuisine et/ou la salle de bain. Des mal foutus, des pas jolis.

Notre goût s’est plutôt accroché sur les appartements de construction récente, généralement insonorisés, pratiques, de bonne qualité, et sans trop de rénovation à prévoir. Nous en avions repéré deux assez comparables. Un que nous avons écarté car il donnait sur un garage de la ville, et le va-et-vient incessant des camions ne nous inspirait pas plus que ça, sans compter leur vue déplaisante. L’autre, nous l’habitons maintenant !

Il répondait à tous nos critères, il nous plaisait bien. Les plus petits détails nous convenaient à merveille (électroménagers inclus, stores inclus, date de déménagement avant le début de ma résidence…). Nous avons fait une offre pour essayer de faire baisser le prix. Avons reçu un contre-offre avec vraisemblablement le prix qu’il nous fallait accepter si nous voulions le faire nôtre.

Et c’est là que je me suis dégonflée. Ça allait trop vite. J’attendais encore de savoir dans quelle spécialité j’allais m’orienter, quel réseau universitaire j’allais fréquenter. Et même une fois que j’ai su la réponse, c’était trop de nouvelles à la fois pour moi, en une journée.

Surtout, j’avais peur de faire le saut. Peur que ce ne soit pas le prix juste devant l’impossibilité d’évaluer la valeur de la chose. Peur que notre impression soit biaisée, faussée, et que nous soyons en fait déçus en le revoyant. Alors je me suis dit, tant pis, il y en aura d’autres. Même si on trouve seulement dans plusieurs mois ou années. Il ne faut pas acheter si l’on n’est pas pleinement à l’aise avec notre choix.

Je dois avouer que cette décision m’a beaucoup soulagée de mes nuits blanches à faire de longs calculs, à me monter des châteaux en Espagne, à imaginer les milliards d’éventualités désastreuses possibles. J’ai enfin pu dormir sur mes deux oreilles, une nuit ou deux.

Temporairement seulement, car j’ai vite recommencé à arpenter les sites d’agences. Constaté que beaucoup d’appartements moins bien à prix bien plus élevé sur le marché avaient des caractéristiques assez semblables “au nôtre”. Enfin, à celui qu’on venait de laisser filer ! Qu’on n’en retrouverait peut-être pas d’autre aussi sympa à bon prix…

Et c’est là que, rongés par le remords, nous avons essayé de réactiver la contre-offre de la propriétaire. Avec succès vu la suite des événements !

Négocier un prêt hypothécaire, trouver un inspecteur, un notaire… Quel tourbillon ! C’est seulement à notre retour de voyage que nous avons scellé et officialisé le tout. Que nous avons enfin emménagé chez nous. (Même si c’était pour ne pas y passer beaucoup de temps vu le nombre d’heures que nous gaspillons au travail !)

Depuis, nous passons d’un contentement à un autre. Là où nous croyions déménager vers un localisation un peu moins heureuse qu’avant, quasiment en périphérie du Plateau Mont-Royal, en fait nous nous sommes installés à la jonction entre plusieurs quartiers tous plus intéressants et différents les uns des autres : le Plateau toujours, mais aussi le Mile-End que nous avons découvert avec enchantement, Outremont et ses jolies rues ombragées, et Rosemont. Le meilleur des mondes, finalement, tout ça près de plusieurs espaces verts, du métro, des lignes d’autobus pratiques pour moi, des pistes cyclables, des stationnements Communauto. Sans compter les innombrables services, cafés, restos et boutiques dans toutes les directions.

Le meilleur des mondes, quoi. C’est drôlement agréable d’être encore plus contents que prévu !

P.S. Merci à Sally pour son aide et sa patience dans tout ce processus. Et pour avoir enduré nos multiples voltes-faces ;)

Le dollar Canadien a brièvement atteint le niveau du dollar US et c’est reparti pour un tour à savoir si c’est bon ou non plus l’économie canadienne. Oui nous sommes plus riches, mais nous sommes moins compétitifs. Il faut baisser les taux d’intérêt disent certains, continuer ainsi clament les autres, etc.

L’économie n’est pas une science exacte, tout le monde le sait, mais il semble évident que le Canada souffre du “Dutch disease”.

Ce terme fait référence à un paradoxe pour la première fois analysé aux Pays-bas suite à la découverte de gaz. L’économie des ressources naturelles profita d’un boom mais le reste du pays s’en trouva plus mal. L’analyse qui en est fait est que l’afflux de capitaux étrangers dans les ressources naturelles fait monter la devise du pays, rendant ainsi les autres secteurs non compétitifs.

Ça vous rappelle quelque chose ? Le Canada est un gros producteur de pétrole et comme par hasard le dollar canadien fluctue avec le prix du pétrole. Va comprendre Charles comme disait la réclame.

Parmi les autres critères imputable au désastre hollandais, on peut aussi compter la fuite de main d’oeuvre vers le domaine des ressources naturelles, faisant ainsi monter le coût de la main d’oeuvre partout en plus de vider les régions sans ressource autre que leurs bonnes idées.

Les pays en voie de développement subissent souvent le même phénomène mais en pire. Les économistes appellent ça la “Resource curse” (j’ai même un gros livre sur mon bureau qui s’appelle “Escaping the resource curse” et qui n’attend que d’être lu) et c’est généralement une force déstabilisante assez puissante.

Pour les pays stables cela provoque surtout un déséquilibre entre secteurs économiques qui peut être suffisamment prononcé pour renverser la courbe logique de croissance. Le pays devient alors plus vulnérable aux retournements de situation puisque dépendant surtout d’un secteur.

Diagnostiquer le problème n’est pas encore lui trouver une solution, d’autant que derrière ce terme qui sonne bien se retrouvent une multitude de réalités. Cependant notre grand et beau premier ministre venant de The province qui produit du pétrole devrait se demander comment rétablir l’équilibre entre secteurs de manière assurer une croissance pérenne partout.